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Politique

Castex et Macron parlent d’écologie, mais restent dans le grand flou

Le Premier ministre, Jean Castex, présentait ce mercredi 15 juillet sa déclaration de politique générale, après l’interview de M. Macron la veille. Les responsables de l’exécutif ont évoqué des mesures en faveur de la lutte contre le changement climatique, mais sans grandes précisions, constatent les ONG écologistes.

« L’écologie est notre affaire à tous, elle doit être créatrice de richesses. Je crois à la croissance écologique, pas à la décroissance verte. » C’est par ces expressions que le Premier ministre Jean Castex a résumé son ambition environnementale, lors de sa déclaration de politique générale, mercredi 15 juillet. Face aux députés, il a dessiné les contours d’un plan de relance intégrant la lutte contre le changement climatique et la réduction des gaz à effet de serre. Mais les moyens concrets à mettre en œuvre restent flous.

Jean Castex a annoncé que le gouvernement va mobiliser « plus de 20 milliards d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments, pour réduire les émissions des transports et de nos industries, pour produire une alimentation plus locale et durable, pour soutenir les technologies vertes de demain comme les batteries, pour mieux recycler et moins gaspiller ». Toutefois, le Premier ministre n’a pas précisé quels seraient les leviers à actionner, ni comment ces 20 milliards se répartiraient entre tous ces secteurs.

M. Macron le 14 juillet : « On peut en France redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie. »

La veille, mardi 14 juillet, le Président de la République n’avait pas été plus clair. Interrogé pendant 1h15 par les journalistes Léa Salamé et Gilles Bouleau, Emmanuel Macron n’a évoqué ses intentions climatiques que pendant sept minutes. Il a d’abord souligné qu’il était « favorable » à l’intégration de l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité dans la Constitution. Puis il a affirmé qu’il allait continuer à « déployer massivement » une prime pour aider les Français à rénover leur logement. « On va mettre beaucoup plus d’argent pour que les ménages les plus modestes en particulier, et les autres, puissent procéder aux rénovations pour dépenser moins d’énergie dans la maison, et en même temps préserver notre climat », a-t-il poursuivi, sans préciser cependant la somme d’argent allouée à cet objectif. Le chef de l’État a également annoncé la mise en place d’un « grand programme de rénovation de nos écoles et de nos Ehpad pour commencer ».

La thématique des transports a ensuite été abordée : de la prime à la conversion (qu’Emmanuel Macron veut prolonger en un programme plus simple) à la réduction du trafic dans les zones à fortes émissions (que le gouvernement va être obligé de mettre en place puisqu’il vient d’être condamné par le Conseil d’État), en passant par la suppression de certains vols domestiques. Sur ce point, le Président a estimé que les lignes intérieures d’une heure de vol, lorsqu’un trajet en train mettait un peu plus de deux heures, n’avaient plus de sens. En revanche, il a affirmé que les lignes intérieures se « justifiaient » si le train mettait trois à six heures à arriver à sa destination. « On a besoin d’aller à Brives, on a besoin de continuer à développer de l’industrie à Toulouse, à Pau, on a besoin de continuer à aller dans des villes qui sont des chef-lieux de département, des métropoles, où l’industrie a commencé à se développer », a-t-il argumenté.

C’est dans cet esprit d’écologie qui relance l’économie que le chef de l’État a bâti son discours. « On peut en France redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie », a-t-il poursuivi. « Pourquoi ? Parce qu’on ne va pas importer des matériaux de l’autre bout du monde dont le bilan carbone est absolument abominable. On va re-produire dans nos régions. (…) On va redévelopper le fret ferroviaire massivement, on va redévelopper les trains de nuit, on va redévelopper les petites lignes de train parce que tout ça permet de faire des économies et ça permet de réduire nos émissions. »

Cependant, là encore, aucun chiffre n’a été annoncé. « C’est une bonne nouvelle, c’est positif, s’est réjoui Adrien, membre du Collectif Oui aux trains de nuit. Nous avons fait des propositions, maintenant on attend de voir les actes, ce qui va se passer au-delà des intentions. » « Les annonces d’Emmanuel Macron sur un éventuel soutien au train restent floues et le Président s’est exprimé en faveur du maintien de lignes aériennes pour des destinations accessibles en trois heures de train, en contradiction avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat », a déploré Greenpeace France dans un communiqué.

« Emmanuel Macron parle du retour du train de nuit ? Je dis chiche ! C’est mon dossier, je me bats tous les jours à la tête de la commission transports pour en faire une réalité. Mais on ne finance pas les trains avec de beaux discours. Donc on veut 7 milliards comme pour l’aviation », a réagi sur Twitter la députée européenne Karima Delli (EELV).

Jean Castex, le grand flou

M. Castex : « Je crois à la croissance écologique, pas à la décroissance verte. »

Quelques heures plus tard, le Premier ministre devait détailler concrètement les ambitions du gouvernement. Le chef du gouvernement a annoncé cette enveloppe de 20 milliards d’euros (soit un cinquième du plan de relance de 100 milliards d’euros), sans préciser quelle part irait aux trains, aux bâtiments ou aux prétendues « technologies vertes ». Jean Castex a seulement évoqué le financement de la « prime à la rénovation », « la sauvegarde des petites lignes ferroviaires », et « un plan vélo très ambitieux contractualisé avec les collectivités territoriales ».

« Il n’a pas dit grand-chose en réalité, c’est décevant, déplore Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). Il annonce des milliards mais on ne sait pas ce que ça recouvre. Il y a beaucoup d’inconnues. Mais je retiens quand même qu’il y a une prise en compte de nos préoccupations, ce sera difficile pour le gouvernement de s’en affranchir à présent. »

Outre la rénovation énergétique et les transports décarbonés, Jean Castex a également affirmé que le gouvernement allait réguler la publicité « pour réduire les incitations à la surconsommation des produits polluants » et mettre en place un moratoire pour l’installation de nouveaux projets de centres commerciaux dans les zones périphériques, « pour lutter contre l’artificialisation des sols et promouvoir les circuits courts et les petits commerces ».

« Si la mesure n’est pas édulcorée, elle sera historique, a estimé Alma Dufour, chargée de campagne surproduction aux Amis de la Terre, dans un tweet répondant à Pascal Canfin, le président de la Commission environnement du Parlement européen, qui se félicitait de cette mesure. Ce n’est pas gagné. il faut : inclure les entrepôts de e-commerce, inclure les réserves foncières des collectivités, geler toutes les autorisations en cours et exclure le critère de sous-équipement commercial. »

M. Castex a aussi évoqué la Convention citoyenne sur le climat : « Le plan de relance intervient au moment où la Convention citoyenne pour le climat vient de rendre, au terme d’un remarquable travail, ses propositions. Elles vont désormais faire l’objet de travaux associant les groupes parlementaires, les partenaires sociaux et les administrations. Afin que, comme l’a annoncé le Président de la République, un projet de loi spécifique puisse être présenté à la concertation au début de l’automne. »

Enfin, d’ici la fin de l’année 2021, Jean Castex souhaite que tous les territoires « soient dotés de contrats de développement écologique avec des plans d’actions concrets, chiffrés, mesurables. » Même si le Premier ministre a reçu 345 voix favorables de députés lors du vote de confiance, ces quelques annonces n’ont pas convaincu tout le monde. Le groupe parlementaire Écologie démocratie solidarité a expliqué qu’il jugera « sur pièce » la politique du nouveau gouvernement, et la plupart de ses élus ont voté contre lors du vote de confiance.

« Comment faire confiance à Jean Castex quand le premier texte voté par la majorité parlementaire sous sa conduite, à savoir le troisième projet de loi de finances rectificative a consisté à attribuer 15 milliards d’euros pour l’aérien et 8 milliards pour l’automobile, sans contreparties climatiques, en dépit des recommandations de la Convention comme du Haut Conseil pour le climat ? a critiqué Clément Sénéchal, porte-parole politiques climatiques pour Greenpeace France dans un communiqué. Dans la continuité de ces trois dernières années, le nouveau contrat de gouvernement semble davantage noué avec les lobbies industriels et financiers qu’avec les citoyen-es. »

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