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Climat

Climat : les États s’éloignent toujours plus de leurs promesses

Les émissions de gaz à effet de serre divergent des engagements pris dans l’Accord de Paris : c’est l’alarme tirée par le rapport ’Emission Gap Report’ de l’ONU, publié ce mardi 26 novembre. Les scientifiques préconisent un infléchissement « radical » et « immédiat » de cette tendance pour éviter un réchauffement insupportable.

Les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) sont le moteur du changement climatique. Or, l’écart entre « là où nous en sommes et là où nous devrions nous situer » en la matière continue de grandir dangereusement. C’est le résultat du rapport Emission Gap Report (Rapport sur le fossé des émissions) du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), paru mardi 26 novembre. Ses auteurs estiment qu’il faudrait au minimum multiplier par cinq les efforts promis lors de l’Accord de Paris pour rester sous les 1,5 °C de réchauffement.

Le rapport du PNUE

Le rapport a été rédigé par une équipe internationale de scientifiques, « évaluant toutes les informations à leur disposition », dont les données publiées dans les trois derniers rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Dans un processus d’évaluation « transparent et participatif », 65 scientifiques et auteurs de trente institutions et de 26 pays se sont réunis pour établir cette dixième édition de l’Emission Gap Report, qui détermine l’écart entre les émissions mondiales de gaz à effet de serre et les objectifs fixés par les États. Ce rapport suit d’une semaine la publication du Production Gap Report, du même Pnue, qui montre que le monde est en passe de produire, en 2030, bien plus d’énergies fossiles que la quantité compatible avec l’Accord de Paris.

Résultat du Gap report, qui fête ses dix ans : plus les années passent et plus l’écart s’accroît. Les auteurs observent que les émissions de gaz à effet de serre ont grimpé de 1,5 % chaque année dans la dernière décennie.

« Il faut faire chuter les émissions de 7,6 % chaque année de 2020 à 2030 » 

Le rapport rappelle que chaque année d’inaction climatique met en péril la possibilité pour les États d’atteindre leurs objectifs pour 2030. « Si une action climatique sérieuse avait été menée dès 2010 — lorsque nous avons commencé à produire ces rapports et au moment où les premiers engagements pour 2020 étaient annoncés —, nous aurions eu besoin d’un changement beaucoup moins radical, dit à Reporterre Anne Olhoff, l’une des autrices principales, professeure à l’université technique du Danemark. Nous aurions eu besoin d’une baisse annuelle des émissions de moins de 1 % sur vingt ans, pour atteindre l’objectif de rester en dessous de + 2 °C en 2030. »

Alors que les manifestations du changement climatique se multiplient déjà à la surface du globe, les auteurs de l’Émission Gap Report précisent que, au rythme actuel d’émissions, les températures mondiales pourraient augmenter de 3,4 à 3,9 °C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. « Cela présage des conséquences climatiques vastes et destructrices », écrivent-ils.

« Chaque dixième de degré compte, explique Anne Olhoff. Les rapports spéciaux du Giec ont clairement montré que, entre 1,5 et 2 °C d’augmentation, l’ampleur des conséquences n’est pas la même. » La scientifique estime qu’il y a par ailleurs « toujours une incertitude concernant les “points de bascule”. Donc, bien sûr, si nous approchons 4 °C au lieu de 2 °C, le risque d’avoir les calottes glaciaires qui s’effondrent et la circulation de l’océan perturbée est bien plus élevé. »

Émissions de CO2 en gigatonnes par pays (valeur absolue à gauche, par habitant à droite).

Les scientifiques recommandent l’infléchissement « immédiat » de cette tendance à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. « Il faut faire chuter les émissions de 7,6 % chaque année de 2020 à 2030 » pour se placer sur une trajectoire en phase avec l’objectif de 1,5 °C, fixé lors de l’Accord de Paris.

Le défi est immense : en 2018, les émissions mondiales ont atteint 55,3 gigatonnes équivalentes de CO2. L’étude indique que les États du monde entier doivent émettre annuellement 15 gigatonnes de moins en 2030 pour atteindre l’objectif de 2 °C, et 32 gigatonnes de moins pour celui de 1,5 °C.

« L’année prochaine va être vraiment centrale » 

Pour cela, le rapport des Nations unies préconise des « transformations sociétales et économiques majeures dans la prochaine décennie pour combler l’inaction du passé », ce qui inclut une « décarbonisation rapide du secteur de l’énergie, du bâtiment et du transport ». Selon les auteurs, les pays du G20 — qui totalisent 78 % de toutes les émissions — « ne peuvent pas seulement réduire leurs émissions nationales en exportant la production de pollution carbone dans les pays émergents. L’empreinte carbone doit chuter, ce qui veut dire des changements dans les modes de vie. »

Les « ingrédient clés » pour infléchir la courbe ? Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, disent les auteurs. Ils estiment que cette transition nécessiterait un investissement mondial compris entre 1.450 et 3.450 milliards d’euros par an en moyenne entre 2020 et 2050 [1], en misant notamment sur l’électrification du chauffage et du transport, et la rénovation thermique des bâtiments.

Émissions de CO2 en gigatonnes. En ligne continue, les émissions du pays ; en ligne discontinues, les émissions liées à sa consommation (à gauche, le pays dans son entier, à droite, par habitant).

L’année 2020 est considérée comme une année charnière par Anne Olhoff, qui espère que les États rehausseront significativement leurs ambitions et leurs actions avant la COP26 de Glasgow, en Écosse. « L’année prochaine va être cruciale. Si les États ne jouent pas le jeu, nous ne pourrons pas combler le fossé entre les émissions de GES et les objectifs de leur réduction avant 2030 », estime Anne Olhoff.

Le rapport entrevoit une lueur d’espoir pour faire pression sur les gouvernements : la mobilisation citoyenne grandissante. « La mobilisation sociale et la compréhension des défis climatiques ont profondément changé en peu de temps, dit Anne Olhoff. Et ça tombe bien : nous devons faire plus et plus vite qu’il y a dix ans. Pour que les gouvernements initient des transitions, ils doivent avoir la population derrière eux. »

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