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Quotidien

Dans ce village, les écoliers déjeunent au bistrot

Quand sonne l’heure du déjeuner à Beaumont-du-Ventoux, c’est tout un village qui se met en branle. Des élèves de l’école communale aux anciens, gourmets et gourmands se retrouvent autour des tables du bistrot de pays, la Fourchette du Ventoux.

  • Beaumont-du-Ventoux (Vaucluse), reportage

Midi dix, Beaumont-du-Ventoux. Il règne dans ce village du Vaucluse de 300 âmes une ambiance étonnamment familiale. Treize élèves de l’école traversent en rang le village pour se rendre au restaurant où ils sont conviés chaque midi, et où ils peuvent bénéficier de menus concoctés par les deux chefs, Nicole et Michel Montziols. Les élus de cette commune perdue sur les flancs du Ventoux ont eu l’ingénieuse idée de réunir autour d’une même table la clientèle traditionnelle d’un restaurant de campagne et de jeunes gastronomes en culotte courte. Une cantine scolaire vraiment originale.

Midi. Les élèves traversent le village, pour se rendre au restaurant à 200 m de l’école.

La Fourchette du Ventoux est l’histoire d’une rencontre heureuse entre la famille Montziols, désireuse de quitter une restauration commerciale destinée au tourisme de masse, pour mener un projet de restauration simple et éthique, avec Bernard Charasse, le maire dévoué à sa commune. Bernard Charasse affirme avec fierté avoir choisi la famille idéale pour mener à bien ce projet. Le fils Montziols, Grégory, est le gérant de l’affaire. C’est lui qui accueille et sert quotidiennement les enfants. Soudés et attentionnés, les trois membres de la famille concoctent le meilleur pour que clients et enfants bénéficient de repas de qualité. La mairie leur a imposé des règles simples pour que le projet reste cohérent avec une cantine scolaire classique : les apéritifs ne peuvent être servis au comptoir lorsque les enfants sont dans le restaurant ; quant aux congés des gérants, ils doivent coïncider avec les vacances scolaires.

Imaginer les meilleures recettes pour accueillir les clients de tous les âges

À force de côtoyer les enfants tous les jours, Nicole et Michel sont devenus de véritables papi et mamie gâteaux et connaissent les moindres faiblesses culinaires de leurs jeunes convives… S’ils savent qu’un enfant mangera difficilement un plat, ils n’hésiteront pas à lui en préparer un autre. « Je veux qu’ils goûtent, c’est la seule chose que je leur demande. Mais je ne les oblige pas à manger s’ils n’aiment pas », déclare Nicole. Les menus sont scrupuleusement proposés à la mairie, qui les valide plusieurs semaines avant. Une attention toute particulière est donnée à l’équilibre alimentaire. Quant à l’origine des produits, Gregory Montziols met un point d’honneur à se procurer des produits locaux dès qu’il le peut.

Gregory Montziols servant les desserts.

Dans cette cantine, aucun reste dans les assiettes pour ces enfants qui ne sont pas peu fiers de déjeuner au restaurant comme des grands ! Au menu ce jour-là : crème de courgettes, filet de limande meunière et purée de potimarron. Cerise sur le gâteau : les chouquettes garnies en dessert. Les enfants se régalent et retournent sur les bancs de l’école repus, sous le regard bienveillant de Pauline, l’accompagnatrice, qui partage les repas en motivant les plus frileux aux découvertes culinaires. L’expérience menée ici est aussi un projet éducatif autour du goût et de l’alimentation. L’animatrice évoque volontiers les recettes avec les petits. Sur le chemin vers l’école, le groupe s’arrête devant le portail : Pauline demande à un enfant de lire à ses camarades le menu affiché du prochain repas.

Les Montziols proposent volontiers leurs équipements de cuisine pendant la semaine du goût pour que les petits apprentis enfilent le tablier. « Certains candidats répondant à l’appel d’offres pour gérer le restaurant postulaient uniquement pour avoir à disposition notre four très professionnel », dit le maire, qui a dû tout apprendre de la restauration avec ce projet. Le matériel disponible en cuisine permet aux chefs d’imaginer les meilleures recettes pour accueillir les clients de tous les âges. Le projet a rencontré le succès, la mixité est au rendez-vous, et le gérant du restaurant a su donner une seconde jeunesse au village en organisant des soirées à thème. Rendez-vous est pris au printemps, quand le lieu aura pris des airs de guinguette, avec sa terrasse surplombant des champs de cerisiers en fleurs.

« Ce restaurant, c’est mon troisième enfant ! » 

Depuis 2014, le restaurant est une affaire qui roule, et les clients viennent de plus en plus loin. Imaginé en 2001, il a fallu près de treize ans pour le mener à terme. Entre convaincre les habitants et les élus, trouver un local adapté, mener les travaux, et trouver les gérants, cette période a demandé de la ténacité au maire et à la secrétaire de mairie, Danielle Davoigneau. Cette dernière dit, non sans fierté : « Ce restaurant, c’est mon troisième enfant ! »

Nicole et Michel Montziols en cuisine.

Les enfants savourent chaque jour le confort qui leur est offert à Beaumont-du-Ventoux. Avant 2013, ils devaient prendre un taxi pour se rendre à la cantine de Malaucène, la ville la plus proche, située à quatre kilomètres de Beaumont-du-Ventoux. Entre le trajet et le repas, ils n’avaient pas une minute à perdre pour être de retour à l’heure sur les bancs de l’école l’après-midi. Le rythme était frénétique, et la fatigue se faisait sentir.

Bernard Charasse, le maire de Beaumont-du-Ventoux.

Le village s’est vu récompensé à plusieurs reprises en recevant une Marianne d’or pour son engagement citoyen et pour un taux de participation remarquable aux élections. Pourtant, ils étaient nombreux à Beaumont-du-Ventoux à douter de la viabilité financière d’un tel projet. Mais aujourd’hui chacun y trouve son compte : les parents ne payent pas la cantine plus cher qu’avant, et le pari est un véritable succès en matière de redynamisation de la vie locale. 65 % du projet a été financé par les subventions, et dorénavant, si la mairie rembourse encore le prêt pour l’achat du bâtiment qui accueille le restaurant, la location du logement créé pour les gérants et transformé dorénavant en logement social, boucle le budget. Un calcul savant qui pourrait faire naître des idées ailleurs… pour peu que les petites écoles de campagne résistent aux effectifs réduits.

Gregory Montziols, en cuisine.

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