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Étalement urbain

Zéro artificialisation : le gouvernement est-il en train de faire marche arrière ?

Le chantier de la piscine olympique d’Aubervilliers en février 2022.

Le ministre de la Transition écologique a lancé des discussions avec les élus souhaitant revenir sur les modalités d’application de l’objectif de réduction de la consommation d’espaces naturels, prévu par la loi Climat. Le début d’un renoncement ?

Il y a urgence vitale à défendre les terres. Qu’elles soient agricoles, naturelles ou forestières, elles sont indispensables à la biodiversité, à l’alimentation humaine et à la préservation du climat. La loi Climat du 22 août 2021 a reconnu cette nécessité en fixant l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050. Or, les boucliers se lèvent à mesure que s’approche l’échéance de diviser par deux, entre 2021 et 2031, la « consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale », par rapport à la période 2011-2021.

En première ligne se trouvent les élus, en particulier les élus locaux. Que ce soit au nom de la hausse démographique, du tourisme, de la réindustrialisation, de la nécessité de construire des projets présentés comme durables… les raisons brandies pour s’affranchir des objectifs sont nombreuses, même si aucun élu ne s’affiche officiellement contre la préservation des terres. Cette contestation [1] va-t-elle pousser le ministre de la Transition écologique à revoir la copie ? En tout cas, le 13 juillet, Christophe Béchu, interrogé au Sénat par Françoise Gatel, s’est montré ouvert « peut-être, à la réécriture d’une partie des décrets. »

Ce n’est pas tout. Le 4 août dernier, comme l’ont révélé plusieurs médias, le ministre de la Transition écologique a envoyé une circulaire aux préfets, leur demandant de « ne pas imposer dès à présent une réduction de moitié de la consommation des espaces de manière uniforme » dans les documents d’urbanisme. De fait, comme le prévoit la loi, c’est aux collectivités, dans un premier temps, de s’accorder entre elles pour répartir l’effort. Mais cette circulaire vient semer le doute sur les ambitions réelles du gouvernement.

Vers une réécriture des décrets ?

Surtout, comme l’ont relaté Les Échos, le ministre Christophe Béchu s’est redit prêt à la réécriture des décrets, il y a quelques jours, lors d’une réunion avec des élus et un groupe de travail sénatorial. Selon la sénatrice Françoise Gatel interrogée par Reporterre, les sénateurs ont fait savoir au ministre que la date du 22 octobre 2022, pour la proposition des conférences des schémas de cohérence territoriale (ScoT), n’était « pas tenable », et qu’ils voulaient plus de « territorialisation » dans l’application des objectifs.

« On ne conteste pas l’idée qu’il faut de la frugalité foncière, assure-t-elle, mais il ne suffit pas d’afficher un principe de vertu sans avoir mesuré la manière de l’atteindre. » Elle estime que les communes qui ont peu construit dans la décennie précédente vont être désavantagées, que « les décrets contredisent la loi en matière de réindustrialisation », qu’il faudrait « prendre en compte la valeur écologique » des projets qui artificialisent… Bref, qu’il faut revoir les modalités d’application du ZAN.

Ces tractations sont passées inaperçues durant l’été. Mais, dorénavant, certains commencent à s’inquiéter. « On pensait que la priorité du gouvernement serait de placer un moratoire sur les activités climaticides après l’été qu’on a eu et on se rend compte qu’il utilise une période estivale pour au contraire mettre des moratoires sur la loi Climat », a réagi Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, auprès du site Politico.

Auditionné à la commission des lois de l’Assemblée nationale mardi 13 septembre, Christophe Béchu a assuré que les dates butoir ne seraient pas modifiées. « La circulaire du 4 août envoie un mauvais signal au sens politique, mais si le calendrier est maintenu, c’est une bonne chose », observe Michel Jacod de France Nature Environnement Paca. Rien n’est moins sûr.



Calendrier de mise en œuvre : les communes, puis les régions

Selon ce qui a été décidé par la loi et les décrets, la répartition des efforts de lutte contre l’artificialisation va se faire à l’échelle des régions, via des documents de planification intitulés schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Les régions ont jusqu’au 22 février 2024 pour intégrer leurs objectifs dans les Sraddet.

Avant cela, les communes d’un même bassin de vie peuvent leur faire des propositions de répartition, à l’échelle des schémas de cohérence territoriale (ScoT). Mais leur temps est compté : les conférences des ScoT sont censées formuler leurs propositions d’ici au 22 octobre 2022. L’objectif initial avait été fixé au 22 février 2022 (soit six mois après la promulgation de la loi), mais il a été repoussé, après les demandes appuyées de l’Association des maires de France et de régions de France. Par ailleurs, un décret décline la nomenclature qui s’appliquera, à partir de 2031, pour déterminer ce qui est un espace artificialisé ou non, et suscite, lui aussi, de nombreux débats.

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