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ReportageInondations

En Grèce, les inondations ont ravagé les récoltes

Les inondations historiques qui ont fait au moins 15 morts dans le centre de la Grèce ont aussi provoqué des dégâts considérables dans cette région agricole. Pour ceux qui ont tout perdu, il faudra des années pour s’en relever.

Thessalie (Grèce), reportage

« Tout est perdu, je ne sais pas comment je m’en relèverai », lâche Yiannis, un agriculteur qui produit des tomates depuis plusieurs générations, non loin de Palamas, dans le centre de la Grèce. Alors qu’il enlève ses bottes pleines de boue après avoir constaté les dégâts, il ne peut cacher son émotion.

« C’est le travail de toute une vie qui est parti en quelques heures. Je n’ai pas les mots », dit celui dont le terrain ressemble désormais à un marécage. On y aperçoit quelques tomates, ici et là, au milieu de la boue et de l’eau qui est encore présente.

La récolte a été ravagée par les inondations. © Romain Chauvet / Reporterre

Le centre de la Grèce a été confronté la semaine passée à des pluies diluviennes, en raison de la tempête Daniel. Certaines localités ont reçu près de 800 mm de pluie en moins de vingt-quatre heures, soit plus qu’une année complète de précipitations.

Au moins quinze morts

L’eau est montée extrêmement vite, surprenant de nombreux habitants, qui se sont parfois retrouvés pris aux pièges ou réfugiés sur le toit de leur maison. Au moins quinze personnes ont perdu la vie et, sur place, les dégâts matériels témoignent de l’intensité de l’événement.

Des routes entières ont disparu suite aux pluies torrentielles. © Romain Chauvet / Reporterre

« C’est un désastre, tout est détruit », se désole Konstantina. Sa maison a été submergée par la montée des eaux d’une rivière. Par chance, elle a eu le temps de monter à l’étage. Mais les dégâts sont énormes, particulièrement dans ses champs de coton.

« On arrivait à peine à se relever des dernières inondations [1], mais avec toute cette eau l’avenir va être difficile, très difficile, je m’attends à un désastre économique », craint-elle, redoutant que la fertilité des sols en soit affectée pour longtemps.

Les rez-de-chaussée de nombreux commerces et habitations ont été envahis par la boue. © Romain Chauvet / Reporterre

La région de Thessalie, dans le centre du pays, est souvent surnommée le grenier de la Grèce, en raison de son importance dans la production agricole du pays. Céréales, tomates, maïs, cotons ou encore bétails sont source de revenus et d’emplois dans cette région agricole.

« Ça prendra deux ou trois ans avant que le secteur ne se remette complètement »

Mais aujourd’hui l’avenir est sombre, alors qu’on estime que près d’un quart de la production agricole de l’année a été perdu. « Ça prendra deux ou trois ans avant que le secteur ne se remette complètement des inondations », estime Dimitrios Bilalis, professeur en agronomie à l’Université agricole d’Athènes, qui souligne que plus de 70 000 hectares sur 320 000 cultivables ont été touchés dans cette région.

Le grenier de la Grèce a été noyé. © Romain Chauvet / Reporterre

« Nous sommes très en colère contre les autorités, rien n’a été fait en amont pour prévenir ce genre de catastrophe », déplore Marios, un agriculteur de Koulouri dont la ferme familiale est sous les eaux.

« Il ne reste plus rien, nos animaux flottent, morts, notre maison est détruite, c’est un cauchemar. On se sent abandonnés, il n’y a absolument aucune aide », déplore l’homme, qui s’en remet à la solidarité entre villageois depuis le désastre.

Avec les catastrophes successives de l’été, beaucoup s’en remettent plus à la solidarité entre habitants qu’à une éventuelle aide de l’État. © Romain Chauvet / Reporterre

Tout comme lors des vagues d’incendies destructeurs et meurtriers qui ont touché la Grèce tout au long de l’été, beaucoup déplorent le manque de préparation et de coordination des autorités, alors que les météorologues mettaient en garde contre cette tempête.

Bloqués sur les toits

Avec la montée des eaux, plusieurs résidents se sont retrouvés bloqués sur le toit de leur maison pendant plusieurs jours, appelant à l’aide dans les médias grecs et sur les réseaux sociaux, face à des secours qui tardaient à arriver.

Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, qui s’est rendu sur place, a parlé d’un « phénomène naturel comme nous n’en avons jamais vu auparavant », et a promis des indemnisations rapides.

Les scientifiques craignent qu’à cause du changement climatique, ces phénomènes météorologiques extrêmes se reproduisent. © Romain Chauvet / Reporterre

Pour le professeur Dimitrios Bilalis, l’aide financière est certes importante, mais la Grèce doit mieux se préparer au changement climatique. « Il faut faire des études sérieuses sur les risques, investir dans des infrastructures agricoles qui résistent aux événements climatiques extrêmes tout en allant, idéalement, vers des systèmes agroalimentaires durables pour limiter les impacts sur l’environnement », explique le professeur, qui redoute que ce genre de phénomène se répète.

C’est justement pour éviter de revivre cela que Fotini fermera les portes de sa taverne qui vient d’être inondée. Avec des dégâts qu’elle estime à plus de 30 000 euros et sans assurance, c’est l’événement de trop.

« Je n’ai plus la force, c’est trop dur de tout recommencer chaque fois à zéro toute seule sans personne pour vous aider. On nous promet tout, mais dans la réalité très peu est fait », déplore celle qui a aussi vécu les inondations de 2020.

© Romain Chauvet / Reporterre

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