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Grands projets inutiles

SERIE GPII - Le projet de gare à Stuttgart voit son coût exploser

Malgré une résistance très populaire, le projet de grande gare ferroviaire, à Stuttgart, en Allemagne, a été approuvé par référendum. Il est sur les rails, mais cahin-caha, et à un coût démesuré.

Il est loin le temps où le projet pharaonique Stuttgart-21, qui prévoit la transformation de la gare terminale de la ville en un nœud ferroviaire mobilisait les foules.

Fin septembre 2010, plus de 100 000 manifestants descendaient dans les rues pour protester contre le projet et les violences policières sur des opposants. Des opposants qui dénonçaient à la fois les conséquences écologiques (abattage d’arbres centenaires, percements de tunnels dans des zones protégées), et un coût financier hors de contrôle.

Cela avait eu pour conséquence la nomination d’un médiateur chargé d’écouter opposants et défenseurs. Puis, en novembre 2011, le gouvernement rouge-vert (SPD-Grünen), élu dans le Bade-Wurtemberg, en partie grâce à cette controverse, organisait un référendum régional.

Le 27 novembre, à la question « Approuvez-vous un projet de loi permettant à l’Etat d’exercer son droit de retrait du financement des travaux ? », 58% des votants répondent non. Résultat, grues et échafaudages pouvaient continuer leur travail. La démocratie directe venait en quelque sorte d’ôter la légitimité des opposants. Si les manifestations hebdomadaires de protestation se sont poursuivies, elles ne concernent à présent que quelques centaines d’irréductibles.

De nouveaux modes de contestation

L’opposition à ce chantier titanesque, qui doit être inauguré en 2020, et qui prévoit la construction d’une nouvelle gare d’inspiration futuriste, de 57 kilomètres de voies ferrées, de 33 kilomètres de souterrains répartis en 16 tunnels, ainsi que de 18 ponts, a pris une autre forme.

Les activistes sillonnent désormais les rues… pour faire signer des pétitions. Le but de l’une d’entre elles, lancée par Storno 21 (annulation 21), est que la municipalité résilie son contrat avec la Deutsche Bahn, qui avait à l’évidence minimisé les coûts de construction. Une somme, déjà astronomique, qui est passée de 4,5 à 6,8 milliards d’euros en décembre 2012, et a relancé le débat sur la nécessité d’un projet aussi dispendieux. Certains parlent même de plus de 9 milliards. Une facture qu’aucun des partenaires n’est prêt à payer, et surtout pas la ville ni l’Etat fédéral.

Depuis des années, la ligne de défense de la compagnie de chemin de fer allemande reste la même : les surcoûts sont liés aux lenteurs administratives, à l’inflation et surtout aux retards qui s’accumulent. Un bon moyen de rejeter la faute sur les « antis » qui ont ralenti les travaux.

Jusqu’à ce qu’un document interne de la société révèle l’amateurisme des premières prévisions. On y apprend que la DB termine ce projet de gare car l’abandonner reviendrait plus cher de deux milliards que de l’achever. Des cadres auraient même reconnu qu’ils n’auraient pas approuvé la construction s’ils avaient su que les prix allaient flamber dans de telles proportions. Les travaux de la gare se poursuivent donc par défaut.

Les contestataires se battent aussi contre les nuisances directes des travaux. Sept organisations ont lancé lundi 24 février 2014 une campagne conjointe pour protéger le métro léger. Les travaux entrainent en effet des perturbations sur le trafic : « A cause de la construction de Stuttgart-21, les lignes U1, U2, U4, U9, U11 et U14 vont être perturbées pendant des mois par des interruptions et des détournements », affirme le collectif.

« En conséquence, nous appelons à la mobilisation des usagers des transports en commun sur les grands pôles que sont la gare centrale et la Charlotten-Platz, qui vont être touchés par des hausses dans leurs temps de déplacement, et des correspondances mal assurées. Cela va entrainer du stress et des pertes de temps dans des rames très encombrées », poursuivent les protestataires.

Le but de cette campagne est de saturer de réclamations les services du maire de la ville, Michael Föll. Pour cela, les organisateurs demandent aux utilisateurs du métro léger de contacter le bureau du dirigeant par téléphone, fax, mail ou lettre. Le slogan de l’opération est sans équivoque : « Aujourd’hui, se plaindre. Demain, ennuyer ! »

La contestation, moins visible qu’il y a deux ou trois ans, reste donc plus que jamais d’actualité. Et elle pourrait donner des idées à ceux qui se battent, Outre-Rhin, contre d’autres projets inutiles. De la forêt de Hambach, située entre Aix-la-Chapelle et Cologne et qui est occupée par des activistes pour éviter sa destruction causée par l’agrandissement d’une mine de lignite à ciel ouvert, en passant par les onéreux Aéroport de Berlin-Brandenburg ou Philharmonie de Hambourg, les projets monumentaux et/ou anti-écologiques ne manquent pas.

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