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Aux États-Unis, Bernie Sanders séduit la jeunesse

Mardi 1 mars, « Super Tuesday », aux Etats-Unis : primaires en cascade. Du côté des Démocrates, Hillary Clinton est aux prises avec Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont s’appuie sur la jeune génération, séduite par sa constance, son humilité et la radicalité de ses positions.

-  Actualisation - Lundi 22 février 2015 - Hillary Clinton a remporté le caucus démocrate dans le Nevada, samedi 20 février. Elle récolte 52,7 % des suffrages contre 47,3 % pour son adversaire, Bernie Sanders. Après l’annonce des résultats, elle s’est également adressée directement aux jeunes, électorat pro-Sanders.


-  Washington, correspondance

S’il est élu en novembre prochain, Bernie Sanders, 74 ans et sept fois grand-père, sera le plus vieux président à conquérir la Maison Blanche. Pourtant, ce serait en grande partie grâce aux jeunes États-uniens. Le sénateur démocrate du Vermont est arrivé à quasi-égalité avec Hillary Clinton dans le caucus de l’Iowa, le 1er février. Mais chez les 17-29 ans, il a engrangé 84 % des suffrages. Mieux : le 9 février, dans le New Hampshire, il a devancé l’ex-secrétaire d’État [1] de plus de 20 points toutes catégories confondues. Chez les jeunes, la marge est bien plus impressionnante. Et, n’en déplaise à ses détracteurs, ce n’est pas seulement parce qu’il souhaite légaliser le cannabis.

Pour la jeune génération, Bernie Sanders est celui qui paraît le plus sincère et constant dans ses idées. « Il était déjà dans la politique quand je suis né, avec les mêmes propositions », note Toora Arsala, 26 ans, candidat à la présidence des jeunes Démocrates du comté de Fairfax, en Virginie, et très « inspiré » par son aîné. « Quand le PDG de Goldman Sachs affirme que Bernie Sanders est dangereux, il n’y a pas de plus belle preuve qu’il est le meilleur candidat », raille Jackson Wolf Pincus, un étudiant de 18 ans qui a récemment coorganisé une marche à Washington – indépendante de la campagne officielle – pour le candidat anti-Wall Street.

 La gratuité de l’université publique

La première fois que Jackson Wolf Pincus a réellement considéré Sanders, c’était le jour de l’annonce de sa candidature. « Il n’y a pas eu de grosse fête, juste un petit podium sur la pelouse du Capitole ; il y avait peut-être dix journalistes, se rappelle le jeune homme. Une fois son annonce terminée, il a dit : “Bon, maintenant, je dois retourner travailler !” Ça montre qu’on ne le surnomme pas le “roi des amendements” pour rien. » Un changement de style et un sérieux très appréciés chez une génération dégoûtée par l’establishment politique états-unien.

Toora Arsala lors de sa rencontre avec son « modèle » à Washington cet été.

Avec ses cheveux blancs en bataille, sa voix rocailleuse et sa posture voûtée, Bernie Sanders a beau ne pas être très télégénique, il est, après Donald Trump, celui qui attire le plus de supporters à ses meetings. Et notamment les étudiants. « Il s’est beaucoup plus rendu sur les campus universitaires qu’Hillary Clinton », raconte Toora, lui-même étudiant et représentant Démocrate au Community College de Virginie du Nord. « Les jeunes veulent un candidat comme lui, qui se soucie de leurs problèmes comme les frais de scolarité, la crise écologique ou encore l’inégalité salariale », énumère-t-il.

Dans la « révolution » de Sanders, la gratuité de l’université publique tient en effet un rôle central. Le candidat a pris l’habitude, au cours de ses meetings, de demander aux étudiants dans l’assemblée combien ils doivent à leur banque. En moyenne, la dette universitaire atteint 35.000 dollars aux États-Unis. Pour Gracie Brett, 19 ans, étudiante en science politique, il est « déjà un peu tard » pour échapper aux crédits, mais elle espère que ses enfants « et pas seulement les miens, mais tous les enfants des États-Unis », connaîtront un système différent.

La jeune femme est aussi séduite par la promotion de l’égalité salariale que prône Sanders. Selon elle, ce n’est pas parce qu’Hillary Clinton est une femme qu’elle a le monopole du féminisme. « Je pense qu’avec Hillary, c’est un problème de génération, explique Gracie Brett, née durant le second mandat de Bill Clinton. Les femmes plus âgées se sentent davantage engagées envers elle car elles ont suivi sa carrière depuis le début, il y a un côté très sentimental. Mais Bernie attire les électrices plus jeunes, car elles pensent qu’il sera sûrement meilleur qu’Hillary au sujet des droits des femmes. »

Gracie Brett et sa mère affichent leurs tatouages en soutien à leur candidat.

Personnellement, Gracie Brett cherchait un candidat radical. « Je me considère moi-même comme une démocrate socialiste alors que mon pays est globalement très conservateur. J’attendais vraiment qu’advienne quelque chose d’un peu plus extrême que la gauche classique, et c’est là que Bernie Sanders est arrivé. Certains se moquent de moi : “Alors, tu veux que les États-Unis ressemblent à la Scandinavie ?” Et je leur réponds : “Oui, où est le problème ?” Beaucoup d’États-uniens assurent qu’ils ne voteraient jamais pour un socialiste, mais ils ne comprennent pas ce que veut dire ce mot : les écoles publiques, les bibliothèques, les routes… On a déjà tout ça dans notre pays, c’est juste qu’on ne l’appelle pas “socialisme”. »

La révolution politique sera collective 

Pour Jackson, « socialisme » n’est plus un gros mot aux États-Unis. Mais, quand un adulte le taxe d’idéaliste immature, ou lui explique qu’il ne connait rien en politique car il n’a jamais voté auparavant, l’étudiant en science politique sort de ses gonds : « C’est une insulte envers notre intelligence. Pardon, mais ça n’est pas parce que vous traînez sur cette planète depuis plus longtemps que vous êtes plus malin… Il y a des gens de plus de 65 ans qui vont voter Donald Trump. Ne me dites pas qu’ils sont plus intelligents qu’un jeune de 18 ans qui vote pour la première fois pour avoir accès à une vie meilleure. Désormais, à chaque fois qu’un adulte me fait la leçon comme ça, je lui réponds : “C’est vous qui avez foutu ce pays en l’air, et bientôt vous ne serez plus là, donc laissez-nous le réparer à notre manière.” »

Lors de son discours de victoire dans le New Hampshire mardi 9 février, Bernie Sanders, qui lisait ses notes sans prompteur, n’a cessé de dire « nous » quand sa rivale Hillary Clinton multipliait les « je » : sa révolution politique sera collective. Pourtant, certaines communautés n’ont pas encore répondu à l’appel de Bernie. Le candidat a notamment été accusé de ne pas suffisamment affirmer son soutien au mouvement Black Lives Matter.

Jackson Wolf Pincus, coorganisateur d’une marche pour Bernie Sanders à Washington DC.

Toora tente de défendre tant bien que mal son candidat : « Dans les meetings auxquels j’ai assisté, j’ai vu beaucoup de Noirs. D’ailleurs, Bernie Sanders a reçu dernièrement le soutien public de la fille d’Eric Garner [un Noir étouffé à mort par la police new-yorkaise en 2014]. » Quant à Jackson, il est particulièrement énervé par la récupération politique de l’équipe de Clinton au sujet du scandale sanitaire de la ville de Flint. « Ils ont dit en se moquant : “Pendant qu’Hillary se rend à Flint, Bernie va au Saturday Night Live [une émission humoristique très populaire aux États-Unis]” mais Sanders aurait été accueilli les bras ouverts à Flint ! »

Reste que dans les sondages, les Afro-Américains soutiennent en grande majorité Hillary Clinton. La prochaine primaire, en Caroline du Sud, le 27 février, devrait servir de test à Bernie Sanders, dans un État où le vote noir est déterminant.

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