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ReportageLégislatives

Fin de partie pour la ministre de l’Écologie, Amélie de Montchalin

Jérôme Guedj à Massy, le 19 juin 2022.

La ministre de la Transition écologique, Amélie de Montchalin, a été battue dans l’Essonne par le candidat de la Nupes, Jérôme Guedj. Outrances médiatiques et campagne de dernière minute n’auront pas sauvé une ministre vue comme parachutée.

Massy (Essonne), reportage

Contrairement à ce qu’elle espérait, sa date d’anniversaire n’aura pas suffi à lui porter chance. Le soutien du ministre de l’Économie Bruno Le Maire non plus. Amélie de Montchalin a été battue lors du deuxième tour des élections législatives, dimanche 19 juin, dans la 6ᵉ circonscription de l’Essonne. Son rival, Jérôme Guedj, sous les couleurs arc-en-ciel de la Nupes, est arrivé en tête avec 53,36 % des voix (pour un taux d’abstention de 49,85 %).

Lors du premier tour, la ministre était en ballottage défavorable (31,46 % des voix) dans cette circonscription où elle avait pourtant été élue en 2017 — son adversaire n’était même pas parvenu au second tour. Lors d’une campagne jugée tardive, elle a multiplié les porte-à-porte à la rencontre des habitants de cette circonscription où elle n’habite pas. Elle a tenté de discréditer son rival, ancien président du conseil général et député socialiste, qu’elle qualifia, sur CNews, d’« anarchiste d’extrême-gauche ».

La ministre de la Transition écologique et de la cohésion des Territoires jouait gros. Emmanuel Macron avait conditionné le maintien des ministres dans leurs fonctions à leur réussite aux élections législatives. Contrainte de quitter le gouvernement au bout d’un mois, elle devient, après Alain Juppé en 2007, la deuxième ministre la moins durable du portefeuille dédié à l’environnement.

Au QG de Jérôme Guedj, à Massy, où les sourires s’élargissent avant l’officialisation de la victoire. © Fanny Marlier / Reporterre

En fin d’après-midi, du côté de Palaiseau, sa défaite était pressentie. Devant le bureau de vote abrité par le théâtre de la Passerelle, la dizaine d’électeurs rencontrés avaient tous glissé le même bulletin : celui de Jérôme Guedj. « Amélie de Montchalin ?! C’est simple, elle n’est pas là », lance Anne, 39 ans, dans un sourire sardonique. « Elle a été parachutée ici. » Surtout, cette ingénieure en informatique fustige « son engagement écologiste inexistant ».

Même avis du côté de Sasha, étudiant en médecine, qui cite pêle-mêle les votes de l’ex-députée contre l’interdiction du glyphosate, l’indemnisation des victimes de l’utilisation de pesticides, ou encore la suppression de l’avantage fiscal pour l’importation d’huile de palme. Comme d’autres, le jeune homme pointe le manque d’ancrage dans ce territoire. « Vous verrez, une fois qu’elle aura perdu, on ne la reverra plus jamais », dit-il en haussant les épaules.

« Ça ne vous dérange pas de travailler avec des violeurs ?! »

Au milieu de sa tournée des bureaux de vote, la ministre, qui a glissé son bulletin le matin même dans une autre circonscription, arrive dans celui-ci vers 17 h 30 avant de se faire quelque peu chahuter. « Ça ne vous dérange pas de travailler avec des violeurs ?! » l’interpelle Sven, 29 ans, faisant allusion aux accusations révélées par Mediapart visant les ministres Damien Abad et Gérald Darmanin. Tout en s’éloignant, Amélie de Montchalin répond par un laconique : « Les violences, je les combats. »

Présageant une issue défavorable, c’est tout juste une heure avant l’annonce des résultats que l’équipe de la ministre a dévoilé aux journalistes le lieu de rassemblement de ses soutiens. Direction l’espace Liberté, une grande salle surplombant un décor bucolique, située à quelques mètres de la mairie de Massy. Sur place, la consigne est sans appel : impossible de pénétrer dans l’enceinte du bâtiment, la vingtaine de journalistes regroupés devant est contrainte d’attendre dehors « jusqu’à l’annonce définitive des résultats ». Comprendre : 22 heures environ.

Jérôme Guedj et son équipe regardent l’intervention de Jean-Luc Mélenchon après le second tour des législatives. © Fanny Marlier / Reporterre

À deux kilomètres de là, Jérôme Guedj et ses soutiens sont rassemblés dans un lieu qui ne manque pas de symboles, la Maison de l’emploi et de la formation. Sur place, une petite dizaine de militants s’affairent à rentrer les résultats envoyés en direct par les différents bureaux de vote. Il est bientôt 20 heures, et, visiblement confiants, certains sourient déjà.

À côté, le candidat de la Nupes écoute, concentré, le discours du chef de file de l’union de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, retransmis sur tablette. Celui-ci officialise le premier la victoire : « Quel bon débarras d’avoir vu après Monsieur Blanquer éliminé dès le premier tour, voir éjecté l’éborgneur Castaner, et l’injurieuse Montchalin ». À Massy, Jérôme Guedj commence à exprimer sa joie : « Cette victoire, on l’a arrachée ! » s’exclame-t-il dans une longue accolade affectueuse à sa suppléante, Hella Kribi-Romdhane. Avant de tweeter : « Ramenez à boire ! — On était superstitieux, on n’a pas prévu suffisamment », glisse-t-il l’œil rieur.

« On a rallumé la flamme de l’espoir »

Vers 22 h 30, l’ancien président du conseil départemental de l’Essonne tient officiellement sa revanche. Au son des « On a ga-gné », et « Un-ion po-pu-laire ! » scandés par les dizaines de militants, le député fraîchement élu a livré un discours enjoué et enthousiasmant. « On a rallumé la flamme de l’espoir », a-t-il lancé en préambule. Avant de brandir l’expression popularisée par la crise des Gilets jaunes : « On a parlé de la fin du mois et de la fin du monde. »

Pour souligner l’union des forces, il a pris soin de remercier les différentes figures locales de gauche qui ont accepté de retirer leur candidature au profit de la sienne. En guise d’adhésion à cette « dynamique collective », Jérôme Guedj a fait une promesse : « Les 650 propositions de la Nupes je les défendrai avec force ! »

Plus sombre, il a souligné la percée historique du Rassemblent national aux législatives, qui obtient un groupe de 89 députés, dix fois plus que leur nombre actuel. « Je veux éradiquer la colère dont le Front national se nourrit », déclarait pourtant Emmanuel Macron en 2017. Force est de constater qu’à quelques mois du début de son deuxième quinquennat, c’est l’inverse qui s’est produit.

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