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Nucléaire

La série noire se poursuit et s’aggrave pour le nucléaire d’EDF

La centrale nucléaire de Saint-Alban, le long du Rhône, en 2009.

Nouveaux réacteurs à l’arrêt, manque d’eau à Saint-Alban, Hinkley Point de nouveau en retard : le nucléaire français vit un printemps piteux.

La série noire se poursuit pour EDF. Jeudi 19 mai, le groupe a annoncé qu’il arrêtera quatre réacteurs supplémentaires en 2023 pour des vérifications liées au problème de corrosion qui touche une partie du parc, a rapporté le média Montel. Ces arrêts, qui concerneront les réacteurs de 1 350 mégawatts (MW) Paluel 2, Penly 2, Saint-Alban 2 et Cattenom 1, n’étaient jusque-là pas prévus dans le programme de contrôle de l’électricien.

Douze réacteurs sur cinquante-six étaient à l’arrêt jeudi à cause d’une « corrosion sous contrainte » avérée ou soupçonnée, a rappelé l’AFP. Ce problème a été confirmé sur quatre réacteurs : le 1 450 MW Civaux 1, le 1 450 MW Chooz 1 et le 1 300 Penly 1 (corrosion sur le système d’injection de sûreté (RIS), crucial puisqu’il permet de refroidir le cœur en cas d’accident, et sur celui de refroidissement à l’arrêt (RRA)) et le 900 MW Chinon B3 (corrosion sur le circuit RRA seulement). « Les contrôles et investigations se poursuivent sur les huit autres réacteurs priorisés Bugey 3, Bugey 4, Cattenom 3, Civaux 2, Chooz 2, Flamanville 1, Flamanville 2, Golfech 1 », a indiqué le groupe dans un communiqué. Seront ensuite examinés plusieurs réacteurs de 900 MW dans le cadre de leur arrêt programmé de maintenance décennale. Les cinquante-six réacteurs devraient tous avoir été inspectés d’ici fin 2023 ou début 2024.

« Aujourd’hui ce qu’on a comme conviction claire, c’est que le design [des circuits auxiliaires] nous apparaît comme une cause prépondérante » de la corrosion, a expliqué le directeur adjoint de la direction de la production nucléaire d’EDF Régis Clément, lors d’une conférence de presse. Ce problème de conception dans la « géométrie des lignes », qui pourrait être accentué par le soudage, avait déjà été évoqué par le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk le 17 mai.

Lire aussi : Pannes en série, nouveaux réacteurs... l’ASN réclame un « plan Marshall » du nucléaire

Ces contrôles ont conduit l’électricien à abaisser une nouvelle fois de 5 % son objectif de production pour 2022. Ce dernier s’établit désormais à 280-300 térawattheures (TWh), le niveau le plus bas enregistré depuis trente-quatre ans. Un effondrement qui va dégrader encore les résultats financiers d’EDF. EDF a maintenu son estimation de 300-330 TWh pour l’année prochaine, en prévenant cependant que, « du fait de l’étalement du programme de contrôles et de réparations, la production 2024 pourrait être également affectée ».

Réductions de puissance liées à la sécheresse et aux températures élevées

Outre ce problème de corrosion, le groupe doit faire face à des réductions de puissance liées à la sécheresse et aux températures élevées – un phénomène inhabituel au printemps. « En raison des prévisions de faible débit sur le Rhône, de faibles restrictions de production sont susceptibles d’affecter le site de production nucléaire de Saint-Alban le dimanche 22 mai », a-t-il ainsi prévenu vendredi 20 mai. Pour l’ingénieur spécialiste des risques climatiques Thibault Laconde, cette baisse de charge est plus préoccupante que celle qui a été imposée à la centrale nucléaire du Blayais le 9 mai dernier. Elle serait en effet liée à une baisse du débit du Rhône, qui pourrait potentiellement se reproduire plusieurs week-ends – la demande d’électricité étant réduite en fin de semaine, les barrages hydroélectriques situés en amont de la centrale relâchent moins d’eau ces jours-là. « Pour Saint-Alban, on peut s’attendre à des baisses régulières au moins jusqu’à juillet », a-t-il conclu sur Twitter. Quoi qu’il en soit, la fréquence des réductions de puissance a tendance à croître ces dernières années et le risque d’indisponibilité pour les réacteurs sensibles au climat devrait encore augmenter « d’un facteur deux à trois », d’après le gestionnaire de réseau RTE interrogé par le journal La Tribune.

Nouveau retard dans le chantier de construction de deux EPR en Angleterre

Pour couronner le tout, EDF a annoncé un nouveau retard d’un an dans le chantier de construction de deux EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, a rapporté le quotidien Les Échos. Le premier réacteur ne devrait ainsi pas être mis en service avant juin 2027. Son démarrage, initialement prévu fin 2025, avait déjà été repoussé à juin 2026 l’an dernier. Ce nouveau retard s’accompagne d’un surcoût d’au moins 3 milliards de livres, la facture totale s’élevant désormais à plus de 25 milliards de livres (29,5 milliards d’euros) – contre 18 milliards évalués en 2016.

Ce nouveau retard a été mis sur le compte de la pandémie de Covid-19. « Les personnes, les ressources et la chaîne d’approvisionnement ont été mises à rude épreuve et leur efficacité a été limitée. De plus, le volume d’études et de travaux de génie civil, et le coût de ces travaux et en particulier des ouvrages maritimes, ont augmenté », a expliqué le groupe dans un communiqué.

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