Pénuries d’eau : dans le Var, « c’est chacun pour soi »

Sur les hauteurs d’Ollières, un habitant est inquiet pour la survie des arbres de sa villa. - © Virginie Le Borgne/Reporterre
Sur les hauteurs d’Ollières, un habitant est inquiet pour la survie des arbres de sa villa. - © Virginie Le Borgne/Reporterre
Alors que la pénurie d’eau menace une petite ville du Var, ses habitants oscillent entre redoublement d’efforts individuels et légère indifférence.
Ollières (Var), reportage
Le mot se retrouve sur toutes les bouches des inconditionnels du marché du vendredi soir, l’unique rendez-vous hebdomadaire réunissant les habitants d’Ollières. Dans cette commune du Var ceinte de collines recouvertes de vignes, l’eau semble être l’invitée invisible. En cette journée d’août, à l’heure où des pénuries en eau touchent des centaines de villes françaises, certains Olliérois assurent que tout est rentré dans l’ordre depuis « la crise » du 16 juillet, lorsque l’eau des robinets a été coupée. D’autres, plus anxieux, se demandent ce que leur réserve l’avenir. En contrebas, le Vallat, qui d’habitude ruisselle dans ce village de 647 habitants, est pour la première fois à sec depuis janvier.
Il y a moins d’un mois, le capteur de niveau d’un des deux forages qui alimentent le village en eau potable s’est emballé. La pompe régulatrice ne s’est pas arrêtée, entraînant un puisage trop important, jusqu’à une remontée de sédiments qui a pollué le bassin et engendré une turbidité élevée de l’eau.
« Dès qu’on s’en est aperçu, on a coupé le premier forage, vidangé puis désinfecté le réservoir, avant de le reremplir avec le second forage », détaille Patrick Cholieu, adjoint au maire en charge de l’eau. Durant plusieurs jours, des bouteilles d’eau ont été distribuées aux habitants. Depuis, des décrets préfectoraux imposent des restrictions : interdiction de remplir ou de mettre à niveau les piscines, d’arroser les pelouses ou de nettoyer les terrasses, entre autres.
Avant « la crise », Ollières disposait d’un forage puisant à 40 mètres de profondeur, et d’un autre prélevant à 72 mètres. Ces deux forages remplissaient un réservoir de 500 m³, une quantité suffisante pour les besoins quotidiens des habitants qui s’élèvent, en moyenne, à 400 m³. Désormais, seul le deuxième forage fonctionne. Patrick Cholieu explique que cette crise a précipité la construction d’un troisième forage, à 140 mètres de profondeur, qui débutera en octobre.
Manque d’effort commun
Sur les hauteurs d’Ollières, où il s’est récemment fait construire une villa de plain-pied, Philippe Louvet avoue être inquiet pour la survie de ses arbres. « J’ai quatre oliviers qui attendent toujours d’être plantés. J’ai couvert leurs pieds de paille pour conserver l’humidité », dit cet ancien assureur de 64 ans. Derrière lui, l’eau de la piscine scintille. « Il y a un liner armé donc peu d’évaporation. Chaque semaine, je dois rajouter seulement 1 cm d’eau. Aussi, j’évite de la nettoyer. »
Enfin, plutôt que de laver sa terrasse à grande eau, il a investi dans un souffleur. Pour lui, « il y a une préoccupation des citoyens sur la question de l’eau, mais elle reste individualiste. Ici, c’est soleil pour tous, mais chacun pour soi. Quand il a fallu distribuer les bouteilles d’eau, certains se sont portés volontaires, mais d’autres ont dit “Moi j’men fous, de toute façon j’ai un puits” », regrette-t-il.
« Je ne tire pas la chasse »
Sur la place où se tient le marché, Sylvie vend les fromages qu’elle fabrique à partir du lait de la quarantaine de chèvres de sa ferme. Elle assure avoir conscience du caractère rare de l’eau et a adopté des réflexes il y a longtemps. « Je ne tire pas la chasse à chaque fois que je vais aux toilettes et je récupère l’eau inutilisée », explique-t-elle. « Ça me rend folle que des gens continuent de laver leurs voitures alors qu’on est tous en manque ! » Non loin d’elle, Olivier Hamenou, technicien en charge de l’eau potable à Ollières, regrette aussi le manque d’effort commun : « J’ai arrêté la fontaine dans le parc, car des habitants sont venus avec des bouteilles pour s’y approvisionner. »
Jean-Paul Decomis, vendeur de fruits sur le marché et propriétaire d’une exploitation dans la commune voisine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, a, pour sa part, arrêté d’arroser ses prés. « Les élus doivent se bouger et trouver des solutions pour retenir l’eau. »