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EnquêteMines et métaux

Gaz de schiste : une douzaine de permis dans les tuyaux du ministère

La ministre de l’Ecologie annonce qu’il n’y aura pas d’exploitation de gaz de schiste. Dans le même temps, une douzaine de permis de recherche sont dans les tuyaux du ministère. Pour les opposants, il est temps que Mme Royal et le gouvernement confirment le maintien du refus de l’exploration. La grande mobilisation de samedi va le rappeler à Mme Royal.


Des milliers de manifestants défileront samedi dans les rues d’Auch, Paris, Grenoble, Narbonne, Nîmes, Lille ou encore Strasbourg. Ils demanderont au gouvernement de n’autoriser aucun des treize nouveaux permis de recherche arrivés au terme de leur instruction et de ne prolonger aucun des permis arrivant à échéance. Ils demanderont aussi à Ségolène Royal de mettre en accord ses actes avec ses discours.

Le « Global frackdown [day] », la désormais traditionnelle journée mondiale d’actions contre la fracturation hydraulique, et la journée européenne contre le TAFTA et le CETA, les accords de libre échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis ou le Canada, se tiennent cette année le même jour. Samedi 11 octobre, on verra donc dans les rues d’Auch (Gers) et d’ailleurs les banderoles contre le traité transatlantique côtoyer celles contre le pétrole et le gaz de schiste.

« Notre rassemblement est organisé avec le Collectif Stop Tafta 32 qui appelle à la mobilisation contre le Grand traité transatlantique car il est clair que si le TAFTA passe, aucune loi ne pourra plus s’opposer à l’exploitation du gaz de schiste sur notre territoire », explique Sylviane Baudois, porte-parole du Collectif 32 Non au gaz de schiste.

- Samedi 11 octobre, journée européenne de mobilisation. -

Mobilisation pour l’annulation des permis

Il s’agira aussi pour les citoyen-ne-s qui s’opposent à l’exploration et à l’exploitation du gaz et de pétrole de schiste dans le Gers de demander l’annulation de l’arrêté autorisant les travaux de recherche par vibro-sismique que la société australienne Gas2Grid compte mener sur le permis de Saint-Griède.

« Le Collectif 32 considère que la société Gas2Grid n’est plus titulaire du permis de Saint-Griède qui lui avait été attribué jusqu’en avril 2013, puisque sa demande de prolongation n’a pour l’instant reçu aucune réponse du ministère de l’Ecologie. Nous demandons aussi l’abrogation de tous les autres permis dans le Gers ainsi que le refus des nouvelles demandes », poursuit la militante.

Partout en France, c’est la même inquiétude. Les collectifs et les citoyens opposés à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels seront mobilisés samedi à Paris, Grenoble, Narbonne, Nîmes, Lille ou encore Strasbourg.

Des permis d’exploration en préparation

Le site du ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie (Medde) s’est en effet enrichi depuis le 19 septembre d’une douzaine de consultations publiques concernant l’attribution imminente de nouveaux permis d’exploration* situés dans l’Aisne, les Bouches-du-Rhône, Le Loiret, Les Landes, la Marne, la Meurthe-et-Moselle, le Vaucluse ou encore l’Yonne.

Les projets d’arrêtés ministériels sont prêts à être signés par les deux ministres en charge de l’énergie, Ségolène Royal et le Ministre de l’Economie Emmanuel Macron comme l’attestent des documents disponibles en ligne sur le site du Medde, et « ce bien qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur le fait que les nouveaux permis proposés ont tous pour objectif des hydrocarbures non conventionnels », dénonce Isabelle Lévy, porte-parole du Collectif du Pays Fertois.

- Le Ministre de l’Economie Emmanuel Macron -

Pour les permis de Gastins (Seine-et-Marne), de Dicy (Aisne), et de Montmort (Marne), il est explicitement fait mention du gaz de schiste et de la fracturation hydraulique dans la notice d’impact mise à disposition du public en téléchargement et pour les autres permis, indique-t-elle, on trouve ces informations dans les documents envoyés aux actionnaires.

Royal doit accorder ses paroles et ses actes

Les collectifs refusant l’exploration et l’exploitation des gaz et pétrole de schiste ont relevé la déclaration de Ségolène Royal, dimanche 28 septembre, sur Europe 1. « Nous avons entendu que, tant qu’elle serait ministre, il n’y aurait pas d’exploitation du gaz de schiste. C’est bien le minimum qu’on puisse attendre de la Ministre qui vient de proposer une loi sur la Transition Energétique », ironise Isabelle Lévy.

Mais les collectifs lui demandent d’être cohérente : « S’engager à ne pas signer un permis, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant ! Tous les permis dont l’attribution est imminente font référence aux hydrocarbures non conventionnels, ils doivent donc tous être refusés », juge Claude Taton, du Collectif Bastagaz du Gard. Ce Collectif s’est exprimé sur l’attitude de Ségolène Royal fin septembre 2014 dans un entretien donné à Télé Languedoc.

Certes les entreprises ayant déposé des demandes de permis en 2009 et 2010 (Vermilion, SanLeon, Bluebach, Gas2Grid...) ont signé, depuis la loi Jacob de juillet 2011, un document par lequel elles s’engagent à respecter la loi en ne procédant pas à des fracturations hydrauliques. « Le moins qu’on puisse attendre d’une entreprise opérant sur le sol français, c’est qu’elle respecte la loi ! Mais qui peut croire que les objectifs géologiques puissent changer en quelques mois ? », interroge-t-elle.

Les hydrocarbures ont mis des centaines de milliers d’années à se former, ils deviendraient « conventionnels » en quatre ans, juste parce qu’une loi interdisant la fracturation hydraulique, seule méthode permettant la récupération des hydrocarbures non conventionnels, a été votée au cours de l’été 2011 ? « L’attribution de ces permis est en totale contradiction avec les déclarations de la ministre », déplore Isabelle Lévy.

- Schistes noirs d’Utica, région de New York. -

Les permis de recherche découlent sur des permis d’exploitation

L’histoire a en effet montré que le plus difficile pour un pétrolier est d’obtenir un permis de recherche. Ensuite, il obtient généralement facilement le renouvellement de son permis (en tout trois fois la durée initiale de quatre ou cinq ans) et tout aussi facilement le droit subséquent d’exploiter.

Il ne suffit en effet pas de déclarer qu’il n’y aura pas d’exploration tant qu’on est ministre. "Les citoyens attendent un geste fort alors que les questions s’accumulent depuis la prise de fonction de Ségolène Royal", dénonce Isabelle Lévy.

Pourquoi n’a-t-elle pas dit qu’elle ne signerait aucun nouveau permis, aucune demande de prolongation ? Pourquoi n’a-t-elle répondu à aucun des courriers que de nombreux collectifs lui ont fait parvenir ? Comment peut-elle affirmer vouloir participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et accepter que de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures soit proposés à sa signature ?

La Ministre doit refuser de signer toute prolongation

Toutes ces raisons ont amené les collectifs "Non au pétrole et au gaz de schiste" à rédiger une lettre ouverte à Ségolène Royal, dans laquelle ils lui demandent « bien sûr de n’autoriser aucun nouveau permis de recherche mais aussi de refuser de prolonger ou de procéder à la mutation des permis existants », indique Isabelle Lévy. [« mutation » est le terme légal pour signifier un transfert de titularité d’un permis de recherche d’hydrocarbure.]

Les manifestations de samedi ont aussi pour but de remobiliser les citoyens et de tirer le signal d’alarme. « Il faut que le gouvernement arrête son double jeu », insiste la militante.

Certes Ségolène Royal a annoncé dans un communiqué mardi 7 octobre qu’elle s’engageait à ne pas signer le permis de Calavon dans le parc du Luberon. Mais les déclarations d’intention ou les mesures cosmétiques ne suffisent pas.

« On avait déjà entendu l’année dernière, le 14 juillet, François Hollande dire que tant qu’il serait président, il n’y aurait pas d’exploration du gaz de schiste », se rappelle la militante. Le même jour la foreuse installée par la compagnie Hess Oil sur le plateforme de Jouarre, sur le territoire de la commune où elle vit, était mise en service…


LE POINT SUR LES DIFFÉRENTS PERMIS

-  Permis de Dormans, Montmort et Saint-Martin d’Ablois (Aisne et Marne), 952 km2 au total : voir la consultation publique, et les documents affiliés où l’on trouve les lettres de Realm (permis de Montmort) indiquant que ce qui les intéresse, c’est le gaz de schiste. Ecrit, en toutes lettres !

-  Pour les permis de Cezy et de Dicy (Yonne et Loiret) : lien. On trouve une notice d’impact pour le permis de Dicy faisant mention de la fracturation hydraulique.

-  Permis de Rouffy et Estheria (Marne) : lien.

-  Permis de Tartas (Landes) : lien.

-  Le permis de Cavalon ne sera donc pas signé (courrier de Ségolène Royal daté du 7/10/14). Mais on peut encore donner son avis : ici.

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