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EnquêteQuotidien

Voitures électriques : les galères aux bornes de recharge

Borne de recharge, Puy de Dome, Vernet la Varenne.

Utiliser des bornes pour recharger sa voiture électrique coûte de plus en plus cher. Au-delà du prix, il reste beaucoup à faire pour que le système soit transparent et facile d’utilisation.

De plus en plus de Françaises et Français se tournent vers les voitures électriques, qui, si elles ne sont pas la panacée verte, feront bel et bien partie de la mobilité du futur. Il y aura même 1 million de véhicules 100 % électrique et hybrides d’ici la fin de l’année, contre près de 50 000 en 2015 [1]. Mais les propriétaires souhaitant utiliser les (trop rares) bornes de recharge galèrent : l’électricité y coûte de plus en plus cher et les tarifs pêchent par leur opacité. Reporterre fait le point.

Certes, près de 90 % des « électromobilistes » réalisent la recharge à la maison sur une simple prise électrique. Ceux-là sont relativement protégés grâce au bouclier tarifaire qui limite la hausse à 4 % jusqu’à la fin janvier 2023 et à 15 % ensuite. Mais pour celles et ceux qui utilisent des bornes de recharge hors domicile, la facture a déjà commencé à déraper. « Il existe une vraie situation d’inégalité entre les personnes qui utilisent une borne à domicile et celles qui utilisent des recharges publiques ou en copropriété », souligne Clément Molizon, délégué général d’Avere-France, Association nationale pour le développement de la mobilité électrique.
 
Par exemple, Allego et Tesla, deux des plus gros opérateurs d’infrastructures de recharge, ont déjà répercuté plusieurs augmentations au cours des derniers mois. Recharger sa voiture sur une borne Allego « normale » (qui fournit jusqu’à 22 kilowatts (kW)) coûte désormais 0,60 euro le kWh, contre seulement 0,40 euro cet été. Pour une recharge « ultrarapide » (plus de 150 kW) sur une borne Tesla, le kWh est facturé 0,61 euro contre seulement 0,35 euro début 2022, soit 74 % de plus. L’entreprise californienne s’est d’ailleurs résolue à créer un tarif moins cher pendant les heures creuses : de 22 heures à 6 heures, le tarif passe à 0,54 euro.

Un bouclier tarifaire mis en place début 2023

« La hausse est très significative. On estime qu’elle se situe actuellement entre 20 et 50 %, note Clément Molizon. Dans de nombreuses collectivités, les contrats qui sécurisaient les tarifs arrivent à échéance, et les tarifs pourraient exploser. » Face aux inquiétudes du secteur, l’État vient d’annoncer la mise en place d’un bouclier tarifaire début 2023 pour les quelque 71 000 bornes de recharge électrique implantées en France. 
 
Reste à connaître les modalités pratiques du dispositif, qui « sont en phase de finalisation », nous précise le ministère de la Transition écologique. « On espère que ce bouclier tarifaire permettra de limiter la casse à la fois pour les consommateurs et les opérateurs », dit le délégué général d’Avere-France.

Outre la hausse des prix, la recharge électrique hors domicile se heurte à un autre obstacle : « L’un des gros problèmes dans les stations, c’est la tarification opaque. À la différence de la pompe à essence, il n’y a aucun affichage en temps réel de ce qu’on prend. On ne sait pas combien ça va nous coûter à la fin ! », soulève Sébastien Gall, vice-président de FFauve, la Fédération française des associations d’utilisateurs de véhicules électriques.
 
Pourtant, chaque station ouverte au public est censée indiquer « les caractéristiques et le prix du service de recharge », comme l’impose le décret du 12 janvier 2017. Cinq ans plus tard, l’arrêté qui doit fixer les modalités de cet affichage n’est toujours pas publié ! « Plusieurs versions de texte ont déjà été proposées. Mais désormais, la France attend que le règlement européen sur les carburants alternatifs (Afir) soit adopté », constate Clément Molizon. En attendant, chaque station informe les clients comme bon lui semble.

« On ne sait pas combien ça va nous coûter à la fin ! »

 
Aucune harmonisation non plus pour la facturation : des stations facturent au kilowattheure (kWh), d’autres au temps de charge, d’autres encore au forfait... En milieu urbain, les collectivités préfèrent souvent la tarification à la minute pour éviter « les voitures ventouses », c’est-à-dire qui stationneraient trop longtemps sur les emplacements de bornes. Quant aux bornes à charge rapide (en courant continu), elles ne peuvent pas pour l’instant tarifier au kWh, faute de compteur certifié. « La certification est en cours. Le matériel devrait être disponible fin 2023. Il faudra ensuite l’intégrer aux bornes », précise l’Avere-France.
 

Les automobilistes contraints d’utiliser de multiples badges

 
Enfin, le paiement se révèle également un embrouillamini. Se côtoient deux systèmes : les recharges « à l’acte » avec paiement par carte bancaire ou via une appli avec un QR code et les recharges « en itinérance » payables avec un badge ou un abonnement.

Chargemap, Freshmile, KiWhi Pass, Ionity, Izivia, Newmotion, Plugsurfing,... Il existe des dizaines d’opérateurs de mobilité et autant de cartes, certaines plus « universelles » couvrant différents réseaux, d’autres dédiées à un seul. Pourtant, depuis 2017, l’utilisateur devrait pouvoir recharger n’importe où avec le même badge ou abonnement, les opérateurs ayant une obligation d’interopérabilité. Mais les 15 000 bornes – non interopérables – installées avant l’entrée en vigueur du texte ne sont pas soumises à cette règle, détaille Clément Molizon. Ainsi, les automobilistes doivent encore se balader avec de multiples badges dans leur boîte à gants.

« L’un des gros problèmes dans les stations, c’est la tarification opaque. Il n’y a aucun affichage en temps réel de ce qu’on prend. » Flickr / CC BY-SA 3.0 / Lionel Allorge

 
Toutefois, un pas vers plus de transparence et de cohérence a été franchi le 19 octobre dernier au Parlement européen. Les députés ont adopté une position de négociation sur le futur règlement Afir : selon eux, le prix par kWh devrait « être communiqué, abordable et comparable ». Ils ont aussi insisté sur le fait que le paiement devrait être facilité. Les discussions entre États membres vont donc pouvoir commencer. La route vers un système simple et homogène sur tout le territoire semble bien longue.

ÉLECTRICITÉ OU ESSENCE : QUEL PLEIN COÛTE LE MOINS CHER ?

Sur une borne Allego à 0,60 euro, pour 100 kilomètres, on dépensera 9 euros avec une auto électrique qui consomme 15 kWh/100 km, et 11,40 euros avec une auto essence qui consomme 6l/100 km si l’on se base sur 1 litre de SP95 à 1,90 euro. Malgré la hausse des prix, cela reste donc moins cher de rouler en électrique.

Si on recharge sa voiture chez soi, avec un tarif de 0,15 euro le kWh (en heures creuses en tarif réglementé), c’est encore plus intéressant.

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