Le changement climatique va accentuer les effets du gel dans l’agriculture

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Agriculture et climatAprès une semaine de fortes gelées printanières, le régime de calamité agricole a été activé. La viticulture et l’arboriculture sont particulièrement touchées par cet épisode météorologique extrême, dont les effets sont accentués par le réchauffement climatique.
Ils ont brûlé des bottes de paille, fait flamber des bougies, installé des éoliennes ou même survolé leur vignoble avec des hélicoptères... Depuis une semaine, les agriculteurs tentent de sauver leurs récoltes des fortes gelées printanières qui sévissent dans toute la France. Le thermomètre est encore descendu sous la barre de zéro degré dans la nuit du dimanche 11 avril.
L’ensemble du territoire est touché, des vignobles du Chablis aux arboriculteurs de la Drôme en passant par les champs de colza et les semis de betteraves. Le comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV), estime que 80 % du vignoble français a été touché et évoque une semaine « noire ».
Les Confédérations paysannes de la Drôme et de l’Ardèche expriment « leur solidarité avec les paysannes et les paysans qui ont perdu en une nuit des mois de travail et d’investissement, principalement en vignes et en arboriculture où les productions d’abricots, de kiwis, de cerises sont notamment très fortement impactées ». Le syndicat FNSEA parle de gelées « destructrices » et réclame le soutien des pouvoirs publics.
Le régime de « calamités agricoles » inadapté aux petits producteurs
Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a annoncé jeudi 8 avril l’activation du régime de calamités agricoles. Mais la Confédération paysanne réclame des mesures plus simples et plus rapides, car avec ce régime, il faut en moyenne neuf mois pour être indemnisé. De plus, les critères d’éligibilité pour accéder à ce fonds sont drastiques, avec un seuil qui évince un grand nombre de petites exploitations. Sans compter les vignobles, qui en sont totalement exclus et qui doivent recourir à des assurances privées. Lesdites assurances qui sont certes plus réactives, mais rarement utilisées car trop onéreuses. En arboriculture, seules 5 % des exploitations sont couvertes. « De par leurs faibles revenus, très peu d’arboriculteurs souscrivent à ce type d’assurance. D’autant qu’il y a une franchise de 20 à 25 % et des primes élevées », explique à Reporterre Pierre Veyrat, arboriculteur et viticulteur dans la Drôme. « Aujourd’hui, nos trésoreries sont exsangues. S’il n’y a pas d’avance, beaucoup d’exploitations risquent de disparaître. » La menace est d’autant plus aiguë qu’il s’agit du troisième épisode de forte gelées en quatre ans. La Confédération paysanne estime qu’il serait temps de réfléchir à la mise en place d’un fonds solidaire impliquant l’ensemble de la filière afin de faire face aux épisodes climatiques extrêmes qui ne manqueront pas de survenir.
Le réchauffement climatique va accentuer les effets des gels printaniers
En effet, si les gels printaniers sont loin d’être une exception, le réchauffement climatique va accentuer leurs effets. À cause des hivers plus doux, les bourgeons vont éclore plus vite et seront d’autant plus vulnérables aux gelées tardives. Cette situation a été étudiée par des chercheurs, notamment Serge Zaka, qui travaille sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture au sein de l’entreprise ITK, qui propose des services connectés pour les agriculteurs. Il avait donné l’alerte dès le 30 mars dernier sur Twitter pressentant déjà une catastrophe nationale. « Ce qui m’a mis la puce à l’oreille en tant qu’agroclimatologue, c’est cet épisode de douceur incroyable des dernières semaines, qui a permis de battre 240 records de chaleur en France. Cela a entraîné un débourrement précoce suivi de deux ou trois semaines où les bourgeons sont très sensibles au gel », dit-il à Reporterre. Un article publié en mars 2020, dont il est co-auteur, détaillait déjà les raisons pour lesquelles le changement climatique allait accroître les risques de dégâts liés au gel sur vignes et vergers.
Ainsi, le chercheur estime que cette catastrophe était prévisible et aimerait que les autorités fassent des efforts de communication pour prévenir au lieu de guérir. « Il manque aujourd’hui un lien entre les publications scientifiques et la diffusion des informations pour aider les agriculteurs à se préparer. Météo France dispose bien d’un pôle d’agrométéorologie, mais son budget a été réduit ces dernières années. Je pense qu’il faut tirer les leçons de cet épisode, qui se répétera. »