Tribune — Grands projets inutiles
La Coupe du monde de football est un grand projet inutile

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Grands projets inutiles Noël Mamère« De Nantes à Turin et Rio, c’est la même logique qui s’applique : Notre-Dame-des-Landes, la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, les grands stades du Brésil, autant de projets inutiles socialement et écologiquement et imposés d’en haut. »
L’ouverture de la coupe du monde ce jeudi 12 juin, au Brésil, est un événement à la fois sportif, médiatique, politique, mais aussi écologique à maints égards.
Si plusieurs milliards de personnes auront les yeux tournés vers Rio ou Sao Paulo, jusqu’au 13 juillet, si la religion du football va encore fasciner autant de monde, il n’en reste pas moins que la démesure ayant frappé cette épreuve est en train de remettre en question la foi de ce peuple qui a longtemps vécu dans un rapport quasi magique au ballon rond.
Un affront social et écologique
A force de vouloir imposer au monde sa vision d’un football toujours plus hors-sol, la petite oligarchie mondiale qui dirige la FIFA (la Fédération Internationale de Football), a été de plus en plus loin dans la démesure, l’indécence, le gaspillage, la corruption.
Et le peuple brésilien, malgré la politique de Lula et de Dilma Roussef qui lui a succédé, crie depuis deux ans son refus de ce modèle de développement, fondé sur le gigantisme dirigé par les multinationales et financé en grande partie sur fonds publics.
Sur 11 milliards dépensés pour des projets, dont nombre ne sont même pas terminés, 85 % proviennent de la poche du contribuable brésilien, sans compter les exonérations de l’impôt sur la circulation des marchandises, l’industrie automobile ou pour l’acquisition des matières premières.
Du seul point de vue écologique, malgré tout le discours sur le développement durable des stades ( ! ), leur équipement en photovoltaïque ou en lumières LED, visant à assurer une respectabilité de façade, la Coupe va laisser des « éléphants blancs » hors de prix, sous-utilisés et, finalement, inutiles.
Comme à Sotchi, où la plupart des équipements ne font que pourrir sur place après avoir détruit les écosystèmes. Comme dans tous les lieux où les nouveaux jeux du cirque imposent de véritables zones d’exclusion allant jusqu’à deux kilomètres de diamètre autour des stades, transformés en zones de marketing agressif et en réserves sportives de luxe.
- Armée brésilienne dans les favelas de Maré, à Rio, mars 2014. -
Gentrification et ségrégation sociale imposées par la violence
Les ressources énergétiques sont massivement mobilisées pour les privilégiés qui peuvent se payer le voyage et assister à des matchs hors de prix pour les pauvres. Mais les conséquences se mesurent aussi en terme de logements : plus de 170 000 familles, ce qui signifie au bas mot près d’un million de personnes, ont été expulsées, chassées de leur logement, sans concertation des populations locales, au mépris total des droits humains. Dans deux ans, ce nombre va pratiquement doubler afin d’accueillir les Jeux Olympiques.
Ces méga évènements sportifs sont l’occasion d’accélérer la gentrification des villes et la ségrégation sociale. Sous la violence de la « pacification » des favelas, se cache un nouveau modèle d’aménagement des villes et du territoire où les pauvres, une fois de plus, sont chassés des centres villes.
Décidément la coupe est pleine et personne ne peut s’étonner qu’au pays du football des manifestations de centaines de milliers de personnes ont déferlé dans les grandes villes du pays, qu’à la veille de la coupe, les employés du métro de Sao-Paulo sont encore en grève, que 41 % des personnes interrogées refusent la coupe et qu’une révolte couve sous les feux du stade, comme jamais peut être depuis les JO de Mexico en 1968.
Le mépris de l’oligarchie sportive
Les déclarations de Michel Platini sont venues renforcer ce sentiment du mépris sans pareil de la nouvelle oligarchie sportive : « Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous ! Il faut dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde et qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays et leur passion pour leur football. S’ils peuvent attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux, ça serait bien pour l’ensemble du Brésil et la planète football ».
- Michel Platini -
Le président de l’UEFA, à l’égal de son rival, Stepp Blatter, le Président de la FIFA, vit dans sa bulle, lui qui a soutenu la candidature du Qatar en 2022, ce pays où les ouvriers qui construisent les équipements sportifs sont réduits à l’état d’esclaves.
Notre-Dame-des-Landes, Lyon-Turin, stades brésiliens : même combat
Non, décidément, ce modèle sportif néo-colonial, imposé aux peuples par les « partenaires » de la FIFA (Coca-Cola , Adidas, Sony, Macdonald’s…) est insoutenable.
La marchandisation du foot à marche forcée est de plus en plus incompatible avec la joie simple du sport pratiqué par des millions de gens étrangers aux pratiques prédatrices des dirigeants sportifs.
De Nantes à Turin et Rio, c’est la même logique qui s’applique : Notre-Dame-des-landes, la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, les grands stades du Brésil, autant de grands projets inutiles socialement et écologiquement et imposés d’en haut.
L’autre jour, le chef indien Rahoni, en visite à l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe écologiste, dénonçait la construction du barrage de Belo Monte qui détruit son peuple et massacre la forêt amazonienne. Une catastrophe de plus qui se joue dans le silence encouragé par la cacaphonie mondiale autour de la Coupe.
Oui , décidément, la Coupe est pleine !