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ReportageMonde

Floride : pour fuir les ouragans, les riches délogent les pauvres

À Miami Beach, les villas luxueuses en bord de mer n’ont plus la cote. Face à la montée des eaux, les quartiers en hauteur deviennent attirants pour les promoteurs. Au détriment des plus pauvres qui en sont peu à peu chassés.

Miami Beach (Floride), reportage

Cyclones, tempêtes, inondations... La Floride, située entre le golfe du Mexique et l’océan Atlantique, est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique. Ce qui n’empêche pas la population d’augmenter, attirée par le soleil, notamment celle des retraités. Les quartiers pauvres sont ainsi soumis à l’embourgeoisement commun aux métropoles, mais celui-ci est fortement teinté par le dérèglement climatique. La montée des eaux sur les terres du littoral, et notamment sur Miami Beach — ville huppée près de Miami — menace les habitations des populations très aisées qui y vivent. Le niveau de l’eau devrait augmenter de 28 centimètres d’ici 2040 en Floride du Sud, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique.

Depuis plusieurs années, les investisseurs immobiliers exercent des pressions pour acquérir et viabiliser des terrains situés dans les quartiers protégés des inondations par le Miami Rock Ridge, un affleurement de calcaire traversant le sud de la Floride. Les investisseurs n’hésitent pas à contacter chez eux les quelques rares propriétaires pour leur proposer jusqu’à 80 000 dollars (73 000 euros) en main propre pour les inciter à partir au plus vite. Même si ce n’est pas une grosse somme pour l’achat d’une maison, ces familles, souvent dans le besoin, ont tendance à accepter l’offre. Comme l’écrivait le Miami Herald, « rester en hauteur et au sec » sera un luxe toujours plus onéreux dans les prochaines années.

© Gaëlle Sutton/Reporterre

L’ouragan Irma, qui a dévasté 133 000 maisons en Floride en 2017, en aurait dévasté 57 000 de moins si le niveau de la mer était resté similaire à celui de 1970, a révélé une étude de l’ONG First Street Foundation spécialisée sur les inondations et le risque climatique. Mais rester en hauteur ne suffit pas : les maisons des populations les plus pauvres sont certes plus éloignées de l’eau mais elles sont aussi bien plus vulnérables aux destructions. Et elles ne sont dotées d’aucun volet antitempête, de vitres renforcées ou de sacs de sable protecteurs...

Michael Clarkson, membre des black panthers, prononce un discours lors d’une manifestation à Overtown contre la gentrification et une loi interdisant aux SDF de mettre leurs tentes dans la rue. © Antoine Martin / Hans Lucas / Reporterre

« Le climat est la nouvelle force gentrificatrice », résume Aparna Nathan, une chercheuse à Harvard. Le risque climatique déloge les communautés installées historiquement, les oblige à émigrer et à abandonner leur mode de vie et leur culture. À l’image de Liberty Square, un des plus vieux complexes de logement public ségrégué des États-Unis ouvert en 1937 dans le quartier de Liberty City [1] ; de Overtown, un des quartiers les plus anciens de Miami abritant la plus grande population noire américaine de la ville, ou encore de Little Haïti, hébergeant la plus importante population haïtienne en dehors du territoire d’Haïti. D’après des témoignages recueillis auprès d’activistes de Liberty city et Little Haiti, beaucoup de ces habitants déménagent dans le nord de Miami, ou dans d’autres États comme le Texas et la Georgie. Certains Haïtiens retournent en Haïti.

Une personne sans-abri prend la pose devant un bâtiment en construction à Allapattah. © Antoine Martin / Hans Lucas / Reporterre

Depuis mon premier voyage, en 2018, nombre de petits commerces locaux et d’habitations ont été rasés, laissant place à autant de bâtiments neufs sortis de terre que de terrains en vente. Ce travail photographique vise à dresser un portrait du « real Miami », comme les locaux aiment à l’appeler, et porte un regard critique sur les conséquences de cette évolution sociale et écologique. Il raconte l’histoire de ces communautés aujourd’hui menacées d’exode.


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