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Habitat et urbanisme

Un rapport officiel constate la médiocrité de la politique de rénovation thermique

Les travaux d'isolation, parmi les plus importants pour une rénovation durable, restent minoritaires.

Un rapport officiel expose les ratés du dispositif MaPrimeRénov’ : au lieu de financer des rénovations globales, il sert surtout à acheter de nouveaux chauffages.

« L’objectif de diminution de la consommation d’énergie finale ne permet pas de répondre aux objectifs sociaux assignés que sont la lutte contre la précarité énergétique et l’éradication des passoires thermiques ». Dans un document très détaillé publié le 20 décembre, le comité d’évaluation du plan France Relance, sous l’égide du Parlement, dresse le bilan de deux années de massification de la rénovation des logements privés au travers du dispositif MaPrimeRénov’.

Si le rythme engagé de plus de 600 000 dossiers retenus par an se maintient, et que l’aide cible bien en priorité les ménages modestes et très modestes, la majeure partie des actions de rénovation reste constituée de travaux uniques et isolés, principalement pour installer des chaudières à granulés ou des pompes à chaleur.

Moins de 65 000 logement rénovés

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe le cap de 370 000 rénovations globales par an ? En 2021 et même au vu des projections pour 2022, ce sont toujours moins de 65 000 logements qui ont été véritablement rénovés.

Et c’est surtout grâce à un autre dispositif plus ancien et plus efficace destiné aux ménages modestes : « Habiter mieux sérénité », désormais rebaptisé « MaPrimerénov’ Sérénité ».

La plupart des travaux les plus importants ont été effectués grâce à un dispositif différent et plus ancien : « MaPrimerénov’ Sérénité ». CC0 / PxHere

La différence avec MaPrimeRénov’ ? Les 60 000 dossiers concernés sont réellement accompagnés, avec un diagnostic préalable de l’état du logement et des travaux à faire, avec un interlocuteur humain indépendant qui se déplace et échange avec les bénéficiaires et s’assure de la réalisation des travaux.

Résultat : même avec souvent plus 10 000 euros d’investissements et un reste à charge conséquent, plus de la moitié des dossiers ainsi accompagnés conduisent à sortir les logements de la catégorie des passoires thermiques (les étiquettes F et G).

Accumulation de problèmes

MaPrimeRénov’ fonctionne bien différemment : pas d’audit préalable et démarches entièrement en ligne. L’accompagnement promis tarde à se mettre en place et le dossier se révèle administrativement complexe.

S’y ajoutent les retards de paiements, parfois plusieurs mois, les problèmes techniques du site web, les arnaques de vendeurs indélicats, des problèmes encore trop fréquents, comme le signalent les enquêtes de Basta et L’Humanité parues cet automne.

L’évolution de la consommation après rénovation est très mal mesurée. CC0 / PxHere

L’analyse du comité d’évaluation de France Relance révèle par ailleurs un gros problème : il n’existe toujours aucune statistique sur les consommations réelles après avoir effectué des travaux de rénovation. L’État se base toujours sur des estimations de gains hypothétiques, système ce qui surestime beaucoup les bénéfices d’un changement du mode du chauffage.

Or, comme l’expliquait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie dans un rapport en 2021, rénover un logement durablement impose de penser globalement, avec un bouquet de travaux qui commence par l’isolation du logement — murs, planchers et combles. Ces travaux ne représentent que 11 % de ceux engagés avec MaPrimeRénov’.

Augmentation des primes

Maigre lueur d’espoir toutefois : la part des monogestes diminue enfin. Au premier semestre 2022, « seuls » 80 % des dossiers concernaient une action unique de rénovation — c’était 90 % il y a deux ans. Selon le rapport, cette dynamique en faveur de travaux multiples est même poussée par ceux qui ont le moins de ressources : les ménages très modestes, qui sont en 2022 près d’un tiers à se lancer, malgré les difficultés.

La parution de ce rapport a permis au gouvernement de présenter les nouveautés entrant en vigueur au 1ᵉʳ février 2023 avec quelques évolutions positives : abandon des subventions aux chaudières à gaz haute performance, diminution du soutien à l’achat d’un poêle à granulé ou d’une ventilation double-flux. En parallèle, la prime pour des travaux pour les rénovations globales pour les ménages aux revenus intermédiaires ou aisés sera augmentée.

S’occuper enfin des logements collectifs

Enfin, alors qu’ils concentrent la moitié des résidences principales du pays, les logements collectifs restent toujours à la traîne, avec seulement 4 % des dossiers. Un retard dû à la complexité de ces chantiers qui demandent de mettre d’accord de nombreux copropriétaires, pas toujours pressés de dépenser de l’argent pour améliorer les conditions de vie de leurs locataires. Et quand bien même ils le sont, de tels travaux mettent plusieurs années à se concrétiser.

Alors que la région Île-de-France, à contre-courant de toute logique, vient de supprimer ses aides aux copropriétés, le gouvernement propose pour l’heure d’augmenter le plafond de travaux de 15 000 à 25 000 € tout en doublant la prime individuelle versée à chaque propriétaire dans le cadre de ces travaux collectifs.

Un« bouclier énergétique » qui finance les fossiles

Ces petits pas restent assez risibles au moment où les multiples 49.3 ont empêché toute augmentation massive du budget global pour la rénovation qui avait pourtant été votée par les députés.

Au même moment, le budget alloué au bouclier énergétique s’élève à 45 milliards d’euros. Le comble ? Une bonne partie de cette passoire budgétaire financera justement les factures de gaz, d’électricité et de fioul de 5,2 millions de logements « en situation de sobriété subie ».

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