Castex inaugure le contournement de Strasbourg et fait l’apologie de la route

Les opposants au GCO ont manifesté le matin de la cérémonie. - © Thibault Vetter/Reporterre
Les opposants au GCO ont manifesté le matin de la cérémonie. - © Thibault Vetter/Reporterre
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GCO Politique Grands projets inutiles Transports AutoroutesLe Premier ministre a inauguré le Grand contournement ouest de Strasbourg le 11 décembre, malgré le boycott des élus écologistes et la manifestation des opposants. L’autoroute sera finalement mise en service après des années de luttes et de recours judiciaires.
Ittenheim (Bas-Rhin), reportage
« Félicitation à celles et ceux qui ont contribué à cette formidable aventure », se réjouit le Premier ministre, Jean Castex. Il prend la parole à Ittenheim, ce 11 décembre, pour inaugurer le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Des voitures pourront circuler sur cette autoroute, qui sera la deuxième plus chère de France, à partir du 17 décembre. Sa mise en service avait été suspendue par le tribunal administratif de Strasbourg cet été, puis réautorisée par la cour d’appel de Nancy en novembre. « Quelle indécence ! » réagit Bruno Dalpra, membre du collectif GCO non merci : « On lutte activement depuis 20 ans contre cette aberration. C’est un massacre écologique. Ils ont rasé plus de 30 hectares de forêts centenaires et de zones humides. C’est choquant de voir le Premier ministre se déplacer pour ça. »
L’autoroute construite par Vinci suscite une forte opposition depuis 40 ans dans la région. Mais ce matin-là, le Premier ministre livre un véritable plaidoyer pour le GCO, et pour le développement routier en général. Sans broncher, il déclare que l’infrastructure permettra « une amélioration très nette de la qualité de l’air » à Strasbourg, en éloignant une partie de la circulation du centre de la ville. Cet argument, basé sur aucune étude scientifique, est régulièrement utilisé par les défenseurs du projet. Mais d’après Atmo Grand Est, le GCO n’aura aucun impact sur la qualité de l’air dans l’agglomération.
Une cérémonie boycottée par la maire de Strasbourg
Jean Castex insiste surtout sur l’amélioration de la circulation que doit susciter le nouvel axe. Cette affirmation est aussi démentie par les écologistes : « Les bouchons strasbourgeois sont un vrai problème, le GCO n’est pas la solution », explique Bruno Dalpra. Le collectif GCO non merci a édité un manuel intitulé « 10 solutions pour faire sauter les bouchons ». Pour les écologistes, le développement des mobilités douces et le recul de l’utilisation de la voiture individuelle sont la priorité. « Le GCO n’est pas conçu pour les dizaines de milliers de personnes qui conduisent vers Strasbourg le matin pour aller travailler, et qui sont dans les embouteillages. Il ne donnera pas accès à la ville, ce n’est pas un périphérique, c’est un contournement », relève Bruno Dalpra.
Jeanne Barseghian, maire écologiste de Strasbourg, boycotte la cérémonie, comme tous les élus de sa majorité. Contactée par Reporterre, elle réaffirme son opposition au GCO : « Mon avis n’a pas changé. Je me suis battue contre ce grand projet inutile. C’est une catastrophe écologique, un projet d’un autre temps. »

Dans la salle, Pierre Coppey, vice-président de Vinci, assure que le GCO est d’utilité publique : « Aucun argument ne peut résister à cette évidence », prétend-il. Et Jean Castex de marteler à plusieurs reprises que le processus démocratique a été respecté. Justement, GCO non merci s’offusque régulièrement de l’inutilité des concertations et études qui ont eu lieu avant le début du chantier : huit instances, comme l’Autorité environnementale et l’Agence française de la biodiversité, ont donné des avis défavorables à l’autoroute. Après une séance tenue le 23 novembre, le Conseil national de la protection de la nature a une nouvelle fois rendu un jugement négatif, estimant que les mesures de protection de la nature de Vinci sont peu crédibles. Reporterre avait également démontré, dans une enquête publiée en mai dernier, l’arnaque des mesures compensatoires du GCO.
Cela n’a pas empêché Jean Castex de saluer les « bénéfices écologiques » et « la protection des espèces menacées », mises en œuvre, selon lui, par le constructeur. Dans l’assemblée qui écoute le discours, quelques élus locaux sont présents. Jean-Luc Heimburger, le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), est là aussi. Alors que le GCO était quasiment abandonné au début du quinquennat de François Hollande, la CCI, lobby de l’industrie et du BTP alsacien, a fait pression sur les élus locaux. C’est ça qui a relancé le projet. De grosses entreprises locales ont touché des millions d’euros en sous-traitant pour Vinci.

Le Premier ministre estime enfin qu’il est de son devoir de continuer à développer le réseau routier : « La majorité des déplacements se font en voiture. Comme la part des véhicules électriques et hybrides augmente, les routes ne sont plus des ennemies du développement durable et de l’écologie. » Reporterre montrait en septembre dernier que la voiture électrique n’est pas une solution écologique. Mais Jean Castex, ovationné par l’assemblée, défend la voiture avec ferveur : « Ce n’est pas normal que les démarches pour construire les infrastructures durent parfois plusieurs dizaines d’années. Il faut les simplifier. C’est ce que nous avons commencé à faire avec la loi du 7 décembre 2020, qui accélère la procédure devant l’autorité environnementale. »
À quelques centaines de mètres de la cérémonie, dans un champ, une contre-manifestation défend une autre vision du monde. Elle rassemble environ 60 opposants. Quelques-uns d’entre eux se sont positionnés à côté d’une voie d’accès à la cérémonie d’inauguration, pour interpeller les participants. Même si la route sera mise en service le 17 décembre, le collectif GCO non merci continuera à lutter contre Vinci et son monde, comme le détaille Bruno Dalpra : « Impossible de ne pas être présents aujourd’hui, de ne pas faire entendre notre voix. Nous avons développé une expertise concernant le transport, et nous comptons bien faire pression à l’avenir sur les élus locaux, pour favoriser le transport de marchandises ferroviaire. »