Lyon Turin : la Commission européenne réaffirme son soutien

Durée de lecture : 3 minutes
Grands projets inutiles EuropeSuite aux révélations des opposants et de Reporterre sur le Lyon Turin, la Commission européenne s’est sentie obligée de réaffirmer son soutien au projet. Un marché de chantier vient d’être signé par le gouvernement français, malgré les virulentes critiques de la Cour des comptes.
La révélation faite par les opposants au projet ferroviaire Lyon Turin et publiée en France par Reporterre fait des vagues : il s’agissait du rapport du "coordonnateur européen pour le corridor méditerranéen" Laurens Jan Brinkhorst, daté d’octobre 2013. Or ce rapport expliquait que les participants du Comité « sont convenus de la nécessité de réactiver la ligne existante pour qu’elle devienne l’axe ferroviaire principal pour le transport des marchandises entre la France et l’Italie ».
Pourquoi cette opinion nouvelle ? Parce que, poursuit le coordinateur, « le point de vue partagé est l’impossibilité politique de proposer la construction d’une nouvelle ligne sans avoir entrepris tous les efforts possibles pour rétablir la ligne existante comme artère principale de transport après les travaux d’élargissement du tunnel ferroviaire Fréjus/Mont Cenis ».
Vous lirez dans notre article tous les détails de ce rapport et pourrez télécharger le rapport lui-même.
La conclusion évidente de ce rapport est que, si le transport de marchandises doit continuer à se faire durablement sur la ligne existante, une des motivations essentielles du projet ferrovaire Lyon Turin s’écroulait. Déjà très discutable s’il devait acheminer fret et voyageurs, le projet devient carrément délirant s’il ne sert qu’aux voyageurs.
Le coordonnateur s’est senti obligé de réagir à cette révélation de son propre rapport. Dans un communiqué publié le 21 mai, reçu par courriel mais dont nous ne trouvons pas trace sur internet, "le coordonnateur européen salue la prochaine reprise des travaux en France liés à la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin et rappelle l’engagement de l’UE en faveur de ce projet".
Car celui-ci continue obstinément, et le 16 mai, le ministre des Transports français Frédéric Cuvillier a annoncé la signature d’un marché pour la réalisation d’une galerie de Saint-Martin-la-Porte, élément du futur tunnel de base.
Dans son communiqué, M. Jan Brinkhorst s’en réjouit : « En ce qui concerne le futur rôle que jouera cette nouvelle liaison ferroviaire dans le réseau central de l’UE, le Coordonnateur rappelle que la nouvelle liaison ferroviaire servira le transport de marchandises et de passagers. La ligne historique est la seule infrastructure ferroviaire actuellement disponible dans cette région et son utilisation doit être augmentée sans attendre. Mais il est bien évident qu’elle sera de moins en moins adaptée aux trafics futurs et que la nouvelle ligne mixte qui traitera l’essentiel du trafic fret et voyageurs constitue la réponse la plus performante, comme rappelé dans tous les actes réglementaires de l’UE. »
La situation est donc claire : le projet a un coût pharamineux, notamment dénoncé par la Cour des Comptes, la ligne existante rénovée est adaptée au trafic de marchandises, mafia et conflits d’intérêt gangrènent déjà le projet, l’opposition politique est de plus en plus forte et cela est reconnu par les autorités - mais le chantier continue, avec l’absolution des gouvernements français et italien, et celui de la Commission européenne.
Une seule conclusion possible : seule le rapport de forces peut faire évoluer les choses, puisque le débat raisonné est impossible à faire ré-examiner le projet. L’enjeu est la vigueur du mouvement d’opposition. Celui-ci est pour l’heure, du côté français, faible.