GCO : au nom de « l’ordre public », le tribunal administratif autorise les travaux

Les juges du tribunal administratif ont décidé de ne pas suspendre les travaux du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg malgré leur doute sur la légalité des arrêtés préfectoraux les autorisant. Ils ont motivé leur décision, « à titre exceptionnel », à cause de « troubles à l’ordre public ».
- Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance
Le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas suspendu mardi 25 septembre les arrêtés préfectoraux qui autorisent les travaux du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. L’association Alsace Nature contestait notamment le « saucissonnage » du dossier et de ses impacts, entre l’autoroute payante avec son échangeur nord et les projets connexes (le TSPO vers Molsheim, la transformation de l’A35, la VLIO, la liaison avec l’aéroport d’Entzheim, le remembrement des terres agricoles).
Les trois juges ont estimé qu’il y a bien « un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée », mais « à titre exceptionnel » refuse de les suspendre, car les travaux préparatoires « s’accompagnent de troubles à l’ordre public nécessitant la présence des forces de l’ordre ». La suspension porterait « une atteinte d’une particulière gravité à l’intérêt général », ajoute le tribunal. Les magistrats rappellent que la déclaration d’utilité publique avait été confirmée sur le fond en 2010.
Le cas jugé était le recours juridique le plus important, puisqu’il concerne les premières coulées de béton. L’association Alsace Nature a maintenant deux semaines pour se pourvoir en cassation. Très surpris, son avocat, Me François Zind, dit à chaud « n’avoir jamais vu ça ».
L’association écologiste s’est logiquement appuyée sur les avis négatifs des enquêtes publiques pour les mesures environnementales du printemps, que ce soit pour l’échangeur nord, ou la rocade de 24 kilomètres. « Non actualisé, incohérent, incomplet, contradictoire, insuffisant, inexact, illisible... » a notamment attaqué dès le début de l’audience mercredi 19 septembre, son avocat, François Zind. Une succession d’adjectifs qu’il a puisé dans les rapports des commissaires enquêteurs remis au début de l’été.
« Les remarques de la commission sont des réserves, des avis pour perfectionner notre dossier »
Alsace Nature regrettait aussi que seules les espèces protégées (grand hamster, crapaud vert, nombreuses espèces d’oiseaux…) soient prises en compte dans les compensations. « Les espèces cibles et parapluies n’ont pas de sens sans leur interaction avec les espèces ordinaires », a fait remarquer Me Zind.
Parmi ses autres reproches, l’étude de « variantes » du tracé, mais pas « d’alternatives » à l’autoroute, telles qu’écotaxe, voies réservées au transit, aux transports en commun ou au covoiturage, ainsi que l’absence d’estimations du coût des mesures de compensations. Selon le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx, le constructeur Arcos (filiale de Vinci) avait en effet indiqué que compte tenu des exigences des compensations, qui vont au-delà de certains seuils réglementaires, elles auraient « très vraisemblablement des conséquences sur le planning et les coûts ».
Enfin, l’avocat d’Alsace Nature a souligné que l’étude d’impact contient « une erreur méthodologique » sur la pollution, « focalisée sur les particules fines » (ou microparticules, PM10). « Le dossier ne contient pas d’actualisation du parc automobile », a regretté François Zind. Selon Alsace Nature, il faut aussi s’intéresser aux nanoparticules, ou « particules ultrafines » (non-réglementées et donc non-mesurées), sur lesquelles des médecins tentent d’alerter depuis quelques années.
En face, Me Jean-Nicolas Clément pour Arcos a minimisé ces avis officiels mais consultatifs opposés au GCO : « Les remarques de la commission sont des réserves, des avis pour perfectionner notre dossier. » Sur le « saucissonnage » (terme repris par l’avocat), il « n’est en rien irrégulier ». « Ce qui pourrait l’être, c’est s’il a permis de bénéficier d’un effet de seuil. A-t-il été malicieux ? A-t-il trompé le public ou l’administration ? Non. » Sur le coût des mesures, il a répliqué que des conventions étaient « annexées » au dossier.
Sur ce point, les juges administratifs n’ont pas suivi l’avocat d’Arcos qui demandait à ce que les avis soient « requalifiés », en avis favorables avec réserves.
Vers un début des travaux de terrassement
Les représentants du préfet avaient ajouté que le projet est « déclaré d’utilité publique » en 2008 pour dix ans, puis prolongé en 2018 par le Conseil d’État, qui a examiné cette clause prévue dans le contrat signé début 2016. Ils estiment qu’il fait suite à « une prise en compte du public ».
Parmi les arguments sur le fond, le GCO répondrait « à une vision globale », à « un axe de transit européen fort », permettrait « la création d’emploi » ou encore « la baisse des gaz à effet de serre », en détournant une partie des camions de l’A35, tout ceci ayant de « l’attractivité pour le territoire ».
L’ampleur de certaines compensations ont aussi été présentées. Par exemple, les 4 hectares à la forêt de la Bruche doivent être remplacés par 40 hectares à Vendenheim, tout en reconnaissant que cela « ne peut pas garantir à 100 % l’équivalence fonctionnelle ».
Le jour de l’audience, la société Arcos nous avait indiqué attendre cette décision pour procéder aux travaux autorisés par cet arrêté.
Un jugement sur le fond est attendu dans les mois à venir. Début septembre, la justice administrative a suspendu un permis d’aménager le viaduc à Kolbsheim et l’abattage de 30 arbres. Mais le préfet et le département, favorables au déboisement, peuvent rédiger de nouveaux actes pour se conformer à la règlementation.
DEUX CONDAMNATIONS INDIVIDUELLES

Deux opposants ont été condamnés, mardi 25 septembre, par le tribunal de grande instance. La veille, une dame s’était opposée à des déboisements. L’habitante de Pfulgriesheim est grimpée sur un arbre et a gazé des gendarmes en redescendant. Elle a été condamnée en comparution immédiate à trois mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi que d’une obligation d’effectuer 105 heures de travail d’intérêt général. Un homme de 24 ans a quant à lui écopé de 8 mois de sursis, assorti d’une interdiction de revenir sur le chantier. Lors de l’évacuation de la zone à défendre le 10 septembre, il avait aspergé les gendarmes avec un extincteur, qu’il avait ensuite jeté, puis il avait craché sur l’un d’eux.