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Quotidien

Cinq conseils pour trouver le bon livre de cuisine

Cuisiner des repas bons pour la santé et pour la planète tout en étant faciles à préparer n’est pas simple. Reporterre s’est plongé dans les rayons spécialisés pour dénicher les ouvrages idoines. Recettes et leçons assaisonnées d’un goût durable en pratique et en bouche !

Ils sont beaux, colorés, pleins de belles promesses de gourmandises et de moments conviviaux. Dans le marché plutôt stagnant de l’édition, les livres de cuisine s’en sortent bien. En 2020, ils ont même été « le domaine roi de l’année […] avec une croissance de + 15,8 % des ventes en valeur », note le Syndicat national de l’édition.

Mais ils s’accumulent sur nos étagères. Il y a le spécialisé — lasagnes, burgers, verrines. Celui qui dévoile les secrets du dernier chef à la mode, l’autre qui nous promet des repas sains, bons et préparés en cinq minutes. La plupart finissent recouverts d’une fine couche de gras poussiéreux. Seuls quelques-uns trouvent leur place sur notre plan de travail. Ils servent tant pour nos petits repas du quotidien que pour nos festins entre copains. Mais comment, dans la profusion, reconnaître ces basiques qui nous accompagneront dans la durée ? Pour vous aider à choisir et afin que les ouvrages qui seront sous le sapin ne finissent pas au placard, Reporterre a interrogé des professionnels, et extrait cinq conseils.

1 — Quel cuisinier êtes-vous ?

Tous les jours, Deborah Dupont-Daguet, fondatrice de la Librairie Gourmande à Paris, tente de trouver le bon livre pour chaque client. « Ils nous demandent souvent quel est le meilleur livre, raconte-t-elle. Mais cela dépend ! » De nombreux ouvrages se proposent de regrouper une large palette de recettes, depuis les bases jusqu’aux classiques plus élaborés. Un peu d’introspection est donc nécessaire : quel cuisinier êtes-vous ? Improvisateur ou rigoureux ? Avez-vous besoin de grands principes ou de recettes très précises ? Un point est important : savoir si vous avez appris les bases de la cuisine en famille. « Pour ceux qui ont eu un minimum de transmission culinaire, le fait d’avoir des recettes bien expliquées suffira. Pour quelqu’un de réellement débutant, qui n’a jamais vu faire, il faudra un support photo, des explications de vocabulaire, des gestes techniques », précise Deborah Dupont-Daguet.

Pas obligé, non plus, de chercher à tout prix l’ouvrage le plus complet possible. « Comme il est impossible d’être exhaustif, je préfère un livre qui fait des choix. Avoir trois idées de tartes, ça me suffit », explique Anne Zunino, fondatrice de la petite maison d’édition Nouriturfu.

Les compilations des recettes de référence :

  • Larousse de la cuisine facile, collectif, Larousse, 2009, 27,95 €.
  • Je sais cuisiner, Ginette Mathiot, Albin Michel, 1932, 16,90 € (Régulièrement réédité. Cuisine très voire trop traditionnelle pour certains de nos interlocuteurs !).

Avec des explications plus détaillées :

  • Comment faire la cuisine, Olivier Nasti, Menu Fretin, 2013, 19,90 €.
  • Cuisine de référence, Michel Maincent-Morel, éditions BPI, 2021, 39 €.

2 — Choisir un livre accessible et… de qualité !

Cela paraît évident, et pourtant. « Certains ouvrages, en particulier ceux des grands chefs, visent plus à être feuilletés que mis en pratique, remarque Anne Zunino. Les recettes sont infaisables, les temps de cuisson compliqués, on n’a pas les ustensiles… Ce que je recherche, c’est l’accessibilité. Des recettes compréhensibles, pas longues comme le bras ».

Elle invite aussi à se méfier des ouvrages mal édités : « Les recettes doivent être testées et relues. » Cela n’est pas toujours le cas. Même chez certains grands succès de librairie, elle remarque « des étapes manquantes dans les recettes, des incohérences sur les quantités, des ingrédients qui n’apparaissent pas dans la liste mais sont dans la recette. » Même un auteur consciencieux a besoin d’un vrai travail de relecture ensuite.

Les livres testés et retestés par nos interlocuteurs :

  • Toute la cuisine, Guy Martin, Seuil, 2004 (disponible en occasion).
  • Le bonheur est dans le plat, Trish Deseine, Marabout, 2002, 15,90 €.
  • L’Italie de Jamie, Jamie Oliver, Hachette, 2009 ou Version Originale, 2006 (disponibles en occasion).
  • L’art de la cuisine simple, Alice Waters, Actes Sud, 2018, 32 €.

3 — Un livre qui va « durer dans le temps »

Fini les vieux classiques, les plats en sauce à base de viande, les cuissons très longues et les repas entrée-plat-dessert. Les ouvrages qui promeuvent cette cuisine française bourgeoise « ne sont plus opérants pour la cuisine du quotidien », estime Xavier Hamon, directeur de l’université des sciences et pratiques gastronomiques. Tout ça, « c’est pour le repas du dimanche », estime-t-il. « Le temps nécessaire pour effectuer les recettes ne correspond plus au rythme de vie, de même que le rapport entre protéines animales et végétales. »

« Un ouvrage fondamental est censé durer dans le temps, poursuit Deborah Dupont-Daguet. Dès lors que la tendance est clairement à manger moins de viande, à avoir des produits plus diversifiés, et à ne plus passer deux heures en cuisine chaque jour pour préparer le dîner… il faut que les livres s’adaptent. »

La cuisine doit désormais être bonne pour la santé, la planète, et rapide à préparer. Un chef incarne cette tendance : le cuisinier israélien Yotam Ottolenghi. « Il propose une cuisine très méditerranéenne, moyen-orientale : c’est pile-poil dans ces critères », résume Xavier Hamon. « Le gros inconvénient, c’est qu’il est écrit par un Londonien, qui a accès à une diversité de produits exotiques. » Cela n’est pas rédhibitoire pour Deborah Dupont-Daguet, qui estime qu’il suffit d’avoir quelques-uns de ses ingrédients fétiches dans les placards : « Il propose une cuisine fraîche, joyeuse, colorée, et si on cuit un peu trop ce n’est pas grave. »

Aller vers une cuisine plus végétale, se familiariser avec les légumineuses (pois-chiches, lentilles et compagnie) demande aussi de nouvelles compétences. « Beaucoup de gens ont besoin d’être accompagnés », souligne Laurence Dessimoulie, cuisinière indépendante et « écoresponsable » : « Il faut connaître les fondamentaux pour avoir un équilibre des protéines, le tofu, les alternatives au blé, savoir faire cuire du millet… »

Pour cuisiner méditerranéen :

Pour cuisiner plus végétal :

  • Les savoirs-faire de la cuisine végétarienne, Clémence Catz, La Plage, 2013, 24,95 €.
  • Le traité du pois-chiche, Robert Bistolfi et Farouk Mardam-Bey, Actes Sud, 2019, 21,80 €.
  • Racines, du raifort au navet de Pardailhan, Laurence Salomon, La Plage, 2009 (disponible d’occasion).

4 — Remettre la cuisine dans son contexte

C’est le mantra de Xavier Hamon. « Une recette sort d’un processus : d’une culture, d’une histoire, d’un produit lié à un territoire et son évolution. On ne cuisine pas pareil à Lille ou à Marseille. » Il est absurde, selon lui, de tenter de réaliser une recette hors saison ou dans un lieu où les ingrédients ne sont pas disponibles. « Il faut relocaliser la cuisine, et donc avoir des livres de cuisine régionaux », insiste ce défenseur du mouvement Slow Food. La démarche n’est pas innocente, mais politique. « Ce n’est pas tant de savoir cuisiner qui est important que d’aller chercher les bons produits », ajoute Laurence Dessimoulie. « J’aime les livres qui parlent de qualité de l’alimentation, qui nous questionnent sur ce que l’on veut consommer et comment. »

Le contexte peut être territorial, historique, aussi : « Connaître un minimum d’histoire de la cuisine permet de comprendre pourquoi tel plat est apparu ou tel ingrédient ne se cuisine plus de telle manière », explique Deborah Dupont-Daguet.

Ou encore personnel : qui écrit, pourquoi ? « J’aime quand il n’y a pas qu’une compilation de recettes mais aussi des explications, des réflexions », indique Anne Zunino. « Il faut que l’auteur ait mis de son cœur. »

Des ouvrages riches en contexte :

  • La cuisine c’est beaucoup plus que des recettes, Alain Chapel, Robert Laffont, 2009, 16 €.
  • À la ligne : feuillets d’usine, Joseph Ponthus, La table ronde, 2019, 18 € (un roman sur les usines agro-alimentaires bretonnes).
  • Histoire de l’alimentation, Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Fayard, 1996, 42 €.

5 — Des livres qui nous rendent indépendants et créatifs

Et si un bon livre de cuisine devait avant tout nous apprendre à nous passer de lui ? « Une recette c’est une piste », estime Xavier Hamon. La connaissance des bons produits et de quelques techniques peuvent nous permettre ensuite de composer notre propre partition. C’est aussi ce qui peut permettre aux cuisiniers de s’adapter aux ingrédients disponibles, à la saison, aux restes dans le frigo… Bref, de « faire avec ».

C’est ce à quoi nous incite la cheffe Samin Nosrat, une star aux États-Unis. Son ouvrage, Sel gras acide chaleur (Du Chêne), est conseillé par Anne Zunino. « Elle montre que pour se détacher des recettes, avoir un instinct de cuisine, il faut maîtriser ces quatre éléments, dit-elle. À partir de là, on arrivera toujours à cuisiner quelque chose de savoureux au pied levé. Cela donne des clés pour inventer soi-même et s’amuser. » D’autres ouvrages dans le même esprit vont plutôt expliquer des principes scientifiques, ou vulgariser des connaissances techniques de base.

Et puis, il n’y a pas que livres dans la vie. Rien de tel que de « faire avec des gens qui savent », rappelle Laurence Dessimoulie. « Pour faire fonctionner nos sens. C’est comme avec les champignons, vous n’êtes jamais rassuré tant que vous n’avez pas cueilli avec quelqu’un qui sait. »

Pour développer votre instinct :

  • Sel gras acide chaleur, Samin Nosrat, Du Chêne, 2019, 35 €.
  • Traité de Miamologie, les fondamentaux de la cuisine décryptés par le pourquoi, Stéphan Lagorce, Thermostat 6/180 °C, 2015, 25 €.
  • Révélations gastronomiques, Hervé This, Belin, 1995, 23 €.

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