Takakia, la plus vieille mousse au monde, va disparaître

La mousse « Takakia lepidozioides » vit environ huit mois de l’année sous la neige et la glace. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Stu Crawford
La mousse « Takakia lepidozioides » vit environ huit mois de l’année sous la neige et la glace. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Stu Crawford
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Climat NatureLa mousse Takakia, qui a su s’adapter durant 400 millions d’années, est menacée d’extinction avec la hausse des températures sur Terre, révèle une étude.
Elle a survécu et s’est adaptée à l’ère primaire, au Jurassique, à l’apparition de l’Himalaya et du plateau tibétain, mais pourrait ne pas survivre au réchauffement climatique. Une équipe de soixante-et-un chercheurs internationaux a étudié pendant dix ans la mousse Takakia lepidozioides pour séquencer son ADN et comprendre les conséquences du changement climatique sur cette plante, l’une des plus anciennes et résilientes du monde.
Les résultats de cette enquête ont été publiés le 9 août dans la revue scientifique Cell. « L’idée était d’aller aussi loin que possible dans l’histoire des premières plantes terrestres pour voir ce qu’elles peuvent nous apprendre sur l’évolution », explique dans un communiqué Ralf Reski, chercheur en biotechnologie végétale à l’université de Fribourg, en Allemagne.
Les biologistes ont débuté leurs recherches et leurs prélèvements en 2010 sur le plateau tibétain à 4 000 mètres d’altitude, une zone préservée et propice au développement de la Takakia.
Ce territoire reculé est néanmoins touché de plein fouet par le réchauffement climatique. Entre 2010 et 2021, la température moyenne a augmenté de 0,43 °C sur ce plateau, ce qui représente la plus forte hausse jamais enregistrée selon les scientifiques. L’un des témoins de ce réchauffement est le glacier Gawalong Est, situé juste à côté de la zone de prélèvement. Il a reculé de près de 50 mètres par an durant cette période. Là aussi, un record.
« La Takakia peut mourir à cause du changement climatique »
Ce réchauffement brutal et rapide des températures dans la région affecte également la mousse Takakia, vieille de 400 millions d’années et qui a su s’adapter de nombreuses fois pour survivre. Ces plantes sont « un indicateur clé du réchauffement climatique en raison de leur sensibilité à l’environnement », peut-on lire dans la revue scientifique Cell.
Cette mousse vit environ huit mois de l’année sous la neige et la glace, et subit le reste de l’année le rayonnement UV particulièrement intense de la haute montagne. Malgré cette robustesse et cette résistance aux conditions climatiques extrêmes, l’équipe de scientifiques a évalué que les populations de Takakia ont diminué de 1,6 % par an entre 2010 et 2021, « un signal d’alerte précoce du grave danger que représente le réchauffement climatique ». Un déclin rapide qui pourrait entraîner la disparition de la Takakia d’ici une centaine d’années, alertent les chercheurs.

La Takakia, surnommée la « mousse impossible » en japonais, souffre, comme l’ensemble de son environnement, du réchauffement climatique et notamment de l’augmentation des rayonnements UV. Dans un communiqué publié sur la plateforme EureKalert !, le biologiste Ralf Reski souligne l’importance de cette étude : « Nous, les humains, aimons penser que nous sommes au sommet de l’évolution. Mais les dinosaures sont venus et sont repartis, et il en sera de même pour les humains, si nous ne prenons pas soin de notre planète. La Takakia peut mourir à cause du changement climatique, mais les autres mousses survivront, même si nous, les humains, ne le pouvons pas. Les plantes les plus simples peuvent nous apprendre beaucoup de choses sur l’histoire de notre planète, et peut-être sur son avenir. »
Face au déclin rapide de cette espèce végétale, les scientifiques suggèrent une coalition et des efforts internationaux pour étudier la Takakia, la protéger et la cultiver en laboratoire.