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Climat : de COP en COP

Les gros pollueurs tiennent la COP 21 par les cordons de la bourse

EDF, BNP Paribas, Air France, GDF Suez... Ces grandes entreprises, aux activités et aux investissements fortement émetteurs de gaz à effet de serre, vont financer 20 % de la COP 21, a déclaré Laurent Fabius. Les ONG climatiques dénoncent ce qu’elles jugent une mascarade.

Le ministre des Affaires Étrangères Laurent Fabius a présenté à la presse les vingt premières entreprises mécènes de l’organisation de la COP 21, mercredi 27 mai au Quai d’Orsay. Parmi elles figurent la compagnie aérienne Air France, le groupe d’assurances Axa, le groupe bancaire BNP Paribas, l’opérateur de services aux entreprises et aux collectivités Derichebourg, le fournisseur d’électricité EDF, le groupe industriel énergétique Engie (ex-GDF Suez), le groupe automobile Renault-Nissan, le fournisseur d’énergie ERDF, Ikea, Michelin ou encore Suez Environnement.

Leur participation sera essentiellement financière, mais prendra aussi la forme de services rendus pendant la COP 21, la Conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tiendra au Bourget (Seine-Saint-Denis) à la fin de l’année. Ainsi, Derichebourg sera chargé du nettoyage du site et de la collecte et de la valorisation des déchets. L’alliance Renault-Nissan mettra à disposition du gouvernement une flotte de 200 véhicules électriques pour le transport des délégués. Les bornes de recharge de ces voitures seront installées par EDF. Un moyen de transport écologique dans le discours officiel, une arnaque dispendieuse dans la réalité.

Une COP 21 à 165 millions d’euros

Conformément à la loi de Finances 2015, le gouvernement dispose d’un budget de 165 millions d’euros pour organiser la COP 21. Le coût total de l’organisation devrait s’élever à 187 millions d’euros. « Par jour et par personne, cela coûte dix fois moins cher que le G8 ou le G20 », a dit le ministre des Affaires Étrangères.

Laurent Fabius parle sous l’écran de Renault Nissan

20 % du coût d’organisation de la COP 21 devra être financé par les entreprises, a-t-il encore annoncé. « Cette COP accueillera quelque 40 000 délégués. Cela a un coût, nous essayons de le réduire mais cela reste un budget important. Or, la France a des contraintes budgétaires. » Les contributions des premiers mécènes représentent déjà, à ce jour, 10 % du budget prévisionnel de la conférence.

Des entreprises « responsables du changement climatique », jugent les ONG

La liste des entreprises partenaires, dont les premiers noms sont connus depuis la mi-avril, suscite la colère de militants écologistes. « La majorité des entreprises choisies émettent massivement des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, comme EDF ou Engie dont les émissions provoquées par leurs centrales à charbon équivalent à elles seules près de la moitié des émissions de la France », condamne Malika Peyraut, des Amis de la Terre dans un communiqué, rédigé avec Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org.

D’autres réactions véhémentes ont fusé sur Twitter :

BNP Paribas finance le charbon, EDF abandonne le solaire

De fait, les entreprises partenaires sont loin d’être aussi exemplaires en matière de lutte contre le changement climatique que le prétend le gouvernement.

BNP Paribas a financé depuis 2005, directement ou non, pour plus de 15 milliards d’euros de projets dans le secteur du charbon, l’énergie fossile la plus émettrice de CO2. Ce n’est que contrainte et forcée par les actions de militants climatiques qu’elle a accepté de se retirer, le 8 avril dernier, du projet de port charbonnier australien Alpha Coal.

EDF, de son côté, a décidé il y a quelques jours d’arrêter de financer sa filiale Nexcis, champion français de l’énergie solaire. En revanche, le producteur d’électricité continue allègrement à exploser les pronostics, en matière de coût de ses projets nucléaires...

Quant à GDF Suez, il a rejoint en février dernier le Centre de documentation sur les hydrocarbures non conventionnels (CHNC) pro-gaz de schiste, présidé par l’ex-président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip) Jean-Louis Schilansky, alors que la production de gaz de schiste émet des quantités importantes de méthane, un puissant gaz à effet de serre.

« On ne peut pas négocier un accord sur le climat avec les responsables du changement climatique »

« Il n’y a pas a priori d’exclusion, les portes ne sont pas fermées, il y a un dialogue avec l’ensemble des entreprises qui souhaitent s’associer à une conférence qui a pour but de lutter contre le réchauffement climatique. Donc, par définition, nous avons affaire à des mécènes qui rentrent dans une démarche et une logique qui est celle-là. (…) Nous avons procédé à une analyse assez systématique des performances environnementales des partenaires qui sont ici et de ceux qui les rejoindront sur les principes du Global Compact et sur la conformité de leur activité avec la loi NRE dans le cadre de leur rapport RSE (Responsabilité sociale des entreprises). Par ailleurs la réputation en matière de développement durable de ces entreprises est tout à fait prise en compte », dit pourtant Pierre-Henri Guignard, secrétaire général de la COP 21. Qui précise : « La participation à la COP 21 est un gage de conduite exemplaire » - un gage acquis par les entreprises contre monnaie sonnante et trébuchante.

-  Ecouter Pierre-Henri Guignard :

Les grands groupes semblent déterminés à peser sur les négociations climatiques, avec la complicité du gouvernement français. L’annonce de ces partenariats, moins d’une semaine après le Business & Climate Summit, en témoigne. Mais la manœuvre est risquée. « A Varsovie, les associations, mouvements sociaux et syndicats avaient quitté les négociations pour dénoncer la mainmise des négociations par les intérêts privés et les lobbies, rappelle Pascale Sabido, du Corporate Europe Observatory. On ne peut pas négocier un accord sur le climat avec ceux qui sont responsables du changement climatique. »

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