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Grands projets inutiles

Lyon-Turin : une infographie pour tout savoir, en dates et en chiffres, de ce projet discuté

Laurent Wauquiez visite le chantier du Lyon-Turin ce lundi 26 février. L’occasion de faire le point sur un projet hyper-coûteux et à l’utilité très discutable. En chiffres et en dates, une infographie pour comprendre le débat sur cette ligne ferroviaire.

Sous les Alpes, « Frederica » creuse, patauge, s’enraille dans la roche. Depuis octobre 2016, ce tunnelier de 138 mètres de long et 11,3 mètres de diamètre perce un tunnel de 57 kilomètres pour joindre la France à l’Italie. L’objectif ? Rapprocher Paris de Milan grâce à une ligne à grande vitesse, désengorger les routes savoyardes des camions de marchandises, et améliorer les échanges économiques transalpins. Mais, 27 ans après son lancement, le projet Lyon-Turin est encore au cœur d’une guerre des chiffres entre opposants et partisans.

Le 7 février dernier, trois recours ont été déposés contre le décret prorogeant pour cinq ans la déclaration d’utilité publique (DUP) de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Le premier a été adressé au Conseil d’État par Vivre et agir en Maurienne, les deux autres sont des recours gracieux envoyés au Premier ministre et au ministère de la Transition écologique et solidaire par l’association les Amis de la Terre et une coordination d’opposants au projet. Tous dénoncent le fait que la DUP du Lyon-Turin, établie en décembre 2007, ne correspond plus au projet actuel, et qu’une nouvelle enquête publique doit être menée. Et pour cause : les divergences entre les prévisions de la DUP et les calculs des opposants sont nombreux.

La construction du tunnel est évaluée à 8,6 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter le coût de construction de trois autres tunnels sur le trajet Lyon-Chambéry jusqu’au tunnel transfrontalier. Il faut aussi compter avec la construction de la gare internationale de Saint-Jean-de-Maurienne. Soit un total d’un peu plus de 16 milliards d’euros selon la DUP de 2007. Mais la Cours des comptes estimait en 2012 le coût total du projet à 26 milliards d’euros, si ce n’est plus. L’addition serait partagée à 40 % par l’Europe, 35 % par l’Italie et 25 % pour la France… Et par les voyageurs : il est envisagé d’augmenter le prix des péages et des billets pour financer une partie des travaux.

Trafic transfrontalier au point mort 

Le nouveau réseau est destiné à 80 % au transport de fret afin de désengorger les vallées en Savoie et de réduire la pollution émise par les poids lourds. Selon les données récoltées par Daniel Ibanez, économiste et opposant au projet, 80 % de la pollution actuelle dans la région est émise par les automobiles, 15 % par les transports régionaux, et seulement 5 % par les camions transfrontaliers. Un calcul auquel s’ajoute la question des trafics entre la France et l’Italie : si les pro-Lyon-Turin défendent l’idée que la ligne permettrait de fluidifier les échanges entre les frontières et d’augmenter leur volume, ils stagnent pourtant depuis longtemps. « On s’aperçoit aujourd’hui que les prévisions faites en 2006 pour justifier l’utilité publique pour 2017 ne se sont pas réalisées. En 2017, sur les 2.772.000 camions prévus, il n’en est passé que 1.362.000, explique Daniel Ibanez. 16 millions de tonnes de marchandises étaient prévues sur le rail, il en circule actuellement 3 millions et demi. Fatalement, la ligne existante n’est pas saturée. Il y a plus de 20 moyens que nous soulevons dans les recours pour montrer que la situation est substantiellement différente, et qu’on ne peut pas proroger une utilité publique si tout a changé. »

La question des temps de trajet est également disputée. Aujourd’hui, il faut sept heures de voyage pour relier Paris et Milan en train. Le Comité pour la liaison européenne Transalpine prévoit de raccourcir cette course à quatre heures. Mais l’estimation est jugée « à la louche » par les opposants, qui ont calculé que la nouvelle liaison se ferait en 5 h 25, à condition que le train ne marque aucun arrêt. Soit un gain réel de seulement 1 h 35 au lieu de 3 heures.

Pas de quoi inquiéter « Frederica », qui continue de creuser… Quand elle le peut. Arrêté pour maintenance pour le second hiver d’affilé, le tunnelier est à la peine. Si la date de mise en service du réseau est toujours fixée à 2030, le retard qui s’accumule nous éloigne chaque année du bout du tunnel Lyon-Turin.


LA FRISE CHRONOLOGIQUE DU LYON-TURIN

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