Arrêter les émissions de gaz à effet de serre ne suffirait pas à stopper le changement climatique

Même si les émissions de gaz à effet étaient drastiquement diminuées, les températures mondiales continueraient d’augmenter pendant des siècles, selon une simulation du climat mondial entre 1850 et 2500. C’est le résultat d’une étude publiée jeudi 12 novembre dans la revue Scientific Reports.
Les scientifiques Jorgen Randers, de la BI Norwegian Business School, et Ulrich Goluke ont modélisé l’effet de différentes réductions des émissions sur les changements du climat mondial entre 1850 et 2500 et ont effectué des projections de l’augmentation de la température et du niveau de la mer au niveau mondial.
Cette modélisation conduit à penser que :
- Dans un monde où les émissions anthropiques de gaz à effet de serre culmineraient dans les années 2030 et diminuaient jusqu’à atteindre zéro d’ici 2100, les températures mondiales seraient tout de même plus élevées de 3 °C et le niveau de la mer plus haut de 3 mètres d’ici 2500, par rapport à 1850.
- Dans un monde où toutes les émissions anthropiques de gaz à effet de serre seraient réduites à zéro dès l’année 2020, les auteurs estiment que les températures mondiales seraient tout de même plus élevées d’environ 3 °C et le niveau des mers augmenterait d’environ 2,5 mètres d’ici 2500, par rapport à 1850.
Comment expliquer une telle inertie du système terrestre ? Les auteurs estiment que les températures mondiales pourraient continuer d’augmenter en raison de la fonte de la glace arctique et du pergélisol, phénomènes déjà sérieusement enclenchés par les niveaux de réchauffement actuels de l’atmosphère. Or, la fonte de la glace et du pergélisol arctiques a pour effet d’augmenter la concentration de vapeur d’eau, de méthane et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, et réduit également la zone de surface blanche qui réfléchit la chaleur et la lumière du soleil.
Une étude très contestée
Cette étude a cependant suscité de fortes réactions d’autres climatologues.
Le climatologue Michael Mann, de l’université d’Etat de Pennsylvanie, a exprimé « un extrême scepticisme ». Il conteste le modèle utilisé dans l’étude : « C’est un modèle de très faible complexité », a-t-il expliqué à USA Today. « Il ne représente pas de manière réaliste les modèles de circulation atmosphérique à grande échelle, comme la circulation océanique. Bien que de tels modèles puissent être utiles pour des déductions conceptuelles, leurs prévisions doivent être prises avec beaucoup de scepticisme. Les modèles climatiques beaucoup plus réalistes qui résolvent effectivement la dynamique à grande échelle du cycle de l’océan, de l’atmosphère et du carbone, ne produisent PAS les changements spectaculaires que ces auteurs préconisent sur la base de leur modèle très simplifié. »
Zeke Hausfather a lui aussi contesté l’étude. Il observe que « si nous maintenions les concentrations atmosphériques de CO2 constantes, le monde se réchaufferait en effet d’environ 0,5°C supplémentaire. Mais si les émissions deviennent nulles, la baisse des niveaux de CO2 atmosphérique contrecarrera un réchauffement supplémentaire, car l’océan s’équilibrera avec l’atmosphère. »
Source : Reporterre avec Scientific Reports
Photo : Pixabay (CC0)