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Économie

L’incroyable mobilisation de la police pour retrouver huit chaises qu’exige la banque fraudeuse HSBC

Le 31 mars, Txetx Etcheverry et Sabrina Ravetta, militants de Bizi, ont été entendus pour la troisième fois au commissariat de Bayonne. Leur délit ? Avoir saisi huit sièges dans une agence HSBC pour protester contre l’évasion fiscale organisée par la banque. Des milliards contre quelques chaises… Et la police inquiète aussi Attac et Les Amis de la Terre !

Le braquage du siècle s’est déroulé le 12 février dernier à Bayonne. C’était un jeudi. Sous les yeux des clients médusés, une vingtaine de personnes se sont livrées à un « pillage » militant dans l’agence de la banque HSBC. Le butin : huit sièges.

Ces dangereux individus sont des militants du mouvement Bizi . Ils ont agi dans le cadre d’une action citoyenne pour reprendre une petite… toute petite partie de l’argent détourné par la banque HSBC.

Car cette banque est au coeur d’un vaste système de fraude, comme l’ont révélé en février dernier, Le Monde et le Consortium international des journalistes : ce sont 180 milliards d’euros que la banque a fait disparaitre par évasion fiscale entre novembre 2006 et mars 2007. Rien que pour la France, près de 6 milliards ont été dissimulés par HSBC, classée comme la deuxième banque mondiale.

Pas rancunier pour un sou, Bizi avait offert au délinquant bancaire un exemplaire du Livre noir des banques publié par Attac et Basta.

Qui est poursuivi pour « Vol aggravé » ? La banque fraudeuse ? Non : les récupérateurs de huit chaises !

Cinq jours plus tard, Txext Etcheverry, cofondateur de Bizi, se présentait au poste de police. Il y était entendu pour « vol aggravé ». Devant le commissariat, le militant altermondialiste se disait prêt à « rendre au plus vite les huit fauteuils, mais seulement après que la banque HSBC ait elle-même rendu les 2,5 milliards d’euros que son système a permis de dérober aux recettes publiques françaises ». Et comme la restitution risque de prendre un peu de temps, Txext Etcheverry précisait que d’ici là, les sièges seraient « mis à la disposition d’associations et d’ONG luttant contre l’évasion fiscale ».

L’offre a visiblement trouvé preneur puisque la police n’est parvenue à récupérer que trois des huit sièges. Les associations Attac, les Amis de la Terre ainsi que le philosophe Patrick Viveret et le syndicat national Solidaires Finances Publiques ont apporté leur soutien à Bizi en acceptant les précieuses chaises. Dès lors, aux yeux de la police, ils seront impliqués dans un « recel de vol aggravé ».

Depuis, les enquêteurs cherchent désespérément les sièges manquants. Et le 17 mars, six militants de Bizi, sont de nouveau convoqués pour un relevé d’ADN. Txetx Etcheverry s’étonne logiquement de cette démarche et refuse tout prélèvement : « Je ne vois pas l’intérêt d’un fichage génétique puisque nous agissons toujours à visages découverts ».

Le 31 mars, Txetx Etcheverry et Sabrina Ravetta se sont rendus au commissariat de Bayonne pour une troisième convocation. Cette fois, ils seront entendus pour « refus de prélèvement biologique ».

« Il est hallucinant de voir tous les moyens mis en œuvre pour cette affaire. C’est aussi très révélateur par rapport aux 1000 milliards d’euros que coûte l’évasion fiscale. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est Michel Barnier qui était commissaire européen UMP » , constate Txetx Etcheverry, qui note par ailleurs qu’à « l’heure où on manque cruellement de moyens pour lutter contre le changement climatique et engager la transition énergétique, on peut regretter que l’argent aille dans les paradis fiscaux ».

L’évasion des chaises vers la Suisse. Va-t-on mobiliser Interpol ?

Cette dernière audition a duré 1h30 durant laquelle les enquêteurs ont questionné l’implication de Thomas Coutrot, coprésident d’Attac et de Florent Compain, président des Amis de la Terre.

Les deux hommes devraient à leur tour être convoqués et la visite des locaux parisiens des associations serait prévue dans le but de récupérer les fameux sièges.

Thomas Coutrot indique à Reporterre envisager « d’organiser l’évasion de la chaise vers la Suisse, avec l’aide d’une association sur place, ce qui permettra de continuer le jeu du chat et de la souris ».

Attac avait par ailleurs saisi plusieurs chaises d’une agence BNP-Paribas, le 7 mars dernier à Paris. Contrairement à la banque suisse, BNP Paribas n’a pour l’instant pas porté plainte.

Pour Florent Compain, président des amis de la terre, HSBC a commis une erreur : « La banque a porté plainte à Bayonne dans la journée, donc à partir du moment où une instruction est ouverte, ils sont bien obligés de continuer l’action. Ça nous offre un boulevard pour nous exprimer ».

Txetx Etcheverry partage le même sentiment et précise que « s’il y a procès, on est prêt à aller jusqu’au bout et on en fera le procès de l’évasion fiscale ».

Interrogée par Reporterre, la chargée de communication d’HSBC France, Coralie Houel, indique : « Nous ne faisons aucun commentaire ».

En attendant, Florent Compain songe aussi faire sortir la chaise hors de France.

A l’aide ! Mme Taubira, M. Valls, M. Cazeneuve, saisissez Interpol !


REPORTERRE CHERCHE UN TABOURET

Ce n’est pas non plus un poisson d’avril : Reporterre cherche un tabouret, pour ses réunions de travail.

Il est exclu d’en accepter un de HSBC, qui d’ailleurs ne nous l’a pas proposé, tant que cette banque n’aura pas rendu l’argent qu’elle a volé aux citoyens français par évasion fiscale.

Si les lecteurs veulent nous aider à nous procurer ce tabouret, voici la page des dons.

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