Le spectre de la sécheresse plane sur la France

Il n'y a eu aucun jour de pluie à Salon-de-Provence en janvier 2022. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Georges Seguin/Okki
Il n'y a eu aucun jour de pluie à Salon-de-Provence en janvier 2022. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Georges Seguin/Okki
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Le début d’année a été très sec en France, avec un important déficit pluviométrique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le peu de pluie en janvier est déjà le signe d’une sécheresse. Mais sans conséquence pour l’instant sur l’agriculture.
L’année 2022 a à peine commencé que le spectre de la sécheresse pointe déjà le bout de son nez. Depuis le 11 janvier, la pluie manque à l’appel sur la majeure partie du pays. « Sur l’ensemble du mois, le déficit pluviométrique devrait s’établir à 45 % », lit-on sur La Chaîne Météo. Il a pu atteindre 100 % dans le sud-est de la France.
La situation est particulièrement critique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). « Nous y avons enregistré un déficit de précipitations de 91,2 % et un cumul de pluie de 6,3 millimètres [mm], contre 71,3 mm en moyenne », indique à Reporterre Simon Mittelberger de Météo-France. Plusieurs stations météo ont même enregistré zéro jour de pluie, comme Marignane et Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Le record de 1983 — 96 % de déficit pluviométrique et 2,4 mm de cumul de pluies sur la région — n’est toutefois pas battu.

Peut-on d’ores et déjà parler de sécheresse ? Oui, si l’on se réfère au niveau des précipitations, largement en dessous des normales saisonnières ; non, pour ce qui est d’une sécheresse agricole, répond M. Mittelberger. « La sécheresse agricole est établie en fonction de l’état des sols. Or, en ce mois de janvier, les sols de la région Paca ne sont pas particulièrement secs et se situent autour des normales, explique le météorologue. Ceci peut s’expliquer par la faiblesse des températures hivernales qui fait qu’il y a beaucoup moins d’évapotranspiration [1] qu’au printemps. » En revanche, certains sols du Var et des Alpes-Maritimes sont aujourd’hui très secs, précise-t-il.
Pour M. Mittelberger, il est difficile de relier ce manque de pluie du mois de janvier au changement climatique. « Nous n’avons pas de signal en ce sens. Nous avons observé de très forts déficits pluviométriques dans les années 1980 et 1990 et, à l’inverse, des mois de janvier très pluviométriques ces dernières années. En janvier 2014, la région Paca a enregistré 208 mm de pluie, trois fois plus que les normales saisonnières », indique-t-il.

Des conséquences encore vaporeuses
L’absence de pluie est déjà observable sur les nappes phréatiques. « Après une petite remontée les dix premiers jours de janvier suite aux précipitations importantes de la fin de l’année 2021, la baisse est régulière jusqu’à la fin du mois et les niveaux observés sont un peu inférieurs à la moyenne », décrit à Reporterre Marc Moulin, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour la région Paca. Mais tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. « Il existe différents types de nappes. Et la situation des nappes de montagne, où il a plu et neigé, est meilleure que celle des nappes du littoral où il n’est pas tombé d’eau du tout. »
Il est difficile de tirer déjà les conséquences de cet épisode. « Ce n’est pas en janvier que tout se joue. Il faut regarder le cumul des précipitations depuis le mois d’octobre », explique l’hydrogéologue. En effet, la période de recharge des nappes s’étend d’octobre à mai chaque année. « Les précipitations de période sont dites efficaces, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas interceptées par la végétation ou reprises par l’évaporation. Une partie d’entre elles peut donc s’infiltrer jusqu’aux nappes », poursuit-il. La nappe entre ensuite dans une période de tarissement qui, en Paca, s’achève fin octobre maximum à l’étiage — le plus bas niveau de la nappe.
Cet épisode repose la question de la gestion de l’eau dans les années à venir, en lien avec le changement climatique. Mardi 1er février, le gouvernement a présenté les conclusions du Varenne de l’eau et promis de faciliter l’irrigation agricole et la construction de retenues d’eau. « Le cycle de l’eau est un système, rappelle M. Moulin. Si vous retenez l’eau en surface, vous l’empêchez de s’infiltrer en contrebas. Cela peut être intéressant pour l’agriculture, mais constituer un manque à gagner pour les nappes et l’alimentation en eau potable, et créer des conflits d’usage. »