Dans le sud-ouest, Gérard Onesta, le rassembleur, se révèle comme la surprise des régionales

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À la tête d’une liste d’union aux régionales en Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, Gérard Onesta est un militant écologiste de longue date. Sa sincérité est reconnue même par ses adversaires. Député européen assidu, il préfère le parlement et le terrain que les plateaux télé. La surprise possible des régionales.
- Toulouse, reportage
« On dit bien vrai qu’un honnête homme, c’est un homme mêlé », disait Montaigne. Mêlé aux autres, Gérard Onesta l’est pour le moins, à la tête d’une liste d’union pour les régionales où se côtoient écologistes et communistes, intellectuels et régionalistes. « Il est parfaitement légitime, ce n’est pas un leader bonapartiste, il a un vrai souci de campagne collective », assure Serge Regourd, professeur de droit, qu’il a convaincu d’entrer en politique et de rejoindre sa liste.

Personne ne conteste à Onesta cette œuvre de rassemblement politique, la plus large en France dans cette campagne. « Il va chercher les gens directement, c’est une autre manière de faire de la politique », raconte Judith Carmona, également novice dans l’arène électorale. Une pratique qui passerait d’abord par l’écoute et la volonté de synthèse, selon cette paysanne en retrait de ses fonctions syndicales le temps de la campagne qu’elle mène comme porte-parole : « La démocratie participative, c’est un peu ‘’tarte à la crème’’ aujourd’hui, tout le monde en parle mais personne n’en fait. J’avoue que je n’y croyais plus beaucoup. »
« Une confiance aveugle
D’autres, comme Patric Roux, secrétaire fédéral du Partit occitan et tête de liste dans l’Aude, affichent « une confiance aveugle » depuis qu’ils ont eu affaire avec Onesta : « Je me souviens d’une nuit de tractations pour établir les têtes de listes, ce n’était pas simple. On avait fini à 4 h du matin… sauf que dès le lendemain, Gérard a tout annulé : on n’avait pas respecté la parité. »
Même ses plus proches adversaires, au Parti socialiste, reconnaissent la sincérité de sa démarche. « C’est un homme de convictions, humaniste et très travailleur », juge Laurent Méric, élu local et membre de la campagne de Carole Delga, candidate pour le PS. S’ils dénoncent « l’alliance de la carpe et du lapin » avec les communistes ou un « anti-Valls primaire », les éloges sur son intégrité sont unanimes : « Il est une personnalité très claire, il fait ce qu’il dit, rapporte un autre baron toulousain du PS. Mais il ferait quand même mieux de taper sur Reynié et Alliot » (les candidats de la droite et de l’extrême-droite).

Un tel patronyme - Onesta, « honnêteté » en italien - vaut presque obligation morale. Dans la famille, la défense des valeurs, on sait ce que c’est. L’homme conte avec l’accent idoine l’histoire de son aïeul, modeste charbonnier, qui aurait sauvé la vie d’un Robin des bois peu scrupuleux avant de reverser sa fortune à l’Église. Depuis, la famille a fui le fascisme et Gérard Onesta étudié dans le lycée où enseignait Jaurès.
Pourtant, le futur architecte a quitté la tradition « rouge » pour embrasser le mouvement écologiste. Un engagement qu’il date à la seconde près : le 16 mars 1986, à 20h, lorsqu’il découvre l’entrée du Front national à l’Assemblée nationale : « À l’époque, je parlais démocratie, solidarité, tiers-monde, féminisme. Et puis, il y avait les souvenirs de René Dumont, la qualité de vie, les paysages massacrés. J’avais l’impression que le vert englobait le rouge. En étant écologiste, j’étais antifasciste », raconte celui qui avait préféré, quelques mois plus tôt, passer dix jours en hôpital psychiatrique pour être réformé P4 du service militaire.
Professionnel de la politique
En quelques mois, il devient le secrétaire fédéral des Verts de Haute-Garonne, avant d’intégrer le conseil national du parti et d’en être la tête de liste aux municipales, à Toulouse, en 1989. Dans le même temps, il fonde le premier mouvement de jeunesse d’écologie politique en France, Écolo-J, qui trouve vite un relais au niveau européen avec la Fédération des jeunes écologistes européens. C’est à cette échelle qu’il connaît sa première élection, en décembre 1991 : il devient le benjamin du Parlement européen, à Strasbourg, à 31 ans. Il restera député européen jusqu’en 2009 – avec une pause au milieu des années 1990. Une progression fulgurante et une carrière dans les institutions (prolongée depuis au Conseil régional en tant que vice-président des relations internationales) qui lui valent parfois d’être taxé de professionnel de la politique.

On ne pourrait le nier, tant Gérard Onesta en maîtrise les codes les plus évidents : une faconde bien entretenue, maniant l’humour ou la référence historique avec la même aisance, qui ne le distrait jamais de distribuer les informations importantes en off ou d’expliquer les calculs stratégiques les plus politiciens. Gérard Onesta en est convaincu, s’il y a une région qui doit rester à gauche, ce sera la sienne. Et de partager avec un enthousiasme débordant, l’espoir un brin démagogique dont il a fini par se convaincre : « L’écologie touche aujourd’hui une majorité culturelle. » Opposez-lui tout ce que vous voulez, « vous ne me persuaderez pas du contraire ».
Pendant deux heures, Gérard Onesta fait son show et sort du cadre de l’interview. Le personnage fait amende honorable : « Je suis vivant, parfois un peu envahissant mais avec l’ego bien calibré. » Difficile, en effet, de lui faire reproche d’être trop attiré par la lumière des projecteurs. Depuis une pige d’un an comme porte-parole national en 1994 pour soutenir la candidature présidentielle de son amie Dominique Voynet, Gérard Onesta a quitté les jeux d’appareil. « Ça me rend moins visible, c’est sûr, mais ces histoires de tambouille interne me fatiguent. Les gens qui entrent pour se servir plutôt que servir, ça me débecte », lâche celui qui dit préférer les salles du Parlement aux plateaux télé.
Trouver les mots pour l’équipe
On peut le croire : en trois mandats, Gérard Onesta assure n’avoir jamais raté une seule séance. Son assiduité a été saluée par les observateurs. Cette constance dans le travail des dossiers lui a d’ailleurs valu la confiance de ses pairs, qui l’ont maintenu dix ans au poste de vice-président du Parlement. Une première. Mais sa plus grande fierté est de détenir le record du nombre d’amendements votés à l’assemblée de Strasbourg.

Sur le terrain, les interlocuteurs confirment son engagement. « Il a été très présent à Sivens, sans jamais se mettre en avant », estime Ben Lefetey, du collectif du Testet. Mais si Gérard Onesta jouit d’une reconnaissance régionale, il reste presqu’inconnu en France. Son cousin Claude, entraîneur de l’équipe de France de handball maintes fois victorieuse, le dépasse nettement en notoriété.
Qu’importe, le responsable politique juge « la comparaison flatteuse », et use de métaphores sportives. EELV aujourd’hui ? « C’est le mercato, j’ai sabré le champagne quand Placé est parti. » Cette alliance pour les régionales ? « C’est le grand chelem. »
Celui qui, jeune, a préféré le basket du fait de son 1,83 mètre, reconnaît s’être inspiré de la philosophie de son cousin : « On peut avoir le meilleur marqueur ou le meilleur défenseur, s’il n’a pas le sens de l’équipe, ça ne marchera pas. » Au sein d’une coalition politique que d’aucuns estiment intenables, c’est désormais à Gérard Onesta de trouver les mots pour l’équipe. Il a déjà les formules pour rassembler : « Il faut reconnaître la différence de l’autre comme un enrichissement, pas comme une possible agression. J’essaye, pour cela, de reconnaître quelle est la part de moi dans l’autre. » Reste à forger maintenant les paroles qui donneront envie aux électeurs d’ajouter une nouvelle ligne au palmarès des Onesta.
Ce soir, peut-être, lors d’un grand meeting d’union à Montpellier, auquel participeront Cécile Duflot, Clémentine Autain et Patrick Laurent - mais pas Jean-Luc Mélenchon, retenu par une grippe.