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Monde

Dix ans après l’effondrement du Rana Plaza, la fast fashion toujours coupable

Des militants et des proches de victimes de l'effondrement du Rana Plaza protestent à Dacca, au Bangladesh, le 24 avril 2019.

Dix ans après l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, tuant plus de 1 000 ouvrières du textile, une ONG a dénoncé le 19 avril leurs conditions de travail.

« C’est le grand déstockage sur les droits humains. » Mercredi 19 avril, un groupe d’activistes s’est réuni à Châtelet, à Paris, pour commémorer les dix ans de l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, un bâtiment abritant plusieurs usines de vêtements. Un lieu loin d’être anecdotique : le quartier du Châtelet est en effet l’un des temples de la fast fashion. Les militants ont défilé sur un podium, vêtus de tee-shirts blancs revendicatifs : « Pas un drame de plus ! » ou encore « 1 134 mortes : le responsable ? ». Pour Salma Lamqaddam, chargée de campagnes pour les droits des femmes de l’ONG ActionAid, les enseignements de cet accident n’ont pas été tirés. « Les marques continuent d’agir en toute impunité », explique la coorganisatrice de la manifestation.

Le 24 avril 2013, l’immeuble Rana Plaza, situé à Dacca, la capitale du Bangladesh, s’effondrait, tuant plus de 1 000 personnes, principalement des ouvrières de l’industrie du textile. La veille de la catastrophe, elles avaient pourtant alerté leur employeur de fissures dans le bâtiment. Ces avertissements se sont avérés vains. Pire, les supérieurs hiérarchiques avaient brandi la menace du licenciement, assure Salma Lamqaddam.

Action des militants d’ActionAid à Châtelet, à Paris, le 19 avril 2023. © Lucas Ciaravola / Reporterre

Des mesures insuffisantes

Ce dramatique accident a provoqué une prise de conscience internationale. Dans la foulée, l’Accord du Bangladesh sur la sécurité contre les incendies et la sécurité des bâtiments a été signé. Ce texte a permis de résoudre « plus de 100 000 problèmes de sécurité identifiés par les inspections dans 1 800 usines de confection, employant au total plus de 2,5 millions de travailleurs », d’après le Collectif Éthique sur étiquette.

« À l’époque, les industries étaient sous pression médiatique, explique Nayla Ajaltouni, déléguée générale de cette organisation. Elles ont été obligées de renforcer la sécurité des travailleurs et des infrastructures. » Mais il faut aujourd’hui aller plus loin.

Son collectif fait pression sur les parlementaires européens pour adopter une directive sur le devoir de vigilance, déjà entrée en vigueur en France. Un vote est prévu fin mai, pour une prise en compte « des impacts sociaux et environnementaux de l’ensemble de la chaîne de production », poursuit Nayla Ajaltouni. Une décision qui pourrait aider les victimes à mener des actions en justice contre leur employeur, en facilitant l’identification du responsable en cas d’accident du travail. Celles qui obtiennent gain de cause ne bénéficient pas d’indemnisation à la hauteur des préjudices subis, dénonce l’ONG Public Eye.

Un problème structurel

Autre mesure demandée : l’instauration d’une « taxe équitable » sur les multinationales qui vendent sur le sol européen des produits fabriqués hors des frontières de l’Union européenne. Cette taxe, soutenue par la députée européenne Valérie Hayer, serait calculée sur la différence entre le seuil d’extrême pauvreté et la rémunération que les travailleurs ont touchée, nous apprend Ouest-France.

Une mesure qui pourra difficilement changer le problème en profondeur : les ouvrières qui fabriquent les vêtements de fast fashion travaillent toujours dans des conditions bafouant les droits humains. Et les mesures pour réellement améliorer ces conditions de travail se font attendre, comme l’explique l’ONG Public Eye : « Si la situation a pu un peu s’améliorer depuis lors, l’industrie textile est toujours empreinte d’une forte concurrence qui entraîne un nivellement par le bas : toujours plus, pour toujours moins cher. » Il n’y aura pas de « transformation sociale et écologique » si les autorités n’édictent pas « de directives qui s’appliquent à tous les acteurs ».

Un avis partagé par Salma Lamqaddam, militante d’ActionAid, qui y voit aussi un problème structurel : « Le commerce mondialisé repose sur l’exploitation systémique des ouvrières des pays du sud par les multinationales des pays du nord. »

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