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ReportageClimat : de COP en COP

La bataille est lancée contre les pétroliers, pour que le climat soit préservé

Ce jeudi matin 31 mars, à Paris, des militants pour le climat ont agi pour dénoncer les compagnies pétrolières. Celles-ci veulent continuer à exploiter le pétrole en eaux profondes, malgré les engagements internationaux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

-  Paris, reportage

Une marée noire (fausse) à la fontaine du Trocadéro. Voilà l’action symbolique que les militants d’ANV-COP21 ont mise en scène ce jeudi matin 31 mars. Sous la pluie, dans un lieu déserté par les touristes, la trentaine d’activistes voulait rappeler la nécessité de faire appliquer l’accord de Paris et l’engagement à ne passer dépasser une augmentation de 2°C de la température du globe, alors que doit se tenir début avril à Pau un « sommet du pétrole offshore », selon l’expression d’une activiste.

« COP21 ou sommet de Pau, Climat ou pétrole offshore : il faut choisir » énonçait leur banderole, déployée sur fond de tour Eiffel. « La tour Eiffel est le symbole de la COP21, or le sommet de Pau est en contradiction avec l’accord de Paris » explique à Reporterre Pauline Boyer, d’ANV-COP21. Au milieu du bassin, une activiste joue la sirène souillée de pétrole. « C’est le symbole de la biodiversité marine menacée, ainsi qu’une sirène d’alarme car il faut maintenant passer aux actes », poursuit Pauline Boyer.

« Nous appelons citoyens et citoyennes à venir bloquer ou perturber le sommet de Pau afin que la COP21 ne reste pas lettre morte », a-t-elle expliqué au mégaphone, annonçant ainsi une semaine d’actions non-violentes à partir de mardi 5 avril .

Dans la matinée, les ONG mobilisées doivent rencontrer des membres de la direction de Total, organisatrice du sommet de Pau, pour leur expliquer leur démarche. « Soit ils annulent leur sommet ou le transforment en sommet de reconversion de l’industrie des énergies fossiles, soit ils maintiennent en l’état et nous maintenons notre appel au blocage » résume Txetx Etcheverry, d’ANV-COP21. Demain vendredi, à midi, c’est le Collectif Jeûne pour le climat qui s’installera sous les fenêtres de Total, à la Défense.

Car du 5 au 7 avril, sur invitation de Total, doit avoir lieu à Pau une conférence internationale sur l’extraction pétrolière et gazière. Intitulée Marine, Construction and Engineering Deepwater Development (MCE-DD), elle doit rassembler les professionnels du secteur. L’objectif ?« Réduire significativement les coûts de façon à maintenir l’extraction en eaux profondes compétitive » explique André Goffart, membre du comité directeur Exploration et production chez Total, dans la présentation de l’évènement (en anglais). Selon lui, l’industrie offshore traverse actuellement un « cycle bas » qui la contraint à évoluer.

Au programme, des discussions sur comment « standardiser et rendre plus efficace les installations pétrolières et gazières », comment réduire les coûts, etc. Parmi les participants, des géants du pétrole (Exxon Mobil, Shell) et des sous-traitants (OneSubsea, Teledyne, ABS, etc.). Ces derniers exposeront leurs techniques dernier cri dans un hall prévu à cet effet. « Nous espérons vous voir à Pau et discuter de comment adapter le marché du gaz et du pétrole offshore à la crise actuelle et le faire évoluer vers plus de sécurité, d’intelligence et de compétitivité », termine André Goffart.

« Le sommet de Pau va être la vraie conclusion de la COP21 »

« On a été scandalisés quand on a appris cette histoire », raconte Txetx Etcheverry, d’ANV-COP21. « C’est d’une indécence et d’un cynisme absolus pour ces grandes multinationales de se réunir en France moins de quatre mois après la COP21 pour chercher à développer l’exploration et l’extraction en eaux profondes et ultra-profondes. » Car pour que la température moyenne du globe reste sous la barre des 2°C, il est indispensable qu’une bonne partie des énergies fossiles restent enfouies dans le sous-sol. Leur combustion entraîne d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

Mais les entreprises extractivistes continuent à vouloir exploiter des réserves toujours plus lointaines et difficiles d’accès. « On sait ce que ça veut dire : si on exploite toutes les réserves fossiles, on est à +9°C. Ce serait la fin de la possibilité de vivre sur terre pour l’humanité. Or c’est la trajectoire sur laquelle ils nous inscrivent, par avidité », poursuit Txetx Etcheverry.

L’accord de Paris ne servirait-il donc à rien ? « Dans leur feuille de route, ces entreprises ne disent pas un mot sur le climat et la COP21. Elles font comme si cela n’existait pas. C’est inacceptable, sur le plan climatique d’abord, mais aussi sur le plan démocratique. »

C’est là que la société civile doit entrer en jeu, selon les organisateurs de ces actions : « Le sommet de Pau va être la vraie conclusion de la COP21. Soit le sommet se tient, et ça signifiera que les industries pétrolières, automobiles, etc., pourront continuer la vie comme avant. Soit il ne peut avoir lieu, ou a lieu dans des conditions extrêmes et perturbées, auquel cas ce sera un signal fort envoyé : Nous citoyens sommes entrés en scène. Nous prenons au pied de la lettre les engagement de Paris et allons veiller à les faire appliquer » explique Txetx Etcheverry.

« Soit on bloque, soit ils devront nous arrêter »

Lancé par ANV-COP21, l’appel de Pau, Stop aux forages en eaux profondes rassemble aujourd’hui Alternatiba, les Amis de la Terre, Attac, 350.org, Surfrider Foundation, Bizi, The Ocean Nation, le Village Emmaüs Lescar Pau, et Chrétiens unis pour la terre. L’objectif est clair : empêcher que le sommet ait lieu.

« On va l’empêcher physiquement en s’interposant avec nos corps, empêcher les congressistes d’entrer, entrer nous-mêmes pour empêcher le bon déroulement. Soit on bloque, soit ils devront nous arrêter », explique Txetx Etcheverry. Un camp de base, le Camp Sirène a été établi au village Emmaüs de Lescar, où auront lieu du 2 au 4 avril des formations à l’action non-violente, ainsi que des débats. 400 militants se seraient déjà inscrits pour participer aux actions. « Il n’y aura pas que des actions pour les activistes prêts à aller en garde à vue, mais également des actions grand public. On veut une mobilisation maximale pendant les 3 jours » insiste-t-il. Une conférence « Stop crime climatique » aura lieu le mardi, jour de l’ouverture du colloque des pétroliers, puis des concerts et une chaîne humaine le mercredi, etc.

Cette mobilisation s’inscrit dans la logique du mouvement Break Free (« Libérons nous des énergies fossiles ». Du 4 au 15 mai, les organisateurs promettent « une vague mondiale d’actions de masse » ciblant les « projets fossiles les plus dangereux de la planète afin d’arrêter l’extraction du charbon, du pétrole et du gaz ».

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