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Monde

Chili : le rail, locomotive de la nouvelle politique écolo

Capture d'écran de la retransmission du « compte-rendu » de Gabriel Boric.

Gabriel Boric, le jeune président du Chili, a créé la surprise en annonçant le retour d’un réseau de train étendu, privatisé et démantelé sous Pinochet.

Valparaíso (Chili), correspondance

C’est une tradition présidentielle chilienne à laquelle Gabriel Boric s’est plié le 1er juin : le « compte-rendu public ». Tous les ans, le président doit présenter publiquement son bilan et son programme pour l’année à venir aux parlementaires, puis à ses compatriotes sur la chaîne de télévision nationale.

L’ancien leader étudiant devenu président le 11 mars a débuté son discours de plus de deux heures en soulignant les inégalités : « L’un des principaux nœuds de notre histoire républicaine a été la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns et une société dans laquelle le lieu de naissance détermine les possibilités de développement des individus. » Puis, il a proposé une feuille de route comprenant 102 mesures pour garantir les droits sociaux tant attendus depuis la révolte sociale qui avait bouleversé le pays en octobre 2019. « Le temps est venu de construire un véritable système de sécurité sociale », a-t-il lancé. Pour mettre fin aux pensions de retraite par capitalisation privée, il a annoncé que « chaque habitant, âgé de 65 ans et plus, aura droit à une pension de base garantie par l’État d’au moins 250 000 pesos (285 euros) ». Il a également annoncé la création d’« un Fonds de santé universel » car « les soins de santé ne peuvent pas continuer à être un business et à discriminer entre les riches et les pauvres ». Il a aussi réaffirmé qu’« au Chili, les temps de repos et de loisirs sont insuffisants » et qu’il allait « réduire la semaine de travail à 40 heures ».

Sur le plan écologique, il a créé la surprise avec une mesure qui « incarne le désir historique et transversal de millions de personnes : disposer d’un réseau ferroviaire étendu pour le Chili ». Pour connecter ce pays austral qui s’étend sur 4 500 kilomètres du nord au sud et ne dispose que de quelques centaines de kilomètres de lignes ferroviaires, le gouvernement veut construire de nouveaux axes de circulation, et « passer de 50 millions de voyages par an en 2019 à 150 millions en 2026 ». Se déplacer au Chili passe principalement par la route et par l’avion. En 2019, avant la pandémie, le transport de passagers par les airs dans le pays avait augmenté de 11,3 % par rapport à 2018. « Le Chili mérite de retrouver sa tradition ferroviaire ! », a-t-il conclu. Avant la dictature d’Augusto Pinochet qui a privatisé et démantelé le train au profit des entreprises de camions, le réseau ferroviaire connectait le nord désertique au sud patagonique.

« Une réforme fiscale pour mieux capter les revenus miniers »

Dans le secteur minier — aux mains d’entreprises privées à hauteur de 72 % — Gabriel Boric a confirmé la création d’une entreprise nationale du lithium et une « réforme fiscale qui permette de mieux capter les revenus miniers que nous ne pouvons pas continuer à perdre ». Il a ajouté que « l’industrie ne peut pas être une source de profit au détriment des consommateurs ». Président du deuxième pays producteur de lithium mais aussi du premier producteur de cuivre au monde, M. Boric a souligné la nécessité d’une mine « qui améliore ses standards socio-environnementaux » et a annoncé un objectif pour Codelco – l’entreprise de cuivre d’État — de « réduction de 64 % d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2026 ». Dans son programme pour une nouvelle matrice énergétique, Gabriel Boric a aussi présenté l’ « hydrogène vert » comme « une alternative réelle pour la transition énergétique dans le monde, et au Chili ».

Il a également proposé « une nouvelle gouvernance de l’eau », en cohérence avec les normes adoptées par la Convention constitutionnelle qui doit remettre la nouvelle Constitution au président le 5 juillet prochain. La Constitution de 1980, adoptée pendant la dictature de Pinochet et toujours en vigueur, avait privatisé les sources d’eau douce. Les principaux propriétaires actuels : les entreprises de l’agro-industrie et de la mine.

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