À Sète, un parking souterrain va éventrer une place historique

Mobilisation du collectif Bancs publics sur la place Aristide Briand à Sète, le 26 février 2022. - Facebook/Collectif Bancs publics
Mobilisation du collectif Bancs publics sur la place Aristide Briand à Sète, le 26 février 2022. - Facebook/Collectif Bancs publics
Durée de lecture : 4 minutes
Grands projets inutilesLa municipalité de Sète, dans l’Hérault, veut raser une place historique pour y construire un grand parking. Coût, terre détruite, arbres déracinés : un collectif local alerte sur les dégâts irréversibles, et tente de stopper le projet.
Sète (Hérault), correspondance
Chaque samedi, à Sète (Hérault), le collectif Bancs publics se réunit autour du kiosque de la place Aristide Briand, l’une des plus remarquables de la ville. Il distribue des tracts aux passants en alertant sur le projet prévu par la municipalité : la construction d’un parking souterrain de 300 places. C’est en l’apprenant par voie de presse que ces riverains ont voulu en savoir davantage et ont monté ce collectif, au nom qui rappelle les paroles de Brassens.
Le parc de jeux, le manège, la fontaine, le snack et le kiosque datant de 1892 devront laisser place à un trou géant pour les travaux. Au total, le projet estimé à environ 13 millions d’euros fera extraire du sol 30 000 m3 de terre. Cinquante tilleuls seront déracinés pour être, normalement, plantés ailleurs. À terme, plusieurs centaines de voitures emprunteront les rues exiguës de la ville pour se garer dans ce nouveau parking. Sur le papier, l’objectif est de libérer l’espace dans la ville et « redynamiser les commerces », réserver 150 places aux habitants du quartier, mais surtout « accueillir le public de la nouvelle salle polyvalente Georges Brassens », selon les mots du service communication de la mairie, présidée par François Commeinhes (divers droite). Sur le terrain, le projet semble pourtant au point mort. Et pour cause.
« On les a empêchés physiquement de commencer les travaux, dit à Reporterre Christophe Aucagne, trésorier de Bancs publics. Enedis et les autres entreprises allaient commencer à creuser, mais on les a fait partir, car on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de permis de construire. C’est une habitude, ils commencent les travaux sans permis et l’obtiennent ensuite. »
Places chères, eaux souterraines...
Cette idée de parking aurait émergé dans la tête des élus lors d’un séjour en 2018 dans la ville de Pontevedra, en Espagne, où les maires de Sète Agglopôle Méditerranée — la communauté d’agglomération du bassin de Thau — avaient visité une ville piétonne exempte de voitures. Mais pour le collectif, prendre cette ville comme modèle « est tout simplement honteux, aucune voiture ne peut entrer [dans le centre-ville de Pontevedra] », tous les parkings ayant été construits « en dehors du centre », ce qui n’est pas le cas à Sète. Par ailleurs, le collectif affirme que dans la ville espagnole « les parkings sont entièrement gratuits », contrairement à Sète.
« Il suffit de voir le nouveau parking [sétois] Victor Hugo : l’abonnement [mensuel] est à plus de 100 euros, et sur le contrat il est clairement écrit que même avec cet abonnement, on n’est pas sûr d’avoir de place, dit Christophe Aucagne. Par ailleurs, ce parking est constamment envahi d’eau, comme le sera celui en projet [des eaux souterraines provenant du mont Saint-Clair passent sous la place, d’après le collectif] ».
En réalité, ce projet de parking souterrain est ancien et trottait déjà dans la tête de l’ancien maire Yves Marchand (élu de 1983 à 1996). « Dès 1983, j’avais envisagé la possibilité de réaliser un parking sous la place Aristide Briand, a-t-il expliqué au journal en ligne Le Singulier. La première solution qui venait à l’esprit à ce moment-là, c’était sous la place Aristide Briand, parce qu’il y a une grande surface et on imaginait assez facilement creuser dessous. [Mais] cette place est bloquée au milieu de rues piétonnes et de rues extrêmement étroites, ce qui ne facilite pas la fluidité de la circulation. » Près de quarante ans plus tard, le problème demeure. Et pour cause, « les premiers plans ne prévoyaient même pas de sortie », s’insurge le trésorier du collectif.
Travaux reportés
À la mairie, l’équipe campe sur ses positions et affirme que les habitants étaient prévenus. « Ça fait partie du programme Cœur de Ville, voté au conseil municipal à l’unanimité en 2018 pour lequel il y a eu six réunions publiques, et inclus dans notre programme pour lequel nous avons été élus », affirmait Vincent Sabatier, adjoint au maire au pôle « ville apaisée », lors du conseil municipal du 13 décembre 2021.
Las, Bancs publics et dix riverains avaient déposé quelques jours plus tard un recours en référé devant le tribunal administratif de Montpellier, demandant la suspension de tous les travaux en l’absence d’une autorisation d’urbanisme. Début mars, cette requête a été rejetée par le même tribunal. C’est paradoxalement une victoire pour le collectif, car durant ces trois mois de suspension, leur mouvement s’est largement étoffé. Leur pétition papier et en ligne cumule aujourd’hui 15 000 signatures et plusieurs personnalités ont décidé de parrainer un arbre, comme Yann Arthus-Bertrand, le botaniste Francis Hallé, Bruno Solo ou encore l’ancien maire Yves Marchand.
La municipalité de Sète, qui doit donc revoir sa copie, a d’ores et déjà annoncé un report des travaux à l’automne prochain, le temps d’obtenir les permis de construire.