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Climat

La climatisation solaire, l’arme écolo contre la canicule

A l’heure où les climatologues annoncent des canicules répétées, la climatisation « classique », chère, polluante, et vorace en énergie, n’est certainement pas la solution miracle. Dans le sud de la France, une solution alternative émerge : la climatisation solaire.

Après le froid polaire, le froid solaire. Produire du froid en récupérant la chaleur du soleil, l’idée est séduisante en ces jours de forte chaleur, et c’est tout le principe de la climatisation solaire. Cette alternative aux énergivores climatiseurs « classiques », très en vogue ces dernières années en raison des températures estivales élevées, est une solution d’avenir.

En France, les bâtiments consomment 40 % de l’énergie finale et sont responsables de 23 % des émissions de gaz à effet de serre, rappelait en 2013 un rapport du ministère de l’Ecologie sur la rénovation énergétique des bâtiments. Or la plupart des climatiseurs utilisent des fluides dits frigorigènes constitués d’hydrofluorocarbones (HFC), qui font partie des six principaux gaz à effet de serre. « Si rien n’est fait », ces substances pourraient « représenter en 2050 jusqu’à 20 % de nos émissions mondiales » de gaz à effet de serre, avait même estimé Ségolène Royal en novembre dernier. « Le problème numéro un des climatiseurs, c’est la consommation d’énergie, qui est énorme, et le problème numéro deux, c’est la présence de produits réfrigérants », a résumé l’ingénieur Claude Aubert, co-auteur de Fraîcheur sans clim : le guide des alternatives écologiques.

De l’énergie disponible quand on en a besoin

Alors pourquoi ne pas utiliser l’énergie solaire pour lutter contre la canicule pendant les épisodes de chaleur ? « On a besoin de climatiser quand il fait chaud, et donc, quand on dispose d’énergie solaire », résume Marie Nghiem, ingénieure et cofondatrice de la société Hélioclim, dans les Alpes-Maritimes. Avec une poignée d’ingénieurs issus de l’industrie aérospatiale, elle développe en 2011 un système réversible de climatisation-chauffage solaire. Le principe est relativement simple : de l’eau est chauffée par l’intermédiaire de grands miroirs de trois mètres de long qui captent l’énergie solaire. Puis « simultanément, comme dans un frigo, on produit du chaud et du froid », résume Marie Nghiem. Autrement dit il est possible aussi bien de produire de l’air frais que du chauffage, mais aussi de l’eau chaude ou même des systèmes de réfrigération.

Cette technologie associe des capteurs solaires spécifiques et une machine à absorption, qui fonctionne avec un mélange eau-ammoniac. Elle ne produit pas de déchets car le liquide reste en circuit scellé, et ne rejette aucun gaz à effet de serre. « Comme l’énergie solaire est intermittente, on a un système de stockage qui permet, selon la taille de l’installation, de faire l’alternance jour-nuit voire de tenir sur quelques jours. Puis si la durée se prolonge, on peut alimenter la machine avec une autre énergie thermique comme du gaz ou de la biomasse », développe Marie Nghiem.

Le système, testé à petite échelle sur le site d’Hélioclim, sera installé pour la première fois sur un data center des Alpes Maritimes d’ici la fin de l’année.

Pas de consommation, pas de pollution

L’idée n’est pas nouvelle : « Faire du froid avec du chaud, le principe a été utilisé dans les usines dès le XIXe siècle », rappelle André Joffre, ingénieur et P-DG du bureau d’études Tecsol, créé en 1983. S’il estime à une centaine le nombre de projets similaires dans le monde, André Joffre a participé à la conception du système de climatisation solaire le plus ancien encore en fonctionnement. Installé dans des caves de Banyuls, près de Perpignan, ce projet qu’il décrit comme « très rustique », repose sur un mélange d’eau et de bromure de lithium, et fonctionne d’avril à octobre, depuis 1992.

Les caves sont maintenues à 1 ou 2°C sous la température ambiante. Et dans les caves, dont la plus froide est à 15 ou 16°C, « ce sont les bouteilles qui stockent le froid ». Selon M. Joffre, un système de climatisation solaire peut revenir environ deux fois plus cher qu’une climatisation classique, mais « cela dure très longtemps, quasiment sans entretien, sans consommation, et sans pollution », explique-t-il. Du côté d’Hélioclim, on estime à six ans le temps d’amortissement du coût d’installation dans le sud de la France et la durée de vie du système entre 25 et 30 ans.

Un système qui vise les bâtiments industriels et tertiaires

Pour l’heure, avec une puissance de « plusieurs centaines de kilowatts-froid », la climatisation solaire de l’entreprise vise en priorité les bâtiments publics, industriels ou du secteur tertiaire, les centres commerciaux, les hôpitaux... Helioclim, qui n’exclut pas de se développer sur des collectifs d’habitation, n’envisage cependant pas, pour l’heure, une version pour maisons individuelles.

D’ailleurs, avec la baisse des prix du photovoltaïque, André Joffre mise plutôt vers une solution mixte pour les particuliers : la climatisation photovoltaïque, un système de climatiseurs « classiques » alimentés par l’énergie solaire. Une solution qui « ne règle pas le problème des liquides réfrigérants mais qui solutionne déjà celui de l’énergie consommée », note Claude Aubert.

« La climatisation solaire, quel que soit le système, peut être un moyen de réduire la puissance électrique appelée pendant l’été et de faire de grosses économies » dans les zones à fort ensoleillement, développe André Joffre. « Dans le Midi, avec la surpopulation, les climatisations, tout ce qu’il faut conserver au frais... cette puissance est presque supérieure à celle appelée l’hiver », explique l’ingénieur. « Il ne faudrait pas qu’on doive renforcer le réseau juste pour la clim’ ». Il s’agit là d’« une problématique majeure dans les dix ans dans la région », en raison des pics de chaleur de plus en plus fréquents.

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