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Europe

Fin des voitures thermiques : l’Europe signe un paquet climat en demi-teinte

Il n'y aura plus de voitures thermiques en circulation dans l'UE d’ici 2050.

La majorité en faveur d’une réforme du marché carbone a volé en éclat au Parlement européen, le 8 juin, lors du vote du paquet climat. Avancée importante, la fin de la vente de voitures thermiques neuves d’ici 2035 a en revanche été votée.

Terminé les voitures essence, diesel ou hybride en vente d’ici 2035. Donc plus de voitures thermiques en circulation d’ici 2050. C’est la mesure la plus emblématique adoptée le 8 mai par le Parlement européen, lors du vote de huit textes majeurs du paquet climat.

Intitulé « Fit for 55 », cet ensemble de textes doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) de 55 % d’ici 2030, par rapport à 1990. La fin de la voiture thermique est une contribution notable à la baisse des émissions européennes, selon Neil Makaroff, responsable Europe du Réseau Action Climat (RAC) : « Le secteur automobile de la voiture individuelle représente 16 % des émissions en Europe et la voiture électrique permet de rejeter 2 à 3 fois moins d’émissions que sa version thermique. »

L’expert s’appuie sur les nouveaux chiffres de l’ONG européenne Transport & Environnement : le pire scénario d’une voiture électrique produite en Chine et conduite en Pologne réduit de 37 % les émissions de CO₂ par rapport à une voiture thermique. Une proportion qui grimpe à 83 % pour un modèle suédois conduit en Suède, donc avec une énergie plus verte que les centrales à charbon polonaises. Les voitures électriques ne sont toutefois pas complètement écologiques.

« Un texte impossible à soutenir »

La question de l’équité d’une telle mesure, face à l’absence d’alternatives bon marché, reste pour l’instant entière. Le Fonds social pour le climat, qui pourrait notamment financer les ménages les plus modestes pour utiliser des moyens de transport et de chauffage plus écologiques, n’a pas été voté. En effet, le rejet le même jour de la réforme du marché carbone européen, l’ETS, a annulé le vote de deux autres textes qui lui sont directement liés : le Fonds social européen et l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui doit permettre de taxer les produits non européens moins vertueux en termes d’émissions.

Qu’est-il arrivé à la réforme du marché carbone ? Le texte a été rejeté — avec 340 voix contre, 234 pour —, les Verts, la gauche et l’extrême droite votant contre. « Les deux amendements adoptés juste avant le vote rendaient le texte impossible à soutenir. Le calendrier proposé ne répondait plus aux engagements européens », nous explique Karima Delli, député européenne Europe Écologie-Les Verts (EELV). Les deux amendements en question, approuvés quelques minutes avant par Renew Europe et le Parti populaire européen, marquaient un recul par rapport au texte proposé par la commission de l’environnement du Parlement européen (Envi).

Le premier propose de réduire de 62 % et non plus de 67 % les émissions des industries concernées par le marché carbone européen, donc les industries les plus émettrices comme les secteurs de l’acier, du ciment ou encore des engrais. Autre ambition à la baisse, la demande de prolongation des quotas gratuits accordés aux industriels jusqu’en 2034 au lieu des 2030. Ces quotas d’émissions faussent le prix du carbone et empêchent la mise en place d’une taxation aux frontières. Le texte sur la réforme du marché carbone est donc renvoyé devant la commission Envi.

« Le succès des lobbys de l’industrie lourde à disloquer la majorité »

Dans un communiqué, la députée EELV Marie Toussaint, membre de la commission Envi, justifie la position de son groupe : « Il est essentiel de réviser l’ETS, mais cet instrument n’est utile qu’avec des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une partie du groupe Renaissance s’est mise d’accord avec la droite sur le dos du climat pour détricoter l’accord politique solide de la commission Envi. C’est une trahison de l’ambition écologique pourtant affichée par ce Parlement. »

Lire aussi : « À Bruxelles, le lobbying industriel est intense contre le climat »

Pour Neil Makaroff, qui a passé le 8 juin dans les couloirs de l’hémicycle strasbourgeois, le plus marquant est « le succès des lobbys de l’industrie lourde à disloquer la majorité autour du texte. Avec toujours les mêmes arguments de chantage à l’emploi ». À la différence de l’industrie automobile qui avait publiquement acté l’échéance de 2035. « L’industrie automobile avait obtenu le report de l’ambition de 2030 à 2035 », nuance Neil Makaroff.

Les autres textes du paquet climat ont été adoptés. En particulier un train de mesures sur l’aviation, afin de pousser l’industrie aérospatiale à financer la baisse de ses émissions en supprimant les nombreux quotas gratuits dont elle bénéficie d’ici 2025. L’aviation est en effet soumise à l’ETS depuis 2012, mais avec un statut spécial non contraignant. Sur les puits de carbone naturels, les eurodéputés ont confirmé l’objectif d’absorber — grâce aux forêts, tourbières, zones humides, etc. — 310 millions de tonnes d’équivalent CO₂ d’ici à 2030.

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