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Climat

Vigie-Flore : des bénévoles veillent sur la flore commune

Les bouleversements environnementaux provoqués par les activités humaines se mesurent jusque dans la flore la plus commune. Les plantes les plus amatrices de chaleur s’épanouissent, celles qui comptent sur les pollinisateurs déclinent.

Changement climatique, pollutions agricoles à l’azote et aux herbicides, urbanisation… Les bouleversements environnementaux provoqués par les activités humaines se mesurent jusque dans la flore sauvage la plus commune, selon les travaux menés à partir du programme de sciences participatives Vigie-Flore, le suivi de la flore en France. Ces études, menées sur la base d’inventaires de la flore sauvage réalisés par des bénévoles, ont été présentés lors d’un webinaire organisé par les coordinatrices de Vigie-Flore et destiné aux participants du programme, jeudi 7 mai.

Premier effet visible ? Celui du changement climatique. Depuis le début du suivi floristique en 2009, « la proportion d’espèces végétales tolérantes aux températures élevées augmente plus que celles à préférence thermique faible et ces espèces sont de plus en plus nombreuses au sein des communautés végétales », rapporte Gabrielle Martin, cheffe de projet en écologie et animatrice de Vigie-Flore. Cette tendance est particulièrement visible chez les espèces annuelles à préférence thermique élevée, c’est-à-dire tolérantes aux fortes températures : l’avoine barbue (Avena barbata), le brome de Madrid (Anisantha madritensis) et la petite linaire (Chaenorrhinum minus) sont des espèces qui augmentent très rapidement en France. Pour affiner ces résultats, Gabrielle Martin et Alain Danet ont lancé une nouvelle étude sur les effets du changement climatique sur les communautés de plantes. « On peut s’attendre à ce que ces communautés comptent de plus en plus de plantes qui préfèrent les températures chaudes », prévoit Alain Danet, post-doctorant en écologie au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).

Mais les pollutions diverses affectent aussi la flore commune. C’est le cas de la pollution à l’azote, liée à l’utilisation massive d’engrais en agriculture. « Nous avons détecté une augmentation de la proportion de plantes nitrophiles dans certains milieux comme les landes » pourtant caractérisées par des sols pauvres, indique ainsi Emmanuelle Porcher, directrice scientifique de Vigie-Flore, professeure au MNHN.

Une étude est en cours pour s’intéresser aux effets de l’utilisation des herbicides — qui représentent 40 % des pesticides utilisés — sur les milieux naturels. « Quelques études ont déjà été menées sur des espèces rares ou menacées, mais quasiment rien sur la flore commune, précise Nicolas Deguines, post-doctorant en écologie au MNHN. C’est à elle que nous allons nous intéresser, en croisant les données obtenues grâce à Vigie-Flore avec la carte de risque d’utilisation des pesticides, disponible depuis très peu de temps. » Déjà, la composition de la flore a été modifiée par le déclin des pollinisateurs : « On assiste au déclin moyen des espèces communes qui leur sont dépendantes pour la reproduction, comme le cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris), au bénéfice des espèces indépendantes des insectes pour leur reproduction », dit Gabrielle Martin.

Ces études n’auraient pas été possibles sans l’apport de botanistes amateurs

Ces études n’auraient pas été possibles sans le suivi national de la flore sauvage Vigie-Flore, mis en place en 2009 par le Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco) du MNHN et coanimé par le réseau des botanistes francophones Tela Botanica. « Son objectif est de mesurer et comprendre les changements de la flore commune et le lien entre ces changements et les pratiques humaines », explique Gabrielle Martin. Pour cela, les botanistes amateurs sont invités à réaliser l’inventaire de toutes les espèces végétales présentes dans des « placettes » de dix mètres carrés inscrites dans des « mailles » d’un kilomètre carré, prédéterminées par le Muséum pour assurer la représentativité de la flore échantillonnée.

Le résultat de ce programme consiste en un volume extrêmement important de données indispensables aux écologues, que le Muséum n’aurait pu se procurer par ses propres moyens et sans lesquelles il aurait eu du mal à mener certaines recherches. Ainsi, depuis 2009, 658 mailles ont fait l’objet d’inventaires floristiques menés par 388 observateurs. 2.547 espèces ont ainsi été échantillonnées au cours de 122.033 observations, certaines pour la première fois en 2019 comme le grémil des Pouilles (Neatostema apulum), le taéniathérum tête-de-méduse (Taeniatherum caput-medusae), le grémil ligneux (Lithodora fruticosa), le fumeterre de Vaillant (Fumaria vaillantii), l’euphraise de Salzbourg (Euphrasia salisburgensis) ou la gennaria à deux feuilles (Gennaria diphylla). « Le doctorant François Duchenne a comparé les données obtenues par le programme Vigie-Flore et le conservatoire botanique du bassin parisien, qui se concentre sur les parcelles les plus riches et ne renouvelle pas les inventaires dans le temps, rapporte Emmanuelle Porcher. Les données obtenues sont très différentes. Cela montre que si les inventaires des conservatoires botaniques sont précieux pour caractériser la diversité de la flore, la force de Vigie-Flore réside dans sa durée dans le temps et sa puissance pour détecter des changements. » Pour permettre la poursuite de ces travaux, tous les botanistes amateurs et professionnels intéressés sont invités à participer au suivi de la flore de Vigie-Flore.

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