Dans le monde, des journalistes empêchés d’enquêter sur l’écologie

- © Sanaga/Reporterre
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Durée de lecture : 4 minutes
Climat Libertés COP26 MédiasPoursuites judiciaires, intimidations, territoires inaccessibles ou données verrouillées… Informer sur le climat est de plus en plus difficile. Dans cet appel publié à deux jours de la COP26, raout mondial sur le climat, des journalistes rappellent l’« obligation de transparence » des États et des entreprises.
Cet appel signé par plus de soixante journalistes environnementaux de trente-quatre nationalités différentes et par Reporterre a été lancé par Reporters sans frontières (RSF). Il s’adresse aux États participant à la 26e Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26), qui s’ouvrira le 1e novembre à Glasgow.
Nous, journalistes spécialistes des questions environnementales et climatiques sur tous les continents, lançons, par l’intermédiaire de Reporters sans frontières (RSF), un appel solennel aux États participant à la 26e Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26) qui s’ouvre ce 1er novembre à Glasgow, en Écosse. En 1992, la déclaration du Sommet de la Terre des Nations Unies à Rio mentionnait dans son principe 10 que « toute personne a le droit d’exiger des informations sur sa situation environnementale ». Près de trois décennies plus tard, ce principe n’est malheureusement toujours pas une réalité tangible.
Dans de nombreux pays, il est extrêmement difficile, voire impossible d’obtenir des informations et données scientifiques sur l’environnement et les politiques publiques qui l’impactent, qui relèvent pourtant de l’intérêt général. L’accès à de nombreuses installations et/ou territoires nous est, en outre, trop systématiquement interdit. Certains d’entre nous font aussi l’objet de poursuites judiciaires abusives, sont la cible de menaces, d’intimidations, voire d’agressions quand ils ne sont pas froidement éliminés.
Pour avoir enquêté sur les sujets sensibles de l’extraction minière illégale, la déforestation ou encore l’accaparement de terres et la pollution industrielle, vingt-et-un de nos collègues ont été tués ces dix dernières années dans le monde. Près de trente autres ont été jetés en prison. 75 % des incidents ont été enregistrés depuis la signature de l’Accord de Paris fin 2015. À l’image de l’environnement et du climat que nous défendons, notre situation se dégrade dangereusement. Nous voulons dénoncer aujourd’hui les entraves qui limitent notre droit d’informer sur ces questions cruciales pour l’ensemble de l’humanité.
Il est urgent que les États prennent en compte le rôle joué par la presse dans la défense de l’environnement et la lutte contre le changement climatique. Nos enquêtes alertent des dangers grandissants auxquels notre planète commune fait face et contribuent à amener les acteurs concernés à changer de comportements. Correctement informées, les populations peuvent aussi mieux lutter contre cette menace climatique inédite dans l’histoire de l’humanité.
Le droit à l’information est inhérent au droit à un environnement sain
Nous demandons aux États de reconnaître officiellement que le droit à l’information est inhérent au droit à un environnement sain et au droit à la santé. Pour mettre un terme aux menaces grandissantes qui pèsent sur les plus vulnérables d’entre nous, nous appelons également à la mise en œuvre concrète du droit international sur la protection des journalistes. En conformité avec la résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en 2015, nous demandons aux États de donner à leur justice nationale les moyens de lutter contre l’impunité persistante des crimes commis contre les journalistes environnementaux.
Pour les États ou les entreprises, une obligation de transparence doit être également appliquée. L’intérêt commun doit prévaloir aux intérêts économiques et régaliens. Nous n’avons qu’une seule planète. La mobilisation de tous pour nous permettre d’exercer notre droit à informer dans de bonnes conditions est cruciale.
Signataires
Özer AKDEMIR (Turquie)
Arlis ALIKAJ (Albanie)
Melis ALPHAN (Turquie)
Enkhzaya BAASANJAV (Mongolie)
Nathalie BERTRAMS (Allemagne)
Gaëlle BORGIA (Madagascar)
Martin BOUDOT (France)
Kátia BRASIL (Brésil)
Eliane BRUM (Brésil)
Marcelo CANELLAS (Brésil)
Andrei CIURCANU (Roumanie)
Lilia CURCHI (Moldavie)
Angelina DAVYDOVA (Russie)
Sheila DEBONIS (États-Unis)
Vanina DELMAS (France)
Soulik DUTTA (Inde)
Thomas FISCHERMANN (Allemagne)
Emmanuel GAGNIER France)
Atokhon GANIEV (Tajikistan)
Ingrid GERCAMA (Pays-Bas)
John GROBLER (Namibie)
Amina JABLOUN (Tunisie)
Burcu KARAKAS (Turquie)
Guido KOPPES (Pays-Bas)
Lucien KOSHA (RD Congo)
Margaux LACROUX (France)
Morgan LARGE (France)
Nelly LUNA (Pérou)
Lazaro MABUNDA (Mozambique)
Fiona MACLEOD (Afrique du Sud)
Konstantina MALTEPIOTI (Grèce)
Eduardo MILITAO (Brésil)
Sayana MONGUSH (Russie)
Gela MTIVLISHVILI (Géorgie)
Zuza NAZARUK Pays-Bas)
Alex NEDEA Roumanie)
Vadim NEE Kazakhstan)
Alexandre NHAMPOSSA (Mozambique)
Mariam NIKURADZE (Géorgie)
Anne Sophie NOVEL (France)
Elena NOVIKOVA Kazakhstan)
Hazal OCAK (Turquie)
Marie PARVEX (Suisse)
Grigory PASKO (Russie (en exil)
Anastasia PAVLENKO (Ouzbékistan)
Tansu PISKIN (Turquie)
Guillaume PITRON (France)
David QUINTANA (Nicaragua)
Anna Bianca ROACH (États-Unis)
Sofia RUSOVA (Russie)
Leonardo SAKAMOTO (Brésil)
Hélène SERVEL (France)
Khadija SHARIFE (Afrique du Sud)
Khaled SULAIMAN (Canada/Irak)
Pinar TARCAN (Turquie)
André TRIGUEIRO (Brésil)
Tomasz ULANOWSKI (Pologne)
Estacio VALOI (Mozambique)
Jonathan WATTS (Royaume-Uni)
Tehmine YENOQYAN (Arménie)
Ning YEN (Taiwan)
La rédaction de Afao environmental magazine - Maan development center (Palestine)
La rédaction de Reporterre (France)