Création d’emplois, réparation, insertion : à Lyon, une belle expérience

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Envie Rhône est une entreprise emblématique de l’économie sociale et solidaire. Elle lutte contre l’exclusion socioprofessionnelle en donnant une seconde vie aux produits électroménagers destinés au rebut.
- Lyon (Rhône), correspondance
Lorsque l’on pénètre dans le magasin d’Envie [1], à Lyon, on trouve tous les types d’appareils domestiques : cuisinières, frigos, machines à laver, TV, ordinateurs… Ils sont d’occasion, ou neufs avec juste un défaut d’aspect, remis en état et garantis un an, à des prix avantageux. D’un point de vue citoyen solidaire et écolo, outre la possibilité de payer en gonettes, la monnaie locale, l’intéressant se passe aussi en amont, sur le site technique de Villeurbanne.
L’activité se déploie selon un processus bien rodé. Collecte des appareils défectueux ou abîmés, principalement chez les grandes surfaces de distribution. Déchargement des camions, manipulations, tri. Évaluation de ce qui peut être réparé sans trop de difficulté : pour cela, explique Florent Petelat, responsable production, « il faut les compétences très pointues de nos deux encadrants techniques, qui sont très bons ». Puis, selon les cas, réparation, remplacement des pièces manquantes, nettoyage, remballage, expédition au magasin où les appareils rénovés seront vendus à nouveau, livrés et installés chez les clients. Ou bien démontage des appareils pour récupérer tout ce qui alimente le « gisement de pièces détachées à réutiliser ». Le reste sera recyclé dans le respect de la réglementation, autre volet important de l’activité du groupement Envie Rhône-Alpes (Rhône et Loire).
Plus de 600 personnes de retour à l’emploi durable
Du côté du service après-vente, en plus de la garantie d’un an sur tous les produits vendus au magasin, Envie Rhône développe depuis 2015 une nouvelle offre. Elle consiste à proposer aux particuliers, pour des appareils en panne et hors garantie, un service de réparation sur devis, avec une nouvelle garantie d’un mois après la remise en état. Les tarifs sont là aussi très avantageux, le coût du devis (30 €) est déduit de la facture ultérieure. Les interventions se font en priorité avec les pièces d’occasion récupérées. Ce nouveau service remporte déjà un succès certain et devrait se développer, relançant le secteur en déshérence de la réparation.

« Aujourd’hui, il suffit de ne pas posséder le permis de conduire ou d’avoir connu une longue période de chômage suite à une maladie pour avoir du mal à trouver un emploi. Notre raison d’être, c’est d’aider à l’insertion de personnes éloignées de l’emploi par ces accidents de la vie », explique Djamila Ainas, actuellement chargée d’insertion. Envie Rhône fonctionne ainsi avec une vingtaine de personnes, de tous âges, surtout des hommes, en CDD d’insertion. Pendant 12 à 14 mois en moyenne, elles suivent un parcours leur permettant d’acquérir compétences techniques, méthodes de travail, « savoir-être », confiance en soi. Les divers métiers du groupe Envie Rhône-Alpes (opérateurs de production, agents de quai, manutentionnaires, caristes, chauffeurs, vendeurs, etc.) permettent aussi de développer leur polyvalence. Un accompagnement précis, sous la responsabilité directe des deux encadrants techniques, permet à 65 % d’entre elles d’intégrer un emploi ou une formation. Pour les autres, « l’évaluation des bénéfices est plus difficile, mais ils existent presque toujours. Les personnes repartent plus solides professionnellement qu’à leur arrivée », poursuit Djamila. Depuis sa création, Envie Rhône a permis à plus de 600 personnes un retour à l’emploi durable.
« Le Bon Coin permet donc de dynamiser nos ventes »
Depuis 2014, Envie Rhône vend aussi via le site internet Le Bon Coin. « En tant qu’association loi 1901, nous n’avons pas le droit de faire de la publicité. Le Bon Coin permet donc de dynamiser nos ventes. Cela peut aller jusqu’à 25 % de vente par ce canal sur certains types de produits », commente Matthieu Frieh, chargé de communication. C’est que, comme toutes les structures du réseau, Envie Rhône se doit d’être rentable, avec un autofinancement de 80 % et 20 % d’aides de l’État pour les postes en insertion. Son but n’étant pas de réaliser des bénéfices, les profits sont entièrement réinvestis pour développer la formation, l’insertion, améliorer les conditions de travail. « Pourquoi pas aussi passer à une flotte de camions électriques ? Mais pour un aussi gros investissement, il nous faudrait l’aide d’un partenaire », poursuit Matthieu.
Le réseau Envie est fier de figurer parmi les pionniers de « l’économie circulaire », de proposer à chacun-e une alternative au jetable et une occasion de faire acte de solidarité. Pour autant, il ne s’inscrit pas en rupture avec le système de production/consommation, dont on sait bien qu’il faudra sortir pour résoudre les problèmes à la racine. Mais d’ici la sortie, que fait-on ? Les réponses divergent. Celle d’Envie consiste, dans l’esprit de ses origines, à agir sans attendre et à miser, envers et contre tout, sur « des hommes de bonne volonté ».
ENVIE, À L’INTERFACE DE LA GESTION DES DÉCHETS ÉLECTRIQUES ET ÉLECTRONIQUES
La Fédération Envie naît à Strasbourg, en 1984, dans le sillage de la Communauté d’Emmaüs. Aujourd’hui, elle compte 50 structures sur tout le territoire et 2.500 salarié-es dont les trois quarts en contrats d’insertion. L’ensemble du réseau Envie traite un tiers des DEEE (déchets d’équipement électriques et électroniques) collectés en France et est leader sur la vente d’électroménager rénové. Envie Rhône naît en 1992 à l’initiative de plusieurs associations (Emmaüs Lyon, le Foyer Notre-Dame-des-Sans-Abris, Le Prado...) et industriels (Darty, Seb...).

En 2006, la législation européenne sur les DEEE entre en application et offre au réseau Envie l’occasion préparée de longue date de pouvoir exercer sa mission à une échelle bien plus importante. Les producteurs doivent assumer une « responsabilité élargie » envers l’environnement : prendre en charge les déchets produits par leur activité, avec obligation de reprise de tout ancien produit à l’achat d’un nouveau. Ils s’organisent pour cela en écoorganismes agréés par les pouvoirs publics. Envie Rhône se développe alors à l’interface entre les différents acteurs de la filière : producteurs, distributeurs, écoorganismes et consommateurs.
Pour s’informer sur les enjeux écologiques de la filière, le rapport du Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets) et des Amis de la Terre, paru en 2010 est toujours très éclairant : L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage. Cas des produits électriques et électroniques.