Dix questions, dix réponses sur le changement climatique

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Climat2015 est l’année du climat, nous dit-on. Et la lutte contre le réchauffement climatique le défi majeur du XXIe siècle. Mais le problème est complexe. Voici en dix questions un récapitulatif pour saisir tous les enjeux du changement climatique.
1 – QU’EST-CE QUE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Mais d’abord, qu’est-ce que le climat ? Celui-ci désigne l’ensemble des conditions atmosphériques sur Terre à un moment donné : ensoleillement, pluie, neige ou grêle, température, humidité, vent... Elles dépendent de trois facteurs qui s’équilibrent : le rayonnement solaire, l’effet de serre et les grandes circulations atmosphériques et océaniques.
Cet équilibre est en passe d’être rompu. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) constate que l’atmosphère et les océans se réchauffent. Dans son rapport, il observe que la température atmosphérique globale a augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012, et que la période 1983 – 2012 est la plus chaude qu’ait connu l’hémisphère nord depuis 1 400 ans. Et le pire, c’est que ce réchauffement n’est pas prêt de s’arrêter, et risque même de s’accélérer.
- Pour aller à la source : le rapport du GIEC en anglais ; la synthèse en français.

2 – POURQUOI LA TERRE SE RECHAUFFE-T-ELLE ?
A cause de l’accroissement de l’effet de serre. Attention, l’effet de serre, en soi, est un phénomène naturel et même bénéfique ! Mais voyons comment ça marche.
Certains gaz présents dans l’atmosphère, appelés « gaz à effet de serre » (GES) comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), l’ozone (O3)... piègent une partie du rayonnement solaire. Ils le renvoient sous forme de chaleur dans toutes les directions dans l’atmosphère. Grâce à cet effet de serre, nous bénéficions d’un agréable 15°C de moyenne à la surface de la Terre. Au lieu de - 18°C si cet effet de serre n’existait pas.
Le problème, c’est que les concentrations atmosphériques en GES ne sont plus stables comme pendant des milliers d’années. Elles ne cessent plus d’augmenter. La concentration de CO2 a commencé à grimper vers 1750 et est maintenant à un niveau 40 % plus élevé. Et pour le méthane, 150 %. Des niveaux jamais atteints depuis au moins 800 000 ans ! C’est pour cela que l’effet de serre s’emballe, et que nous avons de plus en plus chaud.
3 – D’OU CES GAZ PROVIENNENT-ILS ?
Pour la plupart, ils étaient déjà présents dans l’atmosphère : vapeur d’eau (60 % des GES), dioxyde de carbone (26 %), ozone (8 %), méthane et protoxyde d’azote (6 %).
Mais ce qui change depuis 1750, c’est que les activités humaines émettent ces gaz à effet de serre. La combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole...) et la déforestation dégagent du dioxyde de carbone. Elevage de ruminants, décharges et utilisation du gaz naturel comme énergie émettent du méthane.
Quant aux engrais dont nous arrosons nos cultures, ils exhalent du protoxyde d’azote. Sans parler de nos systèmes de réfrigération, nos aérosols... qui répandent dans l’atmosphère des gaz à effet de serre de synthèse, comme les hydrofluorocarbures (HFC).

4 - LE DEREGLEMENT CLIMATIQUE EST-IL CAUSE PAR L’ACTIVITE HUMAINE ?
Pour le GIEC, « l’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie ». Pourquoi ? La Terre a connu ces 450 000 dernières années cinq périodes chaudes, dites "interglaciaires", entrecoupées de quatre glaciations. Que se passe-t-il depuis deux cent cinquante ans. Pour trancher, il fallait faire la part des choses entre les facteurs naturels de réchauffement (les variations de rayonnement solaire, les grandes éruptions volcaniques...) et ses facteurs dits « anthropiques » (émissions humaines – anthropos veut dire homme, en grec – de gaz à effet de serre). En s’appuyant sur les observations du climat du passé, des chercheurs ont donc créé des modèles informatiques pour reconstituer le climat du siècle dernier.
Ils ont ensuite fait des simulations informatiques : que se passe-t-il si l’on ne tient compte que des facteurs naturels du réchauffement ? Et seulement des facteurs anthropiques ? Des deux types de facteurs ? Les résultats sont clairs et nets : si l’on ne tient compte que des facteurs naturels, la température moyenne ne varie pas ou peu entre 1860 et 2012 ; si l’on ajoute les facteurs anthropiques, elle augmente sur cette même période.
5 – COMMENT LES MODELES INFORMATIQUES PEUVENT-ILS PREVOIR LE CLIMAT ?
Le climat est le résultat des interactions entre l’atmosphère, les océans, les calottes glaciaires, les rivières, les écosystèmes... Si ces interactions sont en partie imprévisibles, elles suivent quand même souvent des règles physiques immuables, qu’on peut résumer sous la forme d’équations mathématiques. Ainsi, par exemple, les mouvements de l’atmosphère ont été « résumés » dans les équations de Navier-Stokes.

Ces équations vont servir de base aux modèles numériques de climat. On représente une fausse planète Terre, où le climat est résumé par les grandes lois physiques que les chercheurs connaissent bien, résumées sous forme d’équations. On quadrille cette planète en trois dimensions, avec un « nœud » tous les 100 km ou tous les 10 km. Sur ces nœuds, on écrit des équations qui permettent de faire varier des paramètres comme la pression, la température... jour après jour, voire demi-heure après demi-heure pour les nœuds situés dans l’atmosphère.
Cette fausse planète va servir de base pour essayer de prévoir le climat en fonction de plusieurs scénarios, si nos émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter ou si nous parvenons à les arrêter en 2050, par exemple. Tout cela demande un travail considérable. Il faut dix ans à une équipe de cinquante à cent scientifiques pour construire un tel modèle, sous la forme d’un programme informatique d’environ un million d’instructions !
Comment est-on sûr que ça marche ? Parce qu’avant de se lancer dans les prédictions, les chercheurs ont testé leurs modèles sur le passé. Ils ont ainsi comparé leurs résultats avec les informations contenues dans des carottes glaciaires, et ont bien retrouvé les périodes de glaciation aux bons moments...
6 – COUCHE D’OZONE ET RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE, CE N’EST PAS LA MÊME CHOSE ?
Non ! La couche d’ozone, située dans la stratosphère entre 20 et 45 km au-dessus de nos têtes, absorbe les rayonnements ultraviolets émis par le soleil. Les « trous » qu’on y observe, en particulier au-dessus des pôles, sont causés par les émissions de gaz industriels comme les chlorofluorocarbures (CFC) qui détruisent les molécules d’ozone par le biais d’une réaction chimique impliquant le chlore.

Ces gaz, dont les émissions ont énormément augmenté à partir des années 1950, utilisés dans les systèmes de réfrigération, les aérosols et les mousses isolantes, ne sont pas des gaz à effet de serre, et ne contribuent donc pas au réchauffement climatique.
En revanche, certains substituts aux CFC, appelés HFC, sont, eux, des gaz à effet de serre très puissants.
7 - L’ACIDIFICATION DES OCEANS EST-ELLE CAUSEE PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Cette acidification est due à une augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Comme l’explique l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans son WMO greenhouse gaz bulletin du 9 septembre dernier, les océans absorbent environ un quart des émissions de CO2 liées à l’activité humaine.
Quand le CO2 pénètre dans l’eau de mer, une réaction chimique se produit. Dans un premier temps, elle crée de l’acide carbonique (H2CO3), qui se décompose ensuite en ions bicarbonate (HCO3-) et hydrogène (H+). Ce sont ces ions hydrogène qui sont responsables de l’acidification des océans.

Le phénomène a deux conséquences néfastes. La première, c’est que plus les océans s’acidifient, moins ils sont capables d’absorber nos émissions de CO2. Les chercheurs ont ainsi observé que l’océan n’absorbait plus que 70 % de ce qu’il était capable d’absorber en CO2 au début de l’ère industrielle. Cette capacité pourrait être réduite à 20 % à la fin de notre siècle ! Il ne faudra donc bientôt plus compter sur nos océans pour limiter l’effet de serre dans notre atmosphère...
La deuxième conséquence, c’est que cette acidification met en péril les écosystèmes marins. Certains organismes, comme les coquillages, les coraux, une partie du plancton, fabriquent leurs coquilles et leurs squelettes grâce à un processus de calcification. Mais lorsque l’acidité des océans augmente, cette calcification se fait moins bien.
D’où des organismes marins qui ont de plus en plus de mal à survivre, qui se développent moins vite et moins bien, avec à terme, une réduction de la biodiversité marine. Les coraux sont particulièrement menacés, eux qui subissent déjà de plein fouet l’impact de la construction de grandes infrastructures portuaires, de la pollution des côtes et de l’invasion d’espèces exotiques.
8 – LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, QUELLES CONSEQUENCES ?
2°C de plus toute l’année, voire davantage, cela peut sembler sympathique. Malheureusement, le réchauffement de l’atmosphère et des océans ne signera pas l’avènement d’un habillement en maillots de bain généralisé, mais plutôt celui des catastrophes naturelles.
On risque l’accélération de la fonte des glaces et une augmentation du niveau de la mer. Les conséquences en seraient très néfastes : inondations, affaiblissement de la circulation thermohaline de l’Atlantique – celle-là même dont dépend le Gulf Stream, puissant courant marin qui réchauffe le nord de l’Europe l’hiver. Sur la terre ferme, 15 à 40 % des espèces seraient menacées d’extinction. Sans parler des cyclones, des sécheresses et des feux de forêts, qui se multiplieraient.
En France, le réchauffement climatique modifie déjà notre environnement. Le nombre de passereaux, pouillots siffleurs et autres mésanges boréales a diminué de 20 à 80 % en vingt ans. En Champagne, les vendanges ont lieu deux semaines plus tôt. Et si un jour, le réchauffement climatique avait raison de nos vignobles ?

9 – LE CHANGEMENT CLIMATIQUE VA-T-IL TOUCHER TOUT LE MONDE DE LA MÊME FACON ?
Non, et c’est bien là l’injustice du changement climatique. Les pays développés ont une responsabilité historique dans l’intensification de l’effet de serre, car ils ont émis le plus de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle.
Pourtant, ce sont les pays en développement qui vont le plus en pâtir. Les conséquences du changement climatique viendront s’ajouter aux problèmes déjà existants de pauvreté, de malnutrition et de difficultés d’accès à l’eau potable.
En Afrique, des phénomènes de sécheresse ou de pluies violentes compliqueront l’accès à l’eau potable et le travail des agriculteurs, d’après le rapport 2014 « Impacts, adaptation et vulnérabilité » du GIEC.
En Asie, la fonte des glaciers himalayens et la hausse du niveau de la mer provoqueront d’importantes inondations, en particulier dans les deltas des fleuves géants comme le Gange, en Inde, ou le Yang-Tse, en Chine. Quant aux petites îles, elles sont menacées par la multiplication des catastrophes naturelles et risquent d’être englouties.
10 – QUE FAIRE POUR EVITER LE PIRE ?
Il n’y a pas trente-six solutions. Tous les pays du monde doivent dès à présent réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre, les diviser par trois d’ici 2050 et les supprimer totalement entre 2050 et 2100, afin de limiter le réchauffement de la planète. Cela suppose de renoncer aux énergies fossiles, et de stopper toute déforestation voire de replanter des arbres. Vaste chantier en perspective !

C’est pour se mettre d’accord sur un programme de réduction des GES que les 195 États de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) se réunissent tous les ans en conférences des parties (COP), depuis 1992.
La COP21, qui se déroulera en décembre 2015 à Paris, est censée aboutir à un nouvel accord mondial pour atteindre cet objectif du zéro émission avant la fin du siècle.