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ReportageLégislatives

Dans l’Ain, le score record d’une activiste climat — mais qui échoue

Lumir Lapray le 19 juin 2022, réconfortant l'une de ses militantes.

L’activiste pour le climat investie par la Nupes dans la 2ᵉ circonscription de l’Ain, Lumir Lapray, défaite de peu par le candidat macroniste, a réussi le meilleur score de gauche depuis 1988 dans ce bastion conservateur.

Lagnieu (Ain), reportage

Les visages sont fermés, les yeux humides. En terrasse du Café du Bugey, les soutiens de Lumir Lapray observent avec déception la carte qui recense le dépouillement des voix dans la 2ᵉ circonscription de l’Ain. La candidate investie par EELV dans le cadre de la Nupes n’a obtenu que 41,66 % des votes face à son adversaire Romain Daubié (Ensemble !). Une défaite au goût de record : cette circonscription périurbaine et rurale est un bastion de la droite traditionnelle.

Le profil de Lumir Lapray aurait dû mener à un carambolage électoral : une jeune femme de 29 ans, militante au sein du mouvement climat, qui n’a jamais été élue ni membre d’un parti politique. Tout juste est-elle originaire des environs. Pourtant, le candidat Les Républicains a été relégué en quatrième position derrière le Rassemblement national dès le premier tour. Seuls 448 votes séparaient alors la candidate Nupes de son rival macroniste. Une semaine plus tard, elle culmine à 17 824 voix. Un score insuffisant pour remporter le siège à l’Assemblée nationale, mais le « meilleur de la gauche dans cette circonscription en pourcentage de voix exprimées depuis 1988 », souligne son équipe.

La carte de la 2e circonscription de l’Ain. © Moran Kerinec / Reporterre

Une maigre consolation pour les militantes et militants présents. La campagne de terrain a été âpre. Ils ont distribué 30 000 tracts et passé 1 000 coups de fil. Esther Bernard, 20 ans, a les yeux embués de fatigue. « C’était dingue : la mobilisation, la sororité, le soutien qu’il y eut… Juste dingue, s’émerveille-t-elle. Les gens au supermarché nous ont vus cinq fois. Tout le monde a vu Lumir. Tout le monde a déjà parlé avec quelqu’un qui votait pour Lumir.

Un travail de terrain porté par les membres de la Primaire populaire qui composent l’équipe, avec à sa tête Samuel Grzybowski, cofondateur du mouvement citoyen et directeur de la campagne de Lumir Lapray. Ancienne responsable mobilisation de la Primaire populaire, 23 ans, Marie Dubost a repris ce poste pour les législatives, convaincue par la personnalité de sa candidate : « Lumir m’a inspirée parce qu’elle est écolo, féministe, ultra-badass… Je ne me serais pas remis dans une campagne au lendemain des présidentielles qui m’ont mis au bout du rouleau pour quelqu’un d’autre. »

Lumir Lapray devant le Café du Bugey, dans l’Ain. © Moran Kerinec / Reporterre

Comment expliquer la défaite malgré ces troupes motivées ? Pour Samuel Grzybowski, difficile d’imprimer les idées écologistes sur les électeurs frontistes : « On a perdu parce que la base frontiste, particulièrement importante ici, ne s’est pas laissée convaincre par notre projet. » L’image de Jean-Luc Mélenchon aurait également eu un effet repoussoir, selon lui.

Ses proches fondent en larmes quand la candidate défaite apparaît en terrasse. Lumir, elle, ne pleure pas. Large sourire et grandes étreintes, la jeune femme réconforte ses camarades. « On a perdu, mais on a la tête haute et on a obtenu une autre forme de victoire : une victoire collective. Il n’y a pas de territoire perdu pour le progrès. On nous a dit “la France périurbaine est une France conservatrice, ancrée à droite”. C’est faux ! » Elle exhorte ses soutiens : « Ne devenez pas cyniques, ne vous dites pas : “On a perdu, c’est fini.” Ça n’est pas fini, car des gens continuent de vivre dans la misère. Car les températures continuent de monter. Tant qu’il y aura des ultrariches qui prennent l’avion trois fois par jour, ça ne sera pas fini ! »

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