Reportage — Déchets nucléaires
A Bure, l’Etat expulse les occupants de la forêt de Mandres-en-Barrois

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Déchets nucléairesLes gendarmes sont intervenus jeudi 7 juillet au matin pour expulser les opposants au projet de déchets nucléaires qui occupaient la forêt de Mandres-en-Barrois. L’Andra veut y engager des travaux.
- Bure (Meuse), reportage
Jeudi 7 juilllet à 6 heures du matin, un important dispositif policier est intervenu dans la forêt occupée de Mandres-en-Barrois où, depuis plus de deux semaines, les opposants au projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaires campaient. Dans le village, les accès au bois ont été bloqués par les gendarmes. Des habitants, soutiens de la lutte, ont été menacés de garde à vue ou obligés de rester à leur domicile. Le convoi comprenait un bulldozer à l’avant, des centaines de gardes mobiles, et dans les airs, un hélicoptère qui tournait en rase motte autour de la forêt.

Il n’y a eu aucune volonté de temporisation ou de négociation de la part des autorités. Les sommations ont été faites en même temps que la charge des gendarmes. A l’entrée du bois, les occupants ont tenté de résister comme ils pouvaient. Les barricades ont pris feu, la police a lancé énormément de gaz lacrymogène. Au milieu des tirs, on entendait des chants, des cris, « Andra dégage ! », « La forêt elle est à qui ? Elle est à nous ! »
Les occupants se sont repliés rapidement, au bout d’une heure. Certains ont coupé à travers champs pour quitter la zone. Pour l’instant, il n’y a pas de blessé même si une ambulance est arrivée.
Plusieurs enfants dormaient sur place, comme c’était devenu l’habitude ces derniers jours. Ils ont réussi à s’échapper. En deux semaines de lutte, de nombreux habitants, paysans des alentours sont venus dans les bois. La journée, des banquets étaient organisés, ainsi que des projections de films en plein air et des chantiers collectifs. Il y avait régulièrement des personnes âgées qui dormaient sur les barricades. Comme Christian, de la Confédération paysanne, mardi 5 juillet. L’occupation s’inscrivait dans une lutte plus large de territoire. Face au danger de l’expulsion, les différentes composantes ont réaffirmé leur solidarité dans un communiqué de presse.

« Une mascarade juridique »
« On savait qu’il y avait des menaces d’expulsion mais on n’imaginait pas qu’ils allaient arriver aussitôt », raconte une opposante à Cigeo. Les occupants accompagnés par leur avocat, Me Ambroselli, avaient rencontré la directrice du cabinet de la préfecture, mardi 5 juillet. Ils souhaitaient montrer que l’illégalité n’était pas de leur côté. « De multiples procédures juridiques sont toujours en cours : un recours contre une délibération municipale sur l’échange du bois avec l’Andra qui s’est faite en catimini à 6 heures du matin à bulletin secret », observe Etienne Ambroselli, et une plainte pour infraction au code forestier depuis le 22 juin 2016, car l’Andra avait défriché illégalement 9 hectares de forêt ». Les réponses de la préfecture sont restées évasives : « Ils ont fait mine de ne pas connaître le dossier. La directrice de cabinet a pris quatre pages de note et nous a dit : je ferai remonter ces informations », témoigne un membre de la délégation.
Pour Etienne Ambroselli, « c’est à se demander à quoi sert mon métier ? Alors qu’on s’astreint à être légaliste, l’Etat passe en force sans respecter la loi. Nous avions également fait une assignation en référé pour demander au tribunal de grande instance de rétracter l’ordonnance d’expulsion du 23 juin rendue non contradictoirement. Nous étions en pleine procédure juridique et ils ont décidé de nous expulser. C’est une violence institutionnelle ».
« Appel à converger massivement vers Bure cet été »

L’expulsion n’est qu’une bataille dans la lutte contre le projet Cigeo. Les opposants appellent dès maintenant à « bloquer sur le terrain le début des travaux ». Plusieurs rendez-vous sont fixés cet été. Dès vendredi 8 juillet pour empêcher l’arrivée des vigiles et des engins de déforestation. Et samedi 16 juillet, « pour une énorme manifestation de réoccupation et des barricades mondiales contre la poubelle atomique et le nucléaire ». Pour les opposants, « c’est bien l’Andra qu’il faudra expulser du territoire par une diversité de moyens ».