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ReportageSocial

À Paris, un même cortège pour l’environnement et les salaires

Dans le cortège parisien, le 27 janvier 2022.

La grève interprofessionnelle du 27 janvier a entraîné 170 rassemblements en France, réunissant des travailleurs de nombreux milieux. Parmi eux, des secteurs où les enjeux de sauvegarde de l’emploi et de pouvoir d’achat sont étroitement liés à la transition écologique. 

Paris (Île-de-France), reportage

La question des salaires, prioritaire lors de la journée de grève interprofessionnelle du 27 janvier, aura fait se côtoyer des milieux radicalement différents. Le cortège parisien en témoigne : les cheminots ouvrent le bal, des enseignants dansent en maillots de bain pour moquer le séjour de Jean-Michel Blanquer à Ibiza, des salariés du nettoyage ou encore des travailleurs sans-papiers de La Poste se font entendre. Au milieu de cette ébullition, les salariés de l’énergie et de la métallurgie ont la part belle. 

L’air concentré derrière ses lunettes, Stéphane Avonture, secrétaire adjoint de la CGT chez Engie Thermique France, échange ses coordonnées avec d’autres manifestants. Pour lui, cette journée mobilise autour d’un « triptyque : la défense des salaires, la défense des usagers, et la défense du service public de l’énergie ». De quoi porter haut une réflexion sur un modèle économique incluant conditions de travail dignes, justice sociale et transition énergétique. 

Le cortège place de la Bastille à Paris, jeudi 27 janvier. © Maïa Courtois / Reporterre

« La seule réflexion à avoir, c’est l’indépendance énergétique de la France. Quand on sera autonomes, avec des moyens de production décarbonés, on aura rempli les objectifs de la transition écologique », insiste le responsable syndical. « Et cela fera baisser les factures des Français », ajoute-t-il, en écho au mouvement de grève qui agite EDF sur le prix de l’énergie. « Tant qu’on ne fait pas ça, nous resterons prisonniers du marché européen et de la Bourse. » 

L’enjeu d’une production énergétique régulée sur le plan de la concurrence comme du respect de l’environnement croise celui de la sauvegarde de l’emploi. Le gouvernement Macron a lancé un plan hydrogène, tandis que les annonces sur un investissement massif dans la transition énergétique de l’industrie s’accumulent ces derniers mois. Mais sur le terrain, ces orientations se font parfois au détriment des travailleurs de ces secteurs. 

« Sous couvert d’écologie, ils en profitent pour délocaliser »

« Sous couvert d’écologie, ils en profitent pour délocaliser notre branche thermique et hybride, vers des pays comme l’Espagne ou la Roumanie où le coût de la masse salariale est moindre », expose Mickaël Lhuillery, ingénieur exerçant au centre Renault de Lardy (Essonne). Alors que ce site spécialisé dans la recherche et les essais comptait jusqu’à il y a peu 2 500 salariés, il n’en compte plus que 1 800. Avec les délocalisations à venir, « on craint que les effectifs soient encore divisés de moitié, en deux ou trois ans », poursuit celui qui est aussi membre du CSE, syndiqué CGT. Le prétexte de la direction du groupe ? Se concentrer sur l’objectif, affiché par Renault, du 100 % électrique à l’horizon 2030. « Derrière, il y a de la casse sociale et de la perte de compétences », fustige Mickaël Lhuillery. 

Il ne faut pas parler longtemps avec les grévistes pour que ceux-ci articulent la défense de leur emploi et de leurs conditions de travail avec des ambitions écologiques. Sarah, inspectrice du permis de conduire, syndiquée à SNICA-FO, tient une banderole avec une collègue pour défendre son pouvoir d’achat. Le visage engoncé dans son écharpe, elle raconte comment la hausse du prix du carburant pénalise son métier : « Depuis septembre, les hausses ont été trop importantes. » Nombre de ses collègues, surtout ceux qui exercent en Île-de-France, avalent les kilomètres au quotidien. Sarah, elle, doit faire 70 kilomètres par jour pour rallier l’Essonne, depuis le Loiret où elle habite. « J’ai 550 euros de budget carburant par mois. » Elle aimerait que « le gouvernement entende » ces difficultés.

Des manifestants à vélo aux inspectrices du permis de conduire, la manifestation a regroupé une grande variété de professions. © Maïa Courtois / Reporterre

Elle sait que le problème réside dans un modèle, basé sur les énergies fossiles, à bout de souffle. Pour y répondre, « il faut développer des technologies afin de remplacer l’économie du pétrole par une économie verte », soutient-elle. « Mais pour ça, il faut investir dans la recherche, et industrialiser intelligemment le pays. » Autrement dit : sans perdre le savoir-faire ni délocaliser l’innovation de long terme ailleurs. « On a besoin d’une volonté politique pour développer des alternatives intelligentes sur notre territoire, en donnant du travail. » Pour elle, la grève du jour démontre bien que « l’écologie et les luttes sociales se rejoignent. Montrons l’exemple ! »

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