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Climat

Feux au Canada : pourquoi la forêt boréale brûle si facilement

Près de 30 000 personnes, dont 5 000 membres des communautés autochtones, doivent quitter leur logement à cause des feux en Alberta.

De gigantesques incendies ravagent la forêt boréale en Alberta, dans l’ouest canadien. La hausse des températures a rendu la saison des feux plus précoce.

Montréal (Canada), correspondance

Depuis le début de l’année, les feux qui ravagent l’Alberta, dont près d’un tiers sont encore non maîtrisés, ont brûlé plus de 350 000 hectares. « La saison sans feu est de plus en plus courte, là, c’est du jamais vu. Ils finissent à la fin de l’automne et commencent très tôt au printemps ! », s’étonne Oliver Sonnentag, professeur de géographie à l’Université de Montréal et expert de la phénologie des forêts.

La zone boréale, anneau enrobant l’hémisphère nord à partir du sud du cercle arctique, recouvre un tiers des zones boisées de la planète. Les forêts qui peuplent sa partie canadienne s’étendent sur près de 3 millions de kilomètres carrés, du Yukon jusqu’à Terre-Neuve-et-Labrador. Elles rassemblent loups, orignaux, ours, castors et la moitié des espèces d’oiseaux du pays. Une paisible étendue ravagée par les flammes. Près de 30 000 personnes, dont 5 000 membres des communautés autochtones, sont sommées de quitter leur logis.

Pour Christian Messier, membre de la Chaire du Canada sur la résilience des forêts face aux changements globaux, la forêt boréale encaisse difficilement le choc du mercure qui grimpe. « Les feux en Alberta, c’est naturel, certes. Et la forêt boréale a un cycle court — 100 à 200 ans —, les incendies sont donc fréquents. Mais on voit un schéma s’installer ces dernières années : moins de neige, un printemps hâtif, plus chaud. Tout est plus sec et donc propice à ce que les forêts s’enflamment davantage, ce qui arrive de plus en plus au printemps. »

Si dans les forêts boréales — du nom de Borée, le dieu grec du vent du nord — le feu est fréquent, c’est en raison des arbres qui les peuplent, principalement des conifères, et du manque de pluie. « Les arbres ont développé des résines pour lutter contre les insectes… mais les résineux brûlent très facilement. Et l’Alberta est particulièrement sec : la précipitation moyenne est faible, entre 4 et 600 millimètres d’eau par an. Au Québec, on dépasse les 1 000. »

À cela s’ajoutent les épidémies d’insectes. « Quand le sol des arbres manque d’eau, les espèces ferment leurs stomates, — les pores à la surface des feuilles, qui permettent les échanges de gaz entre la plante et l’air — ainsi, elles évitent de transpirer, mais cela empêche la photosynthèse. Ce qui fait que l’arbre a moins d’énergie pour résister aux insectes et meurt plus facilement. »

Augmenter la population de feuillus, qui brûlent moins

Lorsque la forêt boréale prend feu, c’est toute la terre qui s’étouffe. Car elle relâche, par unité brûlée, 10 à 20 fois plus de CO2 que les autres écosystèmes, et elle en émet davantage que par le passé.

Une étude publiée dans la revue Science a montré qu’en 2021, les émissions de CO2 dues à des feux boréaux ont atteint un nouveau sommet. En temps normal, elles représentent 10 % de la totalité des émissions causées par des incendies. Mais en 2021, c’était près du quart.

Pour Christian Messier, si l’on veut aider les forêts boréales à combattre les effets du réchauffement, il faut les diversifier. « Les feuillus brûlent moins, alors que les épinettes, elles, prennent feu vite. Une solution, c’est donc d’augmenter la quantité de feuillus. Ça va prendre beaucoup de temps, mais on peut commencer ! Il faut multiplier les espèces. »

« Tout ce qui pourra pousser, ce sont des graminées »

Avec le réchauffement climatique, les scientifiques anticipent une remontée de la forêt boréale vers le nord, grignotée par la forêt tempérée. « D’ici cent ans, la partie septentrionale va disparaître. Cela va devenir trop chaud, trop sec. Tout ce qui pourra pousser, ce sont des graminées », explique Christian Messier.

La pluie qui tombe depuis lundi 8 mai en Alberta a fait du bien aux pompiers qui tentent de circonscrire les feux. Ils ont pu travailler dans des zones de haute intensité, où les flammes étaient, au départ, trop fortes. Mais le répit risque d’être bref. D’après Ressources naturelles Canada, l’Alberta fera face à un risque d’incendie extrême ce week-end, avec des températures flirtant avec les 30 °C.

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