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Habitat et urbanisme

Le gouvernement empêche un progrès majeur de la rénovation énergétique

Le gouvernement a une nouvelle fois eu recours au 49.3 pour minimiser la rénovation énergétique. Un non-sens à l’heure où des dépenses massives subventionnent les énergies fossiles et préparent une éventuelle relance du nucléaire dans quinze ans.

On ne pourra pas dire qu’on ne pouvait pas. Mercredi 2 novembre, le gouvernement, en faisant passer le 49.3 sur le second volet de la loi de Finances, a enterré ce qui aurait pu être la plus ambitieuse mesure de transition écologique votée cette année.

La joie était pourtant grande lundi soir dans le camp de l’écologie à la suite de l’adoption de deux amendements ouvrant 12 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour booster la rénovation énergétique des logements privés. Un sujet sur lequel le consensus politique était pourtant possible. Car que ce soit la mission d’information parlementaire de février 2021, portée par Les Républicains et La République en marche (LREM), ou le rapport Sichel de mars 2021 sur « la réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés » — les conclusions convergent : il faut au minimum 93 milliards d’euros en dix ans pour en finir avec les passoires thermiques et la précarité énergétique.

D’où ces deux amendements déposés par la Nupes [1], l’un pour atteindre ce seuil de 9,3 milliards par an (en accordant 6,85 milliards d’euros), l’autre de 5 milliards supplémentaires, pour augmenter le taux de subvention des projets de rénovation pour les plus précaires (limité aujourd’hui à 60 %).

Rénover les passoires thermiques permettrait d’éviter l’émission de 6 millions de tonnes de CO₂ par an. Unsplash/CC/charlesdeluvio

Ces deux lignes de crédits supplémentaires auraient dû être financées par une partie des 100 milliards de crédits déjà débloqués pour le bouclier tarifaire, dispositif mal ciblé qui bénéficie avant tout aux plus gros consommateurs et aux plus riches, en subventionnant les énergies fossiles. Contre l’avis du gouvernement et du bloc macroniste, ces deux amendements ont été adoptés en réunissant les votes des députés Nupes et du Rassemblement national.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est indigné de ce vote de « milliards d’euros à un dispositif dont vous [les oppositions] dites qu’il ne marche pas ». Une référence aux critiques récurrentes de la Nupes sur le manque d’ambition de la politique de rénovation du gouvernement, confirmées la semaine dernière par un rapport cinglant de la Cour des comptes. Et pour Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, l’enjeu du moment est d’aider le gouvernement « à construire des filières de formation professionnelle » dans la rénovation énergétique.

Éviter 6 millions de tonnes de CO₂ par an

Mais si le secteur souffre d’un manque de structuration et de pilotage, des crédits supplémentaires restent un élément indispensable pour mettre fin au désastre social et environnemental de la précarité énergétique dont souffrent près de 12 millions de citoyens. C’est aussi l’une des mesures essentielles pointées dans le dernier rapport du Giec [2]. Selon les calculs du collectif d’associations Rénovons, agir efficacement et globalement sur les passoires thermiques permettrait d’éviter 6 millions de tonnes de CO2 par an, soit environ 10 % des émissions annuelles totales pour le logement des ménages.

Un enjeu qui n’a pas échappé au collectif Dernière rénovation, une campagne d’actions visant justement à mettre en œuvre cette politique de rénovation des logements pour faire face à l’urgence climatique et sociale. Après de nombreuses actions durant la dernière semaine, ce mercredi, ils ont été rejoints par les militants des Amis de la Terre et Alternatiba Paris devant l’Assemblée nationale pour exiger que ces deux amendements votés soient conservés même après l’activation d’un nouveau 49.3 sur le budget. Il n’en sera rien. Le texte soumis par le gouvernement le 3 novembre en engageant le 49.3 n’a rien conservé de ces mesures, supprimant celles visant à renforcer les financements du secteur ferroviaire.

Un choix délibéré qui rappelle amèrement combien les solutions face aux crises climatiques et sociales sont bien connues et accessibles, et ne dépendent désormais que de la seule volonté politique. Pour l’heure, la priorité semble plutôt de rogner encore une fois sur le droit de l’environnement avec la loi d’accélération du nucléaire, manière de préparer le terrain pour de nouveaux réacteurs au moment où débute seulement le débat public indépendant sur le sujet. Avec un coût estimé à plus de 50 milliards sur quinze ans, l’utilité des six premiers EPR ne pourra être éventuellement observée qu’en 2035 ou 2037 dans les hypothèses optimistes. Autant de temps et d’argent pour avoir une électricité subvenant de manière inefficace les besoins massifs en chauffage électrique de millions de logements, restés durablement énergivores faute de crédit et de courage politique quinze ans plus tôt.

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