Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

ReportageEau et rivières

Dans le Béarn, les habitants défendent leur rivière contre une carrière

Samedi 27 novembre, à Carresse-Cassaber (Pyrénées-Atlantiques).

Dans le Béarn (Pyrénées-Atlantiques), un projet de carrière de granulats menace une rivière. Riverains et associations écologistes s’y opposent et ont manifesté samedi 27 novembre. L’exploitation « va avaler toute la plaine », craignent-ils.

Carresse-Cassaber (Pyrénées-Atlantiques), reportage

Les gouttes d’eau tombent sans discontinuer sur les parapluies et rythment de leur mélodie les chants revendicatifs. Quelque 200 manifestants étaient réunis samedi 27 novembre contre le projet de gravière — une carrière d’extraction de gravats — de Carresse-Cassaber. Le projet est porté par le groupe Daniel, un fabricant de matériaux de construction. Les travaux ont déjà commencé alors que des recours auprès des tribunaux sont encore en cours. La cohorte d’opposants longe le grillage du chantier « interdit au public ».

Les manifestants craignent d’importantes répercussions sur leur cadre de vie mais aussi des conséquences écologiques et une disparition des terres agricoles situées à proximité du projet. Domenja Lekuona vit à Salies-de-Béarn, elle fait partie de l’intercollectif Défendons la plaine, qui réunit les organisations opposées à la gravière, et de l’association Amassas per doman (Ensemble pour demain) : « Nous sommes dans une plaine alluviale. M. Daniel veut y creuser une gravière de 14 m de profondeur sur 19 hectares, l’emprise sera de 32 hectares. Les trois enquêtes publiques étaient contre le projet mais ils ne retiennent que l’enquête privée. » Non loin, un rideau d’arbres délimite le tracé du gave d’Oloron — ici, gave est le mot pour désigner les cours d’eau. La zone est classée Natura 2000 à quelques méandres de l’emplacement prévu pour le chantier. Domenja ajoute : « Ce n’est pas seulement l’extraction, les graviers vont servir au chantier de la LGV [le projet de ligne à grande vitesse sud-ouest reliant Bordeaux à Toulouse et à l’Espagne] et à l’artificialisation de terres, au bétonnage. » Un demi-échangeur pour rejoindre l’autoroute est en projet à Sorde. Les opposants en sont persuadés : pour eux, il s’agit de faciliter le passage des poids lourds qui sortiront de la gravière vers les chantiers de la côte basque.

Les travaux d’extraction de gravier ont déjà débuté. © Chloé Rébillard/Reporterre

« Il va avaler toute la plaine de 260 hectares. Il procède toujours de la même manière » 

Des gravières, le groupe Daniel en possède déjà plusieurs, notamment le long du gave de Pau, au sud-est. Contacté par Reporterre, le groupe n’a pas souhaité s’exprimer. Pour Caroline Dufau, habitante de Saint-Pé-de-Léren, commune située sur la rive gauche du gave d’Oloron, et membre de Défendons la plaine, ce projet n’est qu’un premier pas vers d’autres : « Le gave d’Oloron était quand même protégé, là ils vont remonter le gave. Un peu plus loin, il y a d’autres plaines qui ont le même contexte et qui sont très prisées des pêcheurs, il n’y a pas de raison qu’ils ne s’y attaquent pas ensuite. » Domenja ne croit pas que le groupe se contente des 19 hectares pour lesquels la préfecture a donné son accord : « Il va avaler toute la plaine de 260 hectares. Il procède toujours de la même manière. » Un représentant du collectif SOS Plaine d’Abos, José Trébucq, a fait le déplacement pour soutenir la lutte. Son collectif fait face au même groupe, dans la plaine d’Abos, à une cinquantaine de kilomètres vers l’est, où une gravière est déjà en fonctionnement. Désormais, c’est contre un projet d’extension de 40 hectares (emprise de 100 hectares) que les riverains se battent.

« Entre deux métropoles, il n’y a pas du vide, il y a des gens qui habitent »

Michel Rodes est le secrétaire de la Sepanso 64, une association de défense environnementale qui a porté les recours devant la justice. Il alerte d’un danger qui lui semble inévitable : le risque d’avulsion. C’est-à-dire que le lit du gave se déplacerait à la faveur d’une crue et ne retrouverait jamais son tracé originel. « Le méandre entier pourrait être emporté », dit-il. Un tel scénario pourrait faire disparaître la plaine. « C’est une honte de creuser à quelques dizaines de mètres du lit vif de la rivière, dans l’espace de mobilité du gave ! » D’autant que le défenseur de l’environnement en est bien conscient : « Avec le changement climatique, les crues sont de plus en plus fréquentes et vont le devenir encore plus. Un risque que les institutions et le groupe industriel n’ont pas pris en compte. » Et il note : « En Allemagne, lors des inondations de juillet 2021, la ville de Erftstadt- Blessem, près de Cologne, a subi des dégâts irréversibles à cause d’une gravière dans laquelle s’est engouffrée la rivière. »

Michel Rodes, de la Sepanso 64. © Chloé Rébillard/Reporterre

Les opposants attendent le résultat des recours en justice, mais ils vont continuer à se mobiliser d’ici là. « Nous sommes là pour affirmer qu’entre deux métropoles [Pau et Biarritz/Bayonne], il n’y a pas du vide, il y a des gens qui habitent, dit Caroline Dufau. Sur cette terre, on veut proposer des solutions pour nourrir les habitants. »

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende