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ReportageClimat

Macron dans « le camp des pollueurs » : des activistes dénoncent l’alliance nucléaire-gaz

Une trentaine d'activistes réunie le mardi 14 décembre à Paris contre la politique pro-gaz et pro-nucléaire du gouvernement.

La France cherche à imposer le gaz et le nucléaire dans la taxonomie européenne des investissements « verts ». Macron se « positionne clairement dans le camp des pollueurs », ont dénoncé une trentaine d’activistes écologistes le 14 décembre.

Paris, reportage

Affublé d’un masque d’Emmanuel Macron, un militant s’est symboliquement enchaîné à un baril nucléaire et à une bouteille de gaz devant le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, à Paris. Il faisait partie de la trentaine d’activistes des Amis de la Terre, de Greenpeace, d’Attac et d’Action non violente COP21 réunie mardi 14 décembre pour dénoncer la politique pronucléaire et progaz du président français. Ils ont déployé plusieurs banderoles dénonçant « l’alliance toxique » entre la France et des pays pro-gaz comme la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. Le deal : en échange du soutien de ces États pour l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne — une liste des énergies considérées comme « vertes » —, le gouvernement français pousse activement pour l’intégration du gaz fossile. « Oui, il faut un accord sur le nucléaire et cela suppose de défendre le gaz », a récemment assumé le président français.

« Le gaz fossile et le nucléaire n’ont pas leur place dans la taxonomie verte », insistaient les activistes. Cette classification vise à identifier les activités économiques considérées comme « durables sur le plan environnemental » ou « vertes » par l’Union européenne, et ainsi réorienter les investissements. Or, selon Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre : « La combustion de gaz et les fuites de méthane engendrées par son extraction entraînent des émissions massives de gaz à effet de serre. »

« Emmanuel Macron sabote tous les efforts pour rester sous le seuil critique de +1,5 °C de réchauffement » © Alexandre-Reza Kokabi/Reporterre

Un constat partagé par la Commission européenne elle-même, qui estime qu’il faudrait diminuer de 36 % d’ici 2030 la consommation de gaz fossile pour respecter l’objectif climatique de l’Union. « En mettant la taxonomie au service des industries fossiles et nucléaires, Emmanuel Macron sabote tous les efforts pour rester sous le seuil critique de +1,5 °C de réchauffement », a poursuivi Lorette Philippot dans un porte-voix.

« Le nucléaire n’est pas vert : il produit des déchets radioactifs qui s’accumulent sur le territoire »

« En prenant la tête de l’alliance toxique entre gaz fossile et nucléaire au niveau européen, Emmanuel Macron se positionne clairement dans le camp des pollueurs, s’est agacé Nicolas Nace, chargé de campagne à Greenpeace. Le nucléaire n’est pas une énergie verte : il produit des déchets radioactifs qui s’accumulent sur tout le territoire. Il est par ailleurs trop lent pour faire face à l’urgence climatique, à l’image du fiasco de l’EPR [de Flamanville]. »

Lors de la COP26 en novembre dernier, une coalition de cinq pays — l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal — avait d’ailleurs publié une déclaration commune pour une taxonomie européenne sans nucléaire. « L’énergie nucléaire est incompatible avec le principe "d’absence de dommages significatifs" inclus dans le règlement de la taxonomie européenne », justifiaient-ils. Les signataires faisaient valoir que « beaucoup d’épargnants et d’investisseurs perdraient confiance dans des produits financiers labellisés "durables" s’ils suspectaient qu’en achetant ces produits, ils financeraient des activités du secteur nucléaire ».

Pour « rappeler le terrible bilan écologique du quinquennat d’Emmanuel Macron et le fossé entre ses discours et ses actes », selon Emma Tosini, porte-parole d’Action non violente COP21, l’un des 151 portraits présidentiels subtilisés dans des mairies partout en France par des activistes de l’ONG a été exhibé. Au bout d’un quart d’heure, plusieurs véhicules de police sont arrivés sur les lieux. L’identité des activistes et des journalistes présents a été relevée par les agents, qui les ont ensuite libérés au compte-goutte. Un militant a été placé en garde à vue et y était toujours à 17h30. Greenpeace dénonce un « judiciarisation outrancière des actions militantes visant à les museler ».

Les jours à venir pourraient être cruciaux : l’acte délégué sur la taxonomie — une sorte de décret d’application — est attendu d’ici la fin de l’année. Il est aujourd’hui entre les mains d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Avant d’être enjoints à partir par les forces de l’ordre, les militants ont appelé les États membres « à rejeter les dangereuses propositions françaises pour garantir la crédibilité de la taxonomie ».

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