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Nanotechnologies

Nanomatériaux : le gouvernement français veut les introduire dans l’alimentation

Mme Royal prétend que la santé est une de ses priorités. Mais le gouvernement français a poussé à faciliter la présence de nanomatériaux dans l’alimentation, comme le révèle Reporterre. Une tentative recalée par les députés européens, qui ont repoussé le projet de réglement de la Commission européenne sur ce sujet.


C’est une bonne surprise : les députés européens de la Commission environnement et santé des consommateurs (ENVI) ont repoussés, lundi 24 novembre dans la soirée, la proposition qui leur était faite d’autoriser sans contrôle les nanomatériaux dans l’alimentation.

Leur vote désavoue la Commission européenne qui avait déjà échoué dans une première tentative d’imposer la « nano-bouffe » en 2011. Il désavoue aussi le gouvernement français qui avait donné son aval au projet de nouveau réglement.

La position équivoque du gouvernement français

Le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui sert de courroie de transmission entre les services du Premier Ministre et les députés européens français, avait en effet envoyé avant le vote à chacun d’entre eux une note au contenu édifiant que Reporterre publie.

-  Télécharger la note :

Dans ce document, les autorités françaises expriment leur position sur la proposition de règlement et les amendements qui lui ont étés apportés. On y lit que « les autorités françaises ont toujours soutenu que les nanomatériaux doivent être considérés comme de nouveaux aliments, indépendamment de leurs propriétés ou absence de propriétés spécifiques à l’échelle nanométrique ».

On peut aussi constater dans le tableau qui figure en annexe leur refus de voir soutenue la proposition n°195 du groupe des Verts/ALE, qui demande d’exclure les nanomatériaux du champ d’application du réglement.

Le gouvernement français donnait ainsi son blanc seing à l’utilisation des nanomatériaux dans l’alimentation. « Or cette utilisation pose un problème de santé publique que certains scientifiques estiment pouvoir devenir plus grave que celui qu’a posé l’amiante ! Comment Ségolène Royal et Marisol Touraine peuvent-t-elles justifier la position du gouvernement auquel elles appartiennent auprès de leurs concitoyen(e)s ? », se demande José Bové, eurodéputé du Groupe des Verts/ALE.

Principe de précaution

La Commission ENVI s’est heureusement prononcée en faveur d’un moratoire. « Les députés européens ré-affirment une position claire en votant l’interdiction des nanomatériaux dans les produits alimentaires proposée par le Groupe des Verts/ALE et la Gauche Unitaire Européenne (GUE) tant qu’il n’y aurait pas d’évaluation de leurs impacts sur la santé et l’environnement. Ce faisant ils revendiquent l’application du principe de précaution », explique Michèle Rivasi, eurodéputé verte également et membre de la Commission ENVI.

Charge désormais à l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA) d’évaluer l’usage des nanomatériaux dans l’alimentation. « On peut cependant se demander si elle en est capable étant donné la faiblesse de ses moyens humains et financiers actuels », relève José Bové.

Mélangées ou en contact avec la nourriture, les nanoparticules sont porteuses de dangers pour la santé encore mal connus et très inquiétants. Mais elles sont très appréciées par les fabricants de chocolat, de glaces, d’aliments en poudre et de sauces diverses et variées pour leur capacité à modifier la couleur, le goût, la fluidité, la texture ou la conservation des préparations, de façon évidemment très rentable (lire l’article « Nanotechnologies : tous cobayes de la nano-bouffe » et l’étude de Food & Water Watch).

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L’influence de l’industrie agroalimentaire

Beaucoup d’argent a été dépensé de part et d’autre de l’Atlantique pour développer les nanomatériaux. Cela a été notamment le cas en France où le gouvernement a lancé en 2009 le plan Nano-Innov. « On perçoit à la lecture de la proposition de réglement l’influence de l’industrie de l’agroalimentaire », dénonce Michèle Rivasi.

Une phase de négociation s’ouvre désormais. James Nicholson, le rapporteur de la Commission environnement et santé des consommateurs va entamer son travail de concertation avec le Conseil dans le but de proposer un texte amélioré aux députés. « Il aura fort à faire pour faire accepter l’interdiction des nanomatériaux dans l’alimentation aux chefs d’Etat et de gouvernement, comme le montre la position qu’a adoptée Paris sur ce sujet », estime José Bové.

Le vote en session plénière pourrait avoir lieu dès février 2015. La Commission européenne veut aller vite car, au même titre que les OGM, l’utilisation des nanomatériaux dans les produits agroalimentaires est un élément de négociation important du futur traité de libre échange transatlantique, le TAFTA.


Complément d’info : Les Amis de la terre publient jeudi 28 novembre un rapport : Petits ingrédients, gros risques : les nanomatériaux envahissent rapidement notre alimentation et l’agriculture.

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