En Afghanistan, la crise climatique a favorisé la montée des talibans

La sécheresse de 2012 dans la province de Jowzjan, dans le nord de l'Afghanistan, a rendu les terres improductives. - Flickr/CC BY-NC-SA 2.0/UNHCR/ACNUR Américas
La sécheresse de 2012 dans la province de Jowzjan, dans le nord de l'Afghanistan, a rendu les terres improductives. - Flickr/CC BY-NC-SA 2.0/UNHCR/ACNUR Américas
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Climat MondeQuarante ans de conflits ont rendu l’Afghanistan plus vulnérable au changement climatique, qui à son tour contribue à l’insécurité dans le pays.
Le changement climatique exacerbe l’insécurité en Afghanistan. Alors que le pays est passé sous le contrôle des talibans avec la prise de Kaboul le 15 août dernier, des chercheurs se demandent si l’on peut faire un lien entre les effets du changement climatique dans cette région du globe et les événements politiques qui l’agitent. Un article de CBS News, paru le 20 août, établit ainsi une relation directe entre la vulnérabilité accrue de la population afghane à cause du réchauffement global et la montée des fondamentalistes religieux. Les conséquences des sécheresses et des inondations sur une population paysanne pauvre contribueraient ainsi à inciter les paysans à suivre les talibans, selon la chaîne d’information américaine. « Le groupe a les moyens de payer les combattants entre 5 et 10 dollars par jour [environ 4,2 et 8,5 euros], soit plus que ce qu’ils peuvent gagner dans l’agriculture », assure à CBS Kamal Alam, expert pour la région au sein du groupe de réflexion américain Atlantic Council.
« Quarante ans de conflits ont accru la vulnérabilité de l’Afghanistan au changement climatique, dont les répercussions peuvent, à leur tour, contribuer à créer les conditions d’une violence continue », analysait dès 2019 l’expert Oli Brown dans un rapport publié par le groupe de réflexion allemand Adelphi. Même si l’auteur rappelait en préambule que « compte tenu des nombreux facteurs de conflit qui sont déjà à l’œuvre en Afghanistan, il est important ne pas exagérer le lien de causalité entre le changement climatique et les conflits ».
Dépendance à l’agriculture
Exemple frappant du rapport, la destruction des infrastructures essentielles en matière d’eau laisse le pays avec la plus faible capacité de stockage d’eau par habitant dans la région (140 litres par personne). Un funeste héritage qui rend la population d’autant plus vulnérable aux sécheresses. Or, la région est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique. L’Afghanistan est classé sixième parmi les pays les plus touchés selon l’Indice mondial des risques climatiques (IRC) de 2019. Depuis 1950, la température moyenne annuelle dans ce pays a augmenté de près de 2 °C. Dans cette région montagneuse aride, la population est particulièrement exposée aux dangers des inondations et des sécheresses, dont la fréquence s’accélère. Cette vulnérabilité est également liée à la grande dépendance à l’agriculture pluviale et au pastoralisme, dont dépendent 80 % de la population. Ces constats sont partagés par un rapport des Nations unies publié en 2017.
Ces travaux montrent ainsi comment les impacts du réchauffement climatique sur l’accès à l’eau et la production alimentaire vont continuer à miner les moyens de subsistance ruraux, aggravant la pauvreté et l’exode rural. Autre effet, plus indirect cette fois, sur la montée de l’insécurité, la culture d’opium, dont l’Afghanistan est le plus grand producteur au monde. « C’est une culture résiliente, économe en eau et rentable ; les impacts climatiques pourraient en faire une solution de rechange encore plus attrayante », explique Oli Brown. Les conflits pour l’accès aux terres et à l’eau d’irrigation pourraient également s’aggraver dans le contexte d’une raréfaction des ressources en raison du changement climatique, toujours selon son étude.
Des travaux ont pointé ces dernières années les liens entre montée de l’insécurité et des conflits armés et changement climatique. Notamment ceux d’Adelphi ou de l’Institut français de relations internationales et stratégiques (Iris). « Le changement climatique n’est jamais le seul facteur conduisant à une escalade de la violence, dit la chercheuse Alice Baillat de l’Iris. Il agit toujours en interaction avec des facteurs politiques, économiques et sociaux, qu’il vient exacerber. C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui important de parler du changement climatique comme d’un multiplicateur de menaces, afin d’éviter la dépolitisation des crises. »