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Climat

5 questions, 5 réponses pour comprendre la multiplication des feux de forêt

À l’heure où le Canada, la Croatie et le Montenegro luttent contre les flammes, Reporterre fait le point sur les raisons de la multiplication des incendies et sur les moyens d’y faire face. Et présente une carte des plus grands feux de forêt depuis 2015.

1. Comment évolue la fréquence des feux de forêts ?

Chaque année, plus de 350 millions d’hectares de forêts sont dévorés par les flammes, d’après la veille effectuée par Planetoscope. Les incendies se déchaînent surtout entre les mois de juin et de septembre. Une forte augmentation des feux de forêt a notamment été constatée sur la côte ouest des États-Unis : dans les années 1980, plus de 140 feux de forêt de plus de 1.000 acres (404 hectares) ont été répertoriés. Ce chiffre est grimpé à 160 dans les années 1990, et a explosé jusqu’à 250 en moyenne entre 2000 et 2012. En 2015, plus de quatre millions d’hectares états-uniens qui ont été dévorés par les flammes, soit la taille de la Suisse.

Du côté de l’Hexagone, 9.500 hectares de forêts sont détruits chaque année par les flammes. Néanmoins, le nombre d’incendies de forêt a diminué de moitié depuis 15 ans, le résultat d’une politique de lutte et de prévention qui a fait ses preuves.

Selon les études menées par Météo France auxquelles participe Mathieu Regimbeau, la situation va cependant aller en se dégradant : « Nos travaux simulent des indices de sensibilité météorologique aux feux de forêt. On s’aperçoit, au fil des différentes études, que l’indice augmente fortement dans un contexte de climat futur. » Au point qu’à l’horizon 2030-2050, les valeurs moyennes de température, d’humidité, de précipitations et de vitesse du vent pourraient être équivalentes à celles de 2003, dont le printemps chaud et sec et l’été aride ont été porteurs d’une canicule ravageuse.

2. Comment le réchauffement climatique influence-t-il ces incendies ?

Si les causes directes des feux sont le plus souvent humaines, que ce soit par départs de feu accidentels ou criminels, les études scientifiques tendent à prouver que l’augmentation de l’étendue des dégâts est une répercussion du changement climatique. Celui-ci assèche la végétation et entraîne une augmentation du risque de feux de forêt. Les températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et assèchent l’eau contenue dans les sols. Ces deux faits conjugués rendent plus propice le risque d’incendie. Le changement climatique influence également négativement les pluies, ce qui a pour conséquence d’aggraver les incendies en période de sécheresse.

Depuis les années 1980, les fontes précoces des neiges hivernales sont associées aux feux de forêt de l’ouest états-unien. En cause, la hausse de 1,9 degré Fahrenheit (environ 1°C) depuis 1970 en moyenne dans la région, qui entraîne la fonte des neiges quatre semaines plus tôt qu’au cours des précédentes décennies, fonte qui assèche elle-même les forêts sur une plus longue période.

Les sécheresses et les incendies provoqués ont de lourdes conséquences sur les forêts, qui ont un rôle vital dans la régulation du climat. Véritables puits à CO2, les forêts en absorberaient et en stockeraient environ 16 % de la production mondiale. Or, depuis 2000 la capacité des forêts à stocker du carbone diminue. D’après un rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publié en 2013, le recul des forêts dans le monde depuis 1750 jusqu’à nos jours serait responsable de près d’un tiers des émissions de gaz à effet dans l’atmosphère.

3. Quels sont les zones les plus touchées dans le monde ?

Bien qu’il soit difficile d’établir une carte précise des zones à risque, Reporterre a compilé les plus grands feux de forêt depuis 2015. Ces zones à risque réunissent des facteurs similaires : des forêts extrêmement denses et une augmentation du nombre d’incendies provoqués par les conditions climatiques, elles-mêmes résultant du réchauffement.

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4. Quel est l’impact des feux de forêt sur la nature ?

« On va parler de résilience, dit Jonathan Baudel, responsable de la sécurité des forêts du parc naturel régional des Alpilles, en région Paca. Ce terme désigne la capacité du système à revenir en arrière. » Selon l’expert, l’impact d’un feu de forêt peut être plus ou moins bénéfique pour la biodiversité d’un lieu, selon la fréquence — « Combien de fois le feu va passer au même endroit » — et de son intensité. « Un incendie va plus ou moins brûler le sol, et donc la banque de graines. Un seul passage de feu va quant à lui dynamiser les graines. Un incendie peut avoir un impact bénéfique sur la biodiversité, s’il se déroule sur un temps court. »

Mais ces changements ne sont pas forcément positifs : « Il peut y avoir un changement de système forestier. C’est ce que l’on peut voir sur des sites déjà sensibles, comme les Calanques. Il y a beaucoup de roche-mère, qui porte un sol très faible. Si l’intensité et la fréquence [des incendies] sont fortes, le sol va partir après le feu à cause des pluies, et la résilience ne pourra pas se faire. Le système va changer et devenir plus aride. Donc, on va avoir une perte de biodiversité. »

5. Comment lutter contre les feux de forêt ?

Face aux incendies, le maître-mot reste la prévention, dit Jonathan Baudel, les départs de feu étant pour la majorité le résultat de l’activité humaine. « Cette prévention peut prendre plusieurs formes, explique-t-il, il y a l’éveil : la sensibilisation, l’information et la pédagogie. » C’est un travail de longue haleine mené tout au long de l’année par les professionnels : « Nous travaillons notamment avec les écoles, avec le programme pédagogique de la “défense des forêts contre incendie”. Pendant la période estivale, nous embauchons un groupe de jeunes pendant trois mois qui sont répartis sur l’ensemble du massif pour aller au contact des gens et les sensibiliser au risque incendie. » Une partie importante de cette prévention consiste en effet à sensibiliser les populations urbaines en vacances, et peu alertes sur les risques d’incendie.

Des normes établies par les États permettent également de limiter les départs d’incendie. Pour éviter la propagation du feu et protéger les habitations, la loi française oblige les particuliers à débroussailler dans un périmètre de 50 mètres autour de leur maison.

Quand vient l’heure d’affronter la période noire, des effectifs de pompiers sont disposés en permanence dans les zones à risque. En Paca, ils sont 300 soldats du feu à monter la garde. Un chiffre qui peut monter jusqu’à 1.100 en cas de fort incendie, selon le colonel Grégory Allionne.

Au niveau européen, les pays membres de l’Union peuvent faire appel au Centre de coordination des interventions d’urgence, fondé auprès de la Commission européenne à Bruxelles. En proie aux flammes, c’est ce qu’a fait le Portugal. Ce dimanche 16 juillet, trois avions Canadair français, deux espagnols et deux italiens ont été envoyés en appui aux soldats du feu portugais. Le centre fournit également des images satellites, recense les incendies, forme les personnels et finance les opérations. Depuis 2007, ce dispositif a été activé plus de 69 fois pour des incendies.

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