En Gironde, des habitants distribuent repas et massages aux pompiers

En Gironde, des bénévoles proposent des repas aux pompiers. - © Isabelle Miquelestorena / Reporterre
En Gironde, des bénévoles proposent des repas aux pompiers. - © Isabelle Miquelestorena / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Climat Incendies« On la pleure, la forêt » : en Gironde, où plus de 20 000 hectares ont été détruits par deux mégafeux, les habitants vivent au jour le jour. Certains s’activent en proposant repas et massages aux pompiers.
Teste-de-Buch (Gironde), reportage
Ici et là des personnes patientent en discutant sur des bancs. La grande salle du parc des expositions de la Teste-de-Buch mise à disposition pour héberger les évacués à la suite de l’incendie qui a touché la commune et ravagé près de 7 000 hectares en dix jours, paraît presque vide. Il reste les personnes les plus précaires, celles qui n’ont pas de familles ou d’amis pour les loger, et celles qui reviennent chaque jour en espérant trouver des nouvelles, si possible bonnes.
Danielle, évacuée de Cazaux le 14 juillet, en fait partie. « La tension monte, dit-elle, cela fait une semaine que l’on n’a pas pu aller chez nous. » L’inquiétude grandit, l’énervement aussi. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas rentrer, alors que Cazaux semble sauvé des flammes et des fumées. « On va avoir des surprises en rentrant, je ne préfère même pas me projeter. » Les coupures de courant sur la commune font craindre des pertes alimentaires dans les congélateurs, d’autres se demandent dans quel état ils vont retrouver leur jardin potager, tous s’inquiètent pour les animaux restés sur place. Et les nouvelles qui n’arrivent qu’au compte-goutte jouent sur les nerfs.

L’avenir ? Ces Cazausois veulent avant tout rentrer le plus tôt possible chez eux. Difficile de se projeter plus loin, même si les paysages dévastés qui les attendent sont dans un coin de tête. La préfète de Gironde, Fabienne Buccio, a indiqué dans un point presse le 21 juillet, que seuls des habitants du Pyla allaient être réintégrés. « On fait face à deux gros feux, on ne les éteindra pas si vite que cela. Dans la durée ils devront être surveillés. Pour réintégrer les populations, il nous faut encore un peu de patience, quelques jours. »
Pour trouver la patience nécessaire, certains ont pris le parti de s’activer. C’est le cas de Christine, autre habitante de Cazaux, qui a lancé avec « un noyau de quelques amis » les premières distributions aux pompiers. Depuis, les bénévoles et les dons ont afflué et une petite ruche s’est mise en place à l’hippodrome de la Teste-de-Buch. Une salle de repos, des douches, des sanitaires ainsi que des boissons fraîches, des repas et même des massages réalisés par des podologues ou des ostéopathes volontaires sont à la disposition des pompiers et de tous ceux qui œuvrent à éteindre le feu.

Grâce à sa grosse semaine d’engagement, Christine fait figure « d’ancienne » parmi les bénévoles. « Malgré l’intensité du feu, ils n’ont pas eu de blessés. Ils nous ont dit que c’était parce qu’ils n’avaient pas baissé leur vigilance, parce qu’ils avaient de quoi se ravitailler, se reposer. » Elle comprend la pression qui monte chez d’autres habitants et est contente de s’occuper « pour ne pas y penser », en débitant des fruits qui finissent en salades rafraîchissantes pour pompiers exténués. Charlène Kazmierczak est elle aussi bénévole. Elle travaille habituellement à la maison de quartier de Cazaux et raconte l’évacuation « apocalyptique » dans le parc des expositions : « Il y avait des personnes âgées, les gens sont venus avec leurs animaux... » Les chevaux de l’hippodrome ont eux aussi été évacués, « ils hurlaient ». Que va-t-il rester, après le feu ? « Il faut s’attendre à ce qu’il ne reste plus grand-chose. Un soir, ma fille de 10 ans a ressorti un herbier qu’elle avait fait avec l’école dans la forêt usagère, elle m’a dit : ça n’existe plus… On la pleure, la forêt. On va reconstruire mais on a du mal à se rendre compte encore. »

Pour reconstruire, il faudra des forestiers mais pour Éric Constantin, directeur de l’Office national des forêts (ONF) des Landes et du Nord Aquitaine, il est trop tôt pour y songer. « On est encore dans la gestion de crise, dans la nécessité de réagir avec des travaux. On espère le plus rapidement possible se projeter sur l’après. » L’homme est actuellement occupé à créer des pare-feux géants, au sud et au nord de l’incendie. Au sud, il s’agit d’empêcher les flammes de gagner le département des Landes. Pour cela, l’ONF, avec des entreprises partenaires, a dégagé sur plus de 5 kilomètres une travée de 150 mètres de large en moyenne — « un travail titanesque ». Il conclut : « On fait face à des changements globaux, le changement climatique mais aussi un changement social de rapport à la forêt. Demain nous appartient pour essayer, innover et rester humble face au temps forestier. »
En visite en Gironde mercredi 20 juillet, Emmanuel Macron a annoncé « un grand chantier » en vue de « replanter une forêt dont nous allons bâtir des règles plus protectrices dans la durée ». Une promesse fragilisée par le manque de moyens alloués actuellement aux forestiers.