Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

GCO

À Strasbourg, la justice donne raison aux opposants alors que l’autoroute est quasi finie

Rassemblement le 20 juillet, place Broglie, au centre-ville de Strasbourg.

Le 20 juillet, presque trois ans après le dépôt des recours contre le GCO, le projet d’autoroute de contournement de Strasbourg, le tribunal administratif a donné raison à l’association Alsace Nature. Mais le chantier étant presque terminé, il n’est pas suspendu.

Strasbourg (Bas-Rhin), reportage

Les opposants au « grand contournement ouest » (GCO) ne l’attendaient plus : le 20 juillet, le tribunal administratif de Strasbourg a enfin rendu public son jugement concernant ce tronçon d’autoroute de vingt-quatre kilomètres, donnant majoritairement raison aux plaignants. Pour l’occasion, ils étaient une petite centaine place Broglie, au centre-ville de la capitale alsacienne. Maître Zind, l’avocat d’Alsace Nature — l’association écologiste qui a porté les actions en justice — s’est réjoui : « Nous avons gagné cinq recours sur les six que nous avions déposés. » « Mais ils ont presque trois ans de retard », a regretté Dany Karcher, maire de Kolbsheim, la ville de mille habitants où se trouvait la Zad contre le projet.

Les recours ont été déposés en septembre 2018, au début du chantier titanesque. Ils étaient dirigés contre les arrêtés préfectoraux autorisant les travaux. Selon Alsace Nature, ces derniers ne sont pas légaux. En théorie, le tribunal administratif donnant raison aux écologistes, il devait suspendre les arrêtés d’autorisation, et donc le chantier. Problème : le GCO est aujourd’hui construit à 90 %. D’après le jugement, « les travaux très avancés » ne permettent pas la suspension du chantier. « Si la décision était tombée plus tôt, cela aurait pu conduire à une annulation des arrêtés. Mais Vinci n’a pas eu besoin d’attendre le verdict du tribunal pour commencer les travaux. C’était tout à fait envisageable pourtant », a indiqué Me Zind. Devant l’assemblée, attentive, l’avocat a détaillé les conclusions des magistrats :

« Pour résumer, ils nous donnent raison en reconnaissant des insuffisances concernant les études d’impact sur la qualité de l’air, la santé humaine, les espèces protégées, les sols et les sous-sols. Et il n’y a pas assez de connaissances sur les évolutions du trafic routier. Seul notre recours sur les travaux préparatoires n’a rien donné. »

Certains militants luttent depuis vingt ans contre le projet. © Thibault Vetter/Reporterre

Le tribunal administratif donne maintenant dix mois à l’État pour rédiger de nouveaux arrêtés et régulariser la situation. Dans ce laps de temps, toutes les études manquantes doivent être réalisées, et une enquête publique sur les points concernés par les insuffisances doit être réorganisée. Les juges rendront ensuite leur décision finale. L’exploitation du GCO était prévue pour janvier 2022, mais aucune voiture n’y circulera avant mai 2022 minimum : il faudra pour cela que la justice donne une décision favorable. À moins que l’État ne tente de faire appel devant la cour administrative de Nancy dans un délai de deux mois. Une démarche risquée parce qu’elle « pourrait aussi aboutir sur une prolongation du processus », selon Me Zind.

Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet.

« On aura au moins retardé le projet »

Casquette « GCO non merci » sur la tête, Luc Hubert, ancien maire de Pfettisheim, village voisin du GCO, a rappelé les griefs des écologistes :

« En plus d’avoir détruit des forêts centenaires, cette autoroute aura de graves conséquences à long terme. Sa fonction première est d’être un couloir à camions. Elle risque de provoquer l’afflux de dizaines de milliers de poids lourds supplémentaires en Alsace, où l’air est déjà très pollué. Nous interpellons les élus pour obtenir une écotaxe, et limiter ainsi l’afflux de camions, et donc les effets néfastes du GCO. »

« C’est une victoire en demi-teinte », selon Michel Dupont. © Thibault Vetter/Reporterre

Applaudissements des militants. « Beaucoup d’entre vous luttent contre ce projet absurde depuis plus de vingt ans », a souligné Michel Dupont, ému. Il a lui-même fait une grève de la faim à l’automne 2018 pour tenter de stopper le chantier. « C’est une victoire en demi-teinte, mais une victoire quand même, on aura bien retardé l’échéance. Au départ, le GCO devait être mis en service en 2017 », a-t-il glissé. À quelques mètres, une autre écologiste a ajouté : « Cette annonce redonne un peu de baume au cœur, mais je ressens aussi de la rage qu’elle ne soit pas advenue plus tôt ! »

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende