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À Orléans, on découvre la méthode pour une vie bas carbone

L'association Nos vies bas carbone permet aux personnes de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le temps d’une après-midi, une centaine d’agents de la fonction publique du Centre-Val de Loire ont assisté à l’atelier Inventons nos vies bas carbone. Objectif : s’approprier les solutions pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Orléans (Loiret), reportage

« Pour commencer, citez-moi une activité bas carbone que vous aimez faire ? » L’œil interloqué, chaque candidat se creuse les méninges. La question laisse pantois quelques-uns. Car leur candidature à cet atelier pour « une vie bas carbone » n’est pas spontanée.

Près d’une centaine d’agents de la région Centre-Val de Loire ont été priés de venir assister mi-octobre à une journée de sensibilisation au changement climatique. Une matinée pour réaliser une fresque du climat et ainsi mieux comprendre les enjeux du réchauffement climatique, suivie d’une après-midi pour participer par groupes de vingt à l’atelier Inventons nos vies bas carbone, mené par l’association du même nom. Grâce à des cartes « action » proportionnelles à leur poids carbone posées sur une ficelle, l’atelier permet, en quelques heures, de se familiariser aux ordres de grandeur de nos émissions quotidiennes de gaz à effet de serre (GES). Et ainsi passer à l’action efficacement.

« Voici quelques antisèches », sourit Claire Véret, armée de papiers colorés. La cofondatrice de l’association anime l’un des ateliers. Sans même y jeter un œil, Sandrine se lance : « Être heureuse. » Florence et Sabrina lui emboîtent le pas : « Ne rien faire », « Ne pas prendre ma voiture ». Parmi les antisèches, plusieurs propositions remportent l’adhésion des candidats : passer du temps avec ceux qu’on aime, jouer avec ses enfants, rire, danser et chanter, prendre son temps.

Claire Véret, cofondatrice de l’association Nos vies bas carbone. ©Mathieu Génon / Reporterre

L’animatrice reprend les bases : déjà, bien différencier émissions territoriales de carbone et empreinte carbone. Le premier indique la quantité de gaz à effet de serre (GES) émis à l’intérieur des frontières nationales. Par exemple, les gaz d’échappement des voitures participent à nos émissions « transports ». Mais cette mesure ignore les GES émis dans un autre pays pour l’extraction des minerais composant la batterie ou le moteur de la voiture. Mesurer l’ensemble de la chaîne revient à parler de l’empreinte carbone.

Claire Véret évoque ensuite la notion de budget carbone (qui existe aux niveaux mondial et national), c’est-à-dire la quantité de carbone que nous pouvons encore émettre pour éviter le pire (qui adviendra dans un climat réchauffé à plus de 2 °C en 2100). « Plus on attend, plus la décroissance des émissions à opérer devra être rapide », explique-t-elle, graphique à l’appui.

Claire Véret : « Plus on attend, plus la décroissance des émissions à opérer devra être rapide. » ©Mathieu Génon / Reporterre

Diviser par six ses émissions, d’ici 2050

Désormais, place à l’action. Objectif : réduire les émissions moyennes des Français par six, d’ici 2050. Soit passer de 10 à 2 tonnes d’équivalent CO2 (eqCO2) par habitant. Assis en cercle, en cette journée automnale dans un lycée orléanais, les agents découvrent les émissions de nos activités quotidiennes à l’échelle de la France [1]. Alimentation : 2,5 tonnes eqCO2, dont plus de la moitié pour la viande, le poisson et les produits laitiers. Transports : 2,5 tonnes eqCO2, dont près des deux tiers pour la voiture. Logement et consommation fournissent en moyenne 2 tonnes eqCO2 chacune. Enfin, les services publics émettent en moyenne 1 tonne eqCO2 par habitant. Un décompte finement réalisé, documenté et sourcé par l’association.

Parmi les facteurs problématiques : la voiture, la viande, l’isolation et le chauffage des bâtiments. ©Mathieu Génon / Reporterre

Pour atteindre les 2 tonnes eqCO2, chacun sa méthode. Florence préfère supprimer la viande. Stéphane préfère ne manger que de la viande et vivre dehors, ironise-t-il. Rapidement, les participants identifient les facteurs les plus problématiques : la voiture, la viande, l’isolation et le chauffage des bâtiments. Pour les agents de la région, l’enjeu est aussi de décliner ces connaissances dans leur travail. « Nous avions besoin d’outils pour sensibiliser nos agents au changement climatique, mais également pour leur donner des billes pour agir », explique Jérémie Godet, vice-président de la région, chargé notamment du climat et des transformations écologiques et sociales des politiques publiques. L’objectif : retranscrire ces solutions bas carbone dans l’action territoriale de la région.

L’alimentation d’un habitant émet par an 2,5 tonnes eqCO2, dont plus de la moitié pour la viande, le poisson et les produits laitiers. ©Mathieu Génon / Reporterre

Dans l’atelier Logement, Isabelle pense qu’à 18 °C chez elle devant son ordinateur, elle mourra de froid. Mais chaque degré de chauffage en moins pour arriver à cette température permet d’économiser 7 à 10 % de consommation énergétique. Dubitative, elle propose de mieux répartir les journées de télétravail, de fermer certains espaces et partager son bureau pour réduire la surface à chauffer. Dans les ateliers Alimentation, Transports, Consommation ou Services publics, les idées fusent aussi : réparer les équipements plutôt que les changer, mettre en place des abonnements au TER et éviter les déplacements inutiles, développer l’offre végétarienne à la cantine.

« Passer à une vie bas carbone n’est plus une option », prévient Claire Véret. Selon la trajectoire actuelle de la France (+3,8 °C à l’horizon 2100), l’est de la France pourra enregistrer des températures maximales de 55 °C. À ce niveau de réchauffement, « au niveau mondial, si les gens ne migrent pas, les trois quarts de la population humaine devraient connaître plus de vingt jours par an de condition létale, soit le moment où le corps humain ne peut plus survivre à cause de la chaleur et de l’humidité », a expliqué en 2019 Gaël Giraud, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Une situation à mettre en regard d’un espace partagé à 18 °C.

Une centaine d’agents de la fonction publique du Centre-Val de Loire ont assisté à l’atelier. ©Mathieu Génon / Reporterre

Incarner la vie bas carbone

« Mon empreinte carbone est d’environ de 2,6 tonnes d’équivalent CO2 [par an], raconte Claire Véret. Pour y arriver, j’ai mis dix ans. » Et nous avons collectivement jusqu’à 2045 pour y parvenir. Claire Véret habite dans un village de 700 habitants. Elle roule moins de 2 000 km/an et ne prend pas l’avion. Elle a opéré des choix de vie pour pouvoir vivre plus sobrement, explique-t-elle. Réfléchir à ses loisirs, manger peu de viande. « Une fois par mois environ. »

À la fin de la journée, les actions à mettre en place sont nombreuses. ©Mathieu Génon / Reporterre

Avec son conjoint, elle a rénové l’ensemble de sa maison avec des matériaux écologiques : isolation paille par l’extérieur, fenêtres en double ou triple vitrage, chaudière à bois, panneaux solaires et eau chaude solaire thermique complètent l’attirail de leur maison bioclimatique. L’animatrice use aussi des nombreuses cartes dites « illimitées » en matière de carbone : cultiver son potager (bio), passer du temps avec ceux qu’on aime, jouer de la musique, faire du sport, lire, partager un repas avec des amis, rire, chanter… Une vie et un métier bas carbone peuvent être riches et joyeux.


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